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Assassinat de Belaid : Les dessous d’un crime islamiste (7e partie, article 2)

Ali Harzi, Mourad Gharsalli et Kamel Zarrouk.

Dans cette seconde partie du 7e article de la série, nous publions la seconde partie de la liste des exécutants de l’assassinat de Chokri Belaid.

Par Abdellatif Ben Salem

Mourad Gharsalli (1987-2015, Kasserine), alias Abou Al-Barâa, chef d’un «foyer» terroriste actif dans le massif montagneux de Chambi, qui intégra la Katiba Oqba Ibn Nâfâa, relevant d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Auteur de plusieurs assassinats de militaires et d’agents de la garde nationale. Il est co-auteur, entre autres, de l’assassinat du caporal Anis Jelassi. Reprochant, d’après la version officielle, à l’ancien ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou sa décision d’interdire le congrès d’Ansâr Chariâ à Kairouan, il a planifié et mené une expédition punitive contre son domicile à Kasserine au mois de mai 2014. Il est également responsable de l’attaque ayant coûté la vie à 8 gardes nationaux, en juillet 2012, ainsi que de l’attaque de Boulaâba.

Mourad Gharsalli a été abattu à l’issue d’une longue traque qui s’est soldée, le 10 juillet 2015, par la mort d’un militaire et de 4 terroristes, au cours d’un guet-apens tendu, d’après la version officielle, par une unité mixte composée de gardes nationaux et de militaires, au Mont Orbata, lieu dit d’Ouled Bou Omrane, délégation d’El-Gtar (Gafsa). Les deux clichés – de mauvaise qualité – tweetés vers le 22 septembre, et reproduits par le journal en ligne ‘‘Akherkhabaronline’’, montraient, pour le premier, deux silhouettes humaines en tenue de camouflage confondues avec un paysage rocailleux, et pour le deuxième, le cadavre supposé être de Gharsalli. Les deux clichés ont été pris à n’en pas douter à partir d’un engin aérien non identifié. Ce qui laisse supposer que Gharsalli et son acolyte avaient été «flashés» par un drone, avant d’être pulvérisés par la frappe aérienne, si l’on juge par l’aspect déchiqueté du cadavre du terroriste.

Le 3 novembre 2015 le tribunal de première instance de Tunis, bien qu’au courant de sa liquidation par les forces de sécurité, le condamna pourtant (16) à la prison à perpétuité par contumace !

Kamel Zarrouk (…2015 Syrie) alias shqaief , un sobriquet hérité de son passé de délinquant notoire. A sa conversion au salafiyya–jihadiyya on a pris l’habitude de lui donner du Hafidha-hû-allah (Dieu le préserve !). D’imam autoproclamé de la mosquée al-Tawba de la cité Zayatine, Zarrouk est devenu le n°2 d’Ansâr Chariâ. Il a été aperçu pour la dernière fois en Tunisie le 1er février 2014, déguise en muntaqiba (vêtu du voile intégral) sortant de la mosquée. Il aurait été exfiltré grâce à des complicités islamistes, pour éviter – disait-on – une confrontation armée avec la salafiyya-jihadiyya. Des sources du ministère de l’Intérieur ont confirmé que les services de renseignement tunisiens l’avaient bien exfiltré en Libye le 13 février 2014, d’où il est parti pour la Syrie. Nommé imâm khatib de la Mosquée de Tell Abiyadh avant sa reprise par les Forces de Protection du Peuple kurde vers le mois de juin 2015.

Kamel Zarrouk aurait été tué, d’après les pages de Daech et Ifriqîa li-l-i’lâm, au cours des combats contre l’armée syrienne à Palmyre/Tadmor en juin 2015. D’autres sources (non vérifiés) indiquent qu’il aurait été passé par les armes par l’organisation « Etat Islamique « avec plusieurs autres tunisiens (on parle de 500) pour des raisons inconnues.

