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Mourad Hattab pointe les confusions de Youssef Chahed

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Pour l’économiste Mourad Hattab, l’état des lieux de l’économie tunisienne dressé par Youssef Chahed est entaché de sérieuses confusions.

Pour l’expert en gestion des risques financiers, lors de l’émission ‘‘Ness Nessma News’’, vendredi soir, l’identification faite par le nouveau chef du gouvernement des difficultés de l’économie tunisienne, il y a une semaine, devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), «reste imprécise, sans références solides et serait même entachée de certaines confusions sérieuses.»

Tout d’abord, Mourad Hattab explique qu’«il y a cette erreur faite par M. Chahed d’établir le lien direct entre la dette extérieure de la Tunisie et le produit intérieur brut (PIB). De toute évidence, il s’agit là de deux questions sans aucun rapport l’une avec l’autre: l’endettement de notre pays (dont le taux est actuellement estimé à plus de 61% du PIB, ndlr) se mesure en réserves de devises étrangères dont dispose l’Etat tunisien – car nous empruntons en monnaies étrangères et nous rembourserons ces prêts en monnaies étrangères, également. Par contre, le PIB est évalué en dinars tunisiens…»

Mourad Hattab est catégorique: «Le taux d’endettement de notre pays – qui atteindra 71,4% en 2017, selon le FMI – n’a rien à voir, non plus, avec le fardeau du fonctionnariat tunisien et la masse salariale des employés de l’Etat tunisien, c’est-à-dire que lorsque le gouvernement tunisien emprunte auprès d’institutions financières étrangères, les prêts contractés ne servent pas à payer les salariés de l’Etat.» «A ce que je sache, aucun citoyen tunisien – ni vous, ni moi – n’est payé en dollars», ironise-t-il.

«Ainsi, il devient clair que ce sont les impôts, c’est-à-dire les revenus fiscaux, qui permettent à l’Etat de payer ses employés. Il est donc faux de dire, de croire ou de faire croire que l’Etat tunisien emprunte à l’étranger pour payer ses fonctionnaires», ajoute l’expert.

Selon l’économiste, les mêmes causes produiront les mêmes effets: le même modèle économique, la même politique et le même système de développement entraîneront les mêmes conséquences négatives – celles qui ont mené à l’échec du gouvernement de Habib Essid et au départ de ce dernier au bout de 18 mois de service. «Et l’approche du gouvernement de Youssef Chahed ne semble pas être différente de celle de Habib Essid», lance l’expert économique.

Mourad Hattab avertit: «Il y a en Tunisie ce que l’on pourrait qualifier d’‘‘évasion fiscale et de contrebande légalisées’’. Il y a des importations anarchiques qui ont atteint, en 2014, 42 milliards de dinars. A titre d’exemples, je pourrais citer les importations de thon en boite, de la fripe et du fer de Turquie – alors que, dans le même temps, El-Fouladh (la société tunisienne de sidérurgie, ndlr) a été mis en vente… Que sommes-nous en train de faire? Nous vendons des secteurs stratégiques de notre économie nationale pour importer.»

L’expert a également mis en garde contre la menace d’austérité brandie par le nouveau chef du gouvernement et l’éventualité de recourir à la réduction des dépenses de l’Etat. Il explique: «Tout simplement, si vous décidez de donner un coup d’arrêt aux dépenses de l’Etat, cela veut dire que vous n’allez plus investir dans l’infrastructure – ni dans la santé… D’ailleurs, souvenez-vous de ce qui s’est passé: à peine M. Chahed a-t-il évoqué la possibilité de réduire les dépenses dans le secteur de la santé que la réponse lui est venue, quasi-instantanément, de Khamouda (cet l’accident de la route dans le gouvernorat de Kasserine, qui a coûté la vie à 16 de nos concitoyens, entraîné les blessures d’une soixantaine d’autres personnes et révélé au grand jour les lacunes du système hospitalier de cette région du pays, ndlr). Il y a en cela, également, toute une logique: arrêter les dépenses de l’Etat revient automatiquement à porter un coup dur à la consommation et à l’investissement…»

«Nous devrions donc faire très attention: la réduction des dépenses de l’Etat sera contre-productive. Elle conduira inéluctablement à l’échec du gouvernement d’union nationale de Youssef Chahed et à écourter son mandat», conclut l’économiste, qui ne propose, au passage, aucune alternative aux politiques envisagées par le nouveau chef de gouvernement.

On n’est donc pas mieux avancé avec ces chers experts, qui savent ce qu’il ne faut pas faire, mais ont du mal, eux aussi, à faire des propositions concrètes pour aider à sortir le pays de la crise.

Marwan Chahla

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