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A Radio Tunisie culturelle, on distille l’ennui

Radio Tunisie culturelle dessert plus la culture qu’elle ne la sert, car elle peine à trouver la manière pour intéresser les auditeurs.

Par Salah El-Gharbi

Le 6 mai 2017, Idhaat Tounes Athakafia (Radio Culture Tunisie) fêtera ses 11 ans d’existence. Créée pour promouvoir la culture «officielle», cette radio a connu, après la révolution du 14 janvier 2011, une mutation en douceur et, de docile antenne de l’ancien régime, elle est devenue, subrepticement, et presque avec la même équipe, une radio vaguement «militante».

Malgré les changements survenus à la tête de cette radio publique, le style des programmes est resté presque inchangé, avec la même équipe et la même ligne éditoriale brumeuse dont les conséquences se ressentent sur son audience, du reste assez confidentielle.

Emphase et boursouflure verbale

En effet, selon l’audience de janvier 2017, Radio Culture Tunisie n’occuperait que la 19e place, parmi l’ensemble des radios, privées et publiques. Mais pourquoi un tel manque d’intérêt des auditeurs pour une offre médiatique dont la vocation est de promouvoir la culture dans sa diversité et ses différentes expressions?

Selon beaucoup d’auditeurs férus de culture, cette radio est malade de sa raideur. Dominée par des universitaires, elle est presque devenue la succursale de l’université tunisienne, une sorte de Radio Sorbonne où l’on soliloque et débat entre initiés, dans une langue arabe qui se veut littéraire, comme si culture rime avec emphase et boursouflure verbale.

Et ces supposés puristes de la langue que servent-ils? De longs discours de spécialistes, d’exégètes en matière de religion, de littérature, d’art…

Dans une radio culturelle, ces discours auraient pu être intéressants s’ils étaient servis intelligemment, sans prétention, en cherchant à séduire l’auditeur «moyen» et en ciblant un auditoire curieux et pas forcément expert, plutôt méfiant à l’égard des discours élitistes, rébarbatifs et synonymes d’exclusion.

«Tout est dans la manière», disait La Fontaine. On peut, en effet, proposer un produit radiophonique consistant, sans être ennuyeux et indigeste pour l’auditeur. Une radio dite culturelle ambitieuse se doit, non seulement de fidéliser un public jouissant d’un haut niveau d’instruction, mais aussi d’élargir son auditoire aux autres catégories sociales, qui s’intéressent ou peuvent s’intéresser eux aussi à la culture, surtout parmi les jeunes et ce, en offrant des émissions mieux conçues, mieux élaborées et intelligemment présentées.

Confusion entre académisme et journalistique

A Radio Culture Tunisie, on confond culture et ennui, mais aussi, culture et démagogie. Ainsi, les «tribunes politiques» présentées, à l’image de ‘‘Hadith Essaa’’, sont souvent assez peu crédibles et offrent, parfois, un spectacle désolant où les invités assènent de fausses évidences face à des «animateurs» souvent dociles, indulgents voire même complaisants. Toute la littérature facebookienne y passe, reproduite par des «experts» venus éclairer les auditeurs sur des questions d’actualité, mais on y entend aussi toutes les élucubrations idéologiques entachées de «nationalisme arabo-gauchiste» donnant lieu à des déclarations expéditives.

En fait, à Radio Culture Tunisie, si l’on patauge, c’est qu’on continue à confondre compétences académiques et savoir-faire journalistique. Or, on ne peut pas s’improviser animateur de radio, parce qu’on maîtrise la langue ou qu’on a des connaissances approfondies dans un domaine précis. Pour s’adresser à un public assez large, il faudrait une approche appropriée, où la souplesse de la clarté et du dynamisme transmission, qui gagne à être interactive, ne doit pas se passer de certaines exigences de rigueur et de professionnalisme.

La Radio Culture Tunisie, à l’image de l’audio-visuel de service public dans son ensemble, souffre de mauvaise gouvernance et d’absence d’un nouveau projet médiatique dans un environnement où l’offre est de plus en plus variée. En restant fermés, entre soi, à ronronner, on ne rend service ni au service public, ni à la culture et encore mois aux auditeurs.

Faudrait-il attendre que le privé s’y mette pour qu’on ait une réelle radio culturelle, ouverte, sans autre prétention que d’offrir pour tous un produit à la fois dense, accessible et alléchant?

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