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La Tunisie et l’imposture du « printemps arabe »

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C’est en Tunisie que le glas du « printemps arabe » est sonné : on y assiste à l’ultime régression menant imperceptiblement à la désagrégation de l’Etat.

Par Assâad Jomâa *

Il est fort à parier que ma prose, pour désespérément réaliste qu’elle puisse être, ne suscitera pas l’enthousiasme des foules. A cet état de fait une explication, entre toutes, me semble être porteuse de sens: la sinistrose qui se dégage de mon propos n’incite pas à l’empathie à l’égard de son auteur. En fait de savantissimes, et non moins scabreuses, analyses menant ipso-facto au nihilisme tragique, nos concitoyens sont en droit d’aspirer, par ces belles journées ensoleillées, à un discours moins alarmiste.

Crise économique et cauchemar politique

Malheureusement, les faits ont pour unique vertu celle d’être têtus. Non point ceux quantifiables, modulables à satiété qu’ils sont, mais les faits irréductibles à la quantification (et il en existe plus que ne pourraient le souffrir nos amis matérialistes) qui ne sauraient être aussi aisément malléables. C’est à cet état des choses que je voue mes analyses passées et présentes.

L’on a pris coutume ces derniers temps, matraquage (sponsorisé?) médiatique aidant, à nous persuader du caractère éminemment économique de l’impasse dans laquelle se retrouve la Tunisie «postrévolutionnaire». Seulement, à l’examen de la progression des événements, il n’en est rien: les tenants et aboutissants du cauchemar vécu par les Tunisiens sont bien d’ordre politique.

Quelles seraient donc les raisons de ce travestissement de la réalité des choses? Cette supercherie présente aux yeux de ses commanditaires deux principaux avantages.

En premier lieu, elle maintiendrait les âmes, traumatisées par le chaos environnant, en haleine dans l’espoir d’un hypothétique sauveur super-expert-économiste. En acte: Ayed, Jomâa, Ayari… ou bien en puissance : Nabli, Jouini, Baccar… Une forme d’escroquerie à la banque, dite «cavalerie», et reposant sur le principe du «Demain on rase gratis».

En second lieu, elle détournerait certains regards fouineurs des «politiciens», véritables acteurs et comparses de cette vaste imposture nommée «printemps arabe».

Or, l’aporie dans laquelle se retrouve la Tunisie «postrévolutionnaire» est, telle que nous l’avions identifiée, indubitablement, de nature politique. A cet égard, elle serait plus difficilement réductible.

Retour à la case départ

En termes clairs, vous auriez beau changer de politique économique, de modèle économico-politique, d’acteurs économiques, de partenaires économiques, la crise sera toujours là, les véritables enjeux présidant à votre réalité se situant à un autre niveau, précisément politique.

Et c’est, pour votre serviteur, à ce niveau que le bât blesse. Quant à connaître le point de chute de cette descente aux enfers, Nostradamus serait plus qualifié que l’auteur des présentes élucubrations pour y répondre. Toutes les éventualités sont à égales chances de réalisation. Une seconde, mais moins folkloriquement jasminée, «révolution» à la spartakiste? Un douloureux pour certains et salvateur pour d’autres retour à la case départ avec aux commandes un généralissime relooké à la Broadway Avenue? Une harcelante irakisation à la Dracula? Seuls les dieux, certains scénaristes hollywoodiens et une poignée de fins stratèges du Pentagone le savent.

Et encore moins serais-je à même d’avancer quelque échappatoire à cette souricière. Une infime lueur d’espoir peut-être: la résistance civile, la dénonciation citoyenne, la solidarité des Tunisiens dans leur défiance à l’égard d’une classe politico-magouillarde qui n’a de tunisienne que le nom.

La fin d’une ère, pour ne pas dire le glas, a été sonnée pour les pays dits du «printemps arabe». Et, à l’heure où je vous parle, nous ne sommes pas, hélas, en présence d’un relais démocratique entre équipes gouvernementales, fait anodin s’il en est, mais de l’ultime régression menant imperceptiblement mais nécessairement à l’aporie politique: la désagrégation de l’Etat. Renaîtra-t-il de ses cendres? Assurément, la nature ayant horreur du vide, mais sous une autre forme.

Scénario catastrophe à la manière d’Hitchcock, scanderont certains festivaliers de concert avec un subtilissime «rappeur». Politique fiction de mauvais aloi, chantonneront, entre deux rafraîchissantes baignades, d’autres estivants. Il a dû se lever du mauvais pied déglutiront d’autres avec leurs cornets à glace. Possible… Possible… Que sera, sera…

* Universitaire tunisien.

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