Ali Harzi (29 ans, Ariana) est soupçonné d’avoir participé au siège de 13 heures et de l’attaque du consulat américain à Benghazi au cours desquels 4 diplomates, dont l’ambassadeur J. Christopher Stevens, ont trouvé la mort, le 11 septembre 2012. Arrêté en Turquie, il fut extradé en octobre de la même année en Tunisie où a été interrogé par le FBI par dérogation spéciale des autorités tunisiennes. Il fut relâché en janvier 2013 par Noureddine Bhiri, ministre islamiste de la Justice. Quelques jours après sa sortie de prison, Chokri Belaïd a été assassiné. Depuis, Harzi s’est évaporé dans la nature. On saura plus tard qu’il rallia l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daech), devenant l’un de ses dirigeants. Il aurait été ciblé par une frappe de drone américain le 22 juin 2015 à Mossoul.

Salmane Marrakchi (32 ans).

Marouen Haj Salah (35 ans) a quitté légalement la Tunisie. Ancien membre des Ligues de protection de la révolution (LpR) du Kram. L’implication de Haj Salah a été documentée lors de la conférence de presse de l’Initiative pour la révélation de la vérité sur l’assassinat de Chokri Belaïd (Irva), le 2 octobre 2013 par Taieb Laguili.

Le 23 janvier 2013, la police de l’Ariana avait reçu l’appel d’une employée de l’agence de l’Union internationale des Banques sise à El-Menzah VI, signalant la présence d’un véhicule suspect – une Polo immatriculée 1488TU98 – stationnée devant la banque, tout près du domicile de Chokri Belaid. Le propriétaire de ce véhicule n’était autre que Marouen Haj Salah. Il aurait quitté la Tunisie avec son épouse vers l’Arabie Saoudite, dix jours après l’assassinat de Belaid. La rumeur avait couru sur sa mort au cours d’un accrochage entre l’armé syrienne et un groupe jihadiste non identifié.

Mohamed Amine Guesmi (1979, Kram), menuisier ou ouvrier dans une usine d’aluminium. Guesmi est le motocycliste qui convoya Kamel Gadhgadhi sur un scooter (Gilera 180 runner) de couleur noire jusqu’au lieu de l’assassinat de Chokri Bélaid. D’après Issam Dardouri (Organisation tunisienne pour la sécurité et le citoyen), Guesmi a été interpellé dans l’enceinte de l’école de formation de police de Carthage-Byrsa, où il travaillait sous contrat avec la direction générale de la formation de sécurité nationale. Tout en travaillant à cette école, Guesmi pistait Belaid dans ses déplacements.

Le directeur de cettte école était, au moment des faits, Riadh Beltaïf – cousin ou neveu de Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, chef de l’organisation terroriste Ansar Charia. Beltaif est membre présumé du réseau para-policier appelé police parallèle inféodé au mouvement islamiste Ennahdha. Couvert par Mohamed Imed Godhbani, alors directeur général des Services spéciaux, Beltaif a poursuivi sa besogne deux ans durant, se livrant à des actions d’infiltration et de noyautage des services des renseignements et de sécurité, en particulier grâce au recrutement – décrit par les syndicats de police comme «chaotique», qui signifie, dans leur jargon, sur la base de l’allégeance à la mouvance «nahdhawiyya-salafiyya» –, des candidats, sans qu’ils soient soumis au préalable à des enquêtes de sécurité, comme c’était le cas dans le passé.

C’est de cette école en question, que venait, toujours d’après Dardouri, l’agent qui «sécurisa» la fuite d’Abou Iyadh.

Nous savions également que c’était Mehrez Zouari qui avait la haute main sur les recrutements signalés plus haut. Les brigades qui ont participé à la répression de l’insurrection de Siliana et, avant cela, aux manifestations du 9 avril 2012, épaulé par les milices d’Ennahdha et les nervis des LpR, étaient majoritairement composées des jeunes fanatisées, dont le recrutement datait de cette époque.

Ces forces loyalistes au mouvement islamiste Ennahdha se comportaient face aux protestataires davantage comme des miliciens d’un parti que comme des agents de l’Etat chargés du maintien de l’ordre. Récompense ou simple soustraction à la justice ! Beltaïf a été nommé à la tête du contingent tunisien de la mission internationale de l’Onu en Côte d’Ivoire.

Mohamed Amine Guesmi a refusé de comparaître devant la cour

Yasser Mouelhi (1979, cité El-Khadhra), conseiller dans une entreprise d’informatique, membre d’Ansâr Chariâ.
Mohamed Ali Dammak (1979, Ariana), coiffeur. Le 5 février 2013, le jour où Chokri Belaid a fait faux bond à Kamel Gadhgadhi en passant la nuit à une adresse inconnue, Dammak a été filmé par la caméra de vidéosurveillance dans le voisinage du domicile du leader de gauche. En perquisitionnant sur son lieu de travail, la police est tombée sur une lettre testament où il exprimait son désir d’être inhumé par son «frère Kamel».

Saber Mechergui (1978, cité Ettadhamen), ouvrier, a tenté de rallier l’Irak pour rejoindre Al-Qaïda en 2003 mais ne parvint pas. Il fit, en revanche, la connaissance d’Abubaker El-Hakim. Il a été arrêté suite à l’affaire du vol du véhicule de la Steg et du dépôt d’arme à M’nihla, le 20 février 2013. Mechergui a participé au transfert du stock d’armes de Sanhaja (Sejnane) à Mnihla, qu’El-Hakim avait fait introduire clandestinement de Libye. Membre d’Ansâr Charia, il a juré fidélité à El-Hakim, en faisant sien son objectif d’instaurer un «émirat islamique» en Tunisie.

Kaïs Mechalah (1974), exploitant agricole, Cité El-Ghazela. Impliqué également dans l’affaire de la cache d’armes à M’nihla.

Karim Klaï (1975), commerçant à la Cité EL-Khadhra. Accompagné de Saber Mechergui, il tenta en 2003 de rejoindre les rangs d’Al-Qaïda en Irak à partir de la Syrie mais a été refoulé à la frontière. Il est impliqué dans l’affaire du dépôt d’armes transférées par Boubaker El-Hakim à Mnihla et prit part aux affrontements armés contre les forces de sécurité à El-Ouardia.

Ezzedine Ben Guennaoui Ben Mohamed Abdellaoui (1975, Carthage Yasmine), ouvrier, ancien agent de police. Il fut soupçonné d’entretenir, à l’époque de la dictature, des liens avec la salafiyya-jihadiyya. Renvoyé de la police en 2003, il a été inculpe et jugé. Il purgea sa peine à la prison de Mornaguia. Il a trempé en 2005 également dans l’affaire des salafistes du Kram. Abdellaoui a été appréhendée à El-Ouardia, le 4 août 2013, par la brigade antiterroriste. Il prit part aux affrontements armés ayant opposé les forces de l’ordre aux extrémistes à Douar Hicher en novembre 2012. Il avoua son implication directe et matérielle dans les meurtres de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. Il est également impliqué dans l’assassinat du caporal Anis Jelassi.

Au cours de son procès, tenu le 23 février 2017, en tant que prévenu dans l’affaire de l’assassinat d’Anis Jelassi, Abdellaoui a demandé à être entendu par le procureur de la république pour lui confier des secrets ce qui lui a été accordé par le juge, on n’en sait pas plus.

Considérant que la justice est à la solde du taghût, Abdellaoui a refusé de comparaître devant la Cour.

Mohamed El-Habib Amri (1991, Kasserine), ouvrier. A refusé de comparaître devant la Cour.

Mohamed Akkari (1975), commerçant, quartier Lafayette, Tunis. Impliqué dans l’assassinat de Belaid, Akkari est le chef de la branche militaire d’Ansar Charia. Parti en Irak en 2004, il rallia les camps des groupes combattant islamistes. Blessé, il est arrêté et incarcéré dans la prison d’Abou Ghraieb. Extradé en Tunisie en 2010, il est arrêté et emprisonné. A sa sortie de prison après le 14 janvier 2011, il fait allégeance à Saifallah Ben Hassine. Depuis, il eut plusieurs rencontres avec le chef d’Ansar Charia, accompagné souvent d’autres terroristes de premier plan comme Mohamed Aouadi, Lotfi Ezzine, Boubaker El-Hakim, Kamel Gadhgadhi et Adel Saidi.

Après un bref passage à l’Aqmi (dont Ansâr Charia était la branche tunisienne), Abou Iyadh, alors en fuite, le charge de