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Des pistes pour une réelle réforme du système éducatif

Mustapha-Kamel-Nabli-Nabes

Le système éducatif tunisien souffre de multiples défaillances. Des chercheurs proposent des pistes pour des solutions radicales.

Par Wajdi Msaed

La réflexion autour de la réforme de notre système éducatif se poursuit à plusieurs niveaux dans le but de parvenir aux solutions adéquates susceptibles de garantir à l’école tunisienne l’efficacité requise et à nos enfants, dans tous les coins du pays, la formation solide leur ouvrant des horizons sur les plans intellectuel, scientifique, professionnel et social sûr et sur la voie du savoir

Multiples lacunes et acquis cognitifs faibles

Notre système éducatif souffre de multiples lacunes et défaillances; en témoignent les deux études que le North Africa Bureau of Economic Studies (Nabes Lab) a pris l’initiative de dévoiler les analyses et les résultats, au cours d’une rencontre-débat, organisée le mercredi 16 mars courant et focalisé sur le thème : «Egalité des chances et qualité de l’éducation en Tunisie».

Animée par Mustapha Kamel Nabli, président de Nabes, cette rencontre a permis à deux universitaires, Mohamed Ayadi et Sonia Naccache, de décortiquer la problématique, chiffres et statistiques à l’appui.

En effet, pour M. Ayadi, l’école tunisienne ne semble pas donner à nos élèves les compétences nécessaires à la vie courante et à l’insertion dans la vie économique. Les scores obtenus par nos élèves aux épreuves internationales, tel que le Programme international pour le suivi des acquis (Pisa), témoignent de la faiblesse de leurs acquis cognitifs.

En outre, la qualité de l’éducation semble inégalement accessible à nos élèves et les taux de réussite aux examens du baccalauréat affichent une inégalité patente entre les régions côtières et celles de l’intérieur du pays (43% à Sfax et 11% à Kasserine par exemple).
Manque de ressources éducatives

Parmi les causes évoquées pour expliquer la faiblesse des acquis, le conférencier cite la faiblesse des ressources éducatives offertes aux élèves aussi bien par leurs familles (bureau, livres, ordinateurs, connexion à internet…) que par leurs écoles (laboratoires, équipements éducatifs…)

Dans ce contexte, il propose des mesures qu’il juge nécessaires à apporter au profit des régions défavorisées. Il faut tout d’abord inciter les enseignants à s’y installer, mettre à la disposition des écoles des ressources éducatives plus performantes et, enfin, accorder des aides financières aux familles les plus démunies.

Pour faire face à la faible qualité de l’enseignement, certains parents recourent à l’enseignement extrascolaire. Les études ont montré que 70% des élèves tunisiens bénéficient de ces cours mais le résultat est loin d’être convaincant : on a de meilleures notes mais pas de meilleurs acquis cognitifs.

Il faut signaler aussi que seulement 2,9% des élèves issus de familles pauvres obtiennent de bons acquis cognitifs, à cause du pouvoir d’achat des ménages pauvres qui allouent moins d’heures extrascolaires à leurs enfants et de l’impact redistributif des politiques de l’éducation en Tunisie qui demeure limité.

Le constat est donc très clair : l’effet limité de l’école en tant qu’ascenseur social; et le remède réside, d’après M. Ayadi dans la révision de la méthode d’évaluation et l’abandon de la mauvaise association entre le passage et la note, la certification et la réussite. Le remède réside aussi dans la révision des programmes et des supports pédagogiques pour que l’apprentissage puisse être réalisé pendant les «horaires scolaires» sans recours aux heures extrascolaires.

Le fléau de l’abandon scolaire

Une autre question, non sans importance, évoquée par Mme Naccache se rapportant à l’abandon scolaire qui atteint plus de 100.000 élèves en moyenne chaque année. Ce phénomène est fortement lié, dit-elle, à la pauvreté notamment dans les quartiers périurbains et les régions défavorisées. Et la solution pourrait résider dans la généralisation du transport scolaire en milieu rural dispersé et la restauration scolaire au profit des enfants pauvres de manière à améliorer leur assiduité et réduire ainsi le décrochage.

Mme Naccache souligne, par ailleurs, que l’abandon est fortement lié à l’absence de préscolarisation des enfants. En effet, la couverture en programmes d’éducation préscolaire est trop faible (environ 40% des enfants de 3 à 5 ans en 2012), estime-t-elle faisant savoir que le phénomène qui est concentré dans les métropoles se fait trop rare dans les gouvernorats défavorisés et que l’offre demeure qualitativement hétérogène à cause de la faible qualification des éducateurs.

Le préscolaire dès l’âge de 3 ans

Etant convaincue que l’investissement dans l’éducation préscolaire est socialement très rentable, Mme Naccache recommande la généralisation de cette éducation dès l’âge de 3 ans. «Nous considérons que cette généralisation est à la portée de notre pays puisqu’elle revient à environ 0,6% du PIB dans les pays de l’OCDE». Elle recommande, en outre, de soumettre le préscolaire à la tutelle unique du ministère de l’Education nationale, d’augmenter la capacité de formation des éducateurs, d’envisager la requalification des chômeurs diplômés des sciences humaines et sociales dans l’éducation préscolaire et, enfin, d’inciter le secteur privé à s’investir dans l’éducation préscolaire.

Notons que M. Nabli a fait savoir, dans une allocution de bienvenue aux participants, que le Nabes, créé il y a 3 ans, oeuvre, à travers ses équipes de chercheurs et universitaires, à réfléchir, examiner et étudier les différents sujets ayant trait à la bonne marche de notre pays. «Nous voulons approfondir la réflexion autour de ces thèmes par la contribution des hommes de presse et des spécialistes en la matière en vue d’aider à préconiser les solutions adéquates», précise-t-il, en ajoutant «ce genre de rencontres sera tenu une fois toutes les 2 ou 3 semaines».

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