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Taoufik Ben Brik, le «voleur des lettres»

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Nous reproduisons ci-dessous cette lettre du philosophe et écrivain Youssef Seddik à son ami Taoufik Ben Brik à propos de son dernier roman ‘‘Les Frères Hamlet’’ (éd. Dar Al-Janoub, Tunis, 2016).

Par Youssef Seddik *

Cher ami, je me souviens que Gide le Français dans sa jeunesse avait effleuré les rebords de l’abîme de l’écriture puis s’était rétracté vers les encres classiques de sa littérature polie et policée.

Dans un écrit de jeunesse très peu connu intitulé ‘‘Le Voyage d’Urien’’, son héros, un navigateur vers des horizons inhabitables, a failli sortir de la dimension du Sens n’eut été sa naïve illusion de prendre le désert de glace pour le pur néant ! Gide, traducteur de l’immense Shakespeare, s’est bien gardé de retenter le coup et s’est rangé du côté de ses vieux pairs des lettres classiques…

Te voilà, toi, mon cher Taoufik qui remet le vieil ouvrage sur un antique métier… à tisser, c’est-à-dire «à faire et à défaire du texte» ! Tu as d’abord réglé son compte à la langue en optant sans vergogne ni ingénuité pour celle, irréprochable, des ‘‘Ishârât’’ d’un Tawhîdî ou d’un Messadi, un autre «voleur des lettres» («sâriq al-adab») au même titre qu’un certain Prométhée avait un jour originel volé du feu à une divinité grincheuse et stupide.

Puis, cette formalité acquittée, tu es entré en corps à corps périlleux et exténuant autant pour toi que pour ton imprudent lecteur, dans le tunnel de l’essentiel, déployant sur la même scène objets et personnages de toutes époques et de tous lieux autour d’un triple pivot de la terrible interrogation sur l’être, sur le pouvoir et sur la jouissance («al-laddha»)! Un Hamlet qui a substitué au spectre de son père celui d’un Roi Lear brisé par sa propre puissance, et un Othello enfin qui renaît de son suicide comme d’une cendre où s’était consumée irrémédiablement en nous tous le dépôt divin («al-amâna»), dont nous nous sommes crus dépositaires.

Ecoute : je m’arrête ici… J’ai peur de continuer et de noyer ton bel ouvrage dans mes impudentes et imprudentes ratiocination d’un pauvre philosophe, si peu habile dans l’art de voler des glyphes comme ton «sariq al-adab»…

Affectueusement tien…

* Philosophe et écrivain.

 

** Taoufik Ben Brik dédicacera son dernier livre ce samedi 19 novembre à partir de 17h, à l’espace culturel Gaïa, au centre culturel Tunisia Mall, aux Berges du Lac 2, Tunis.  

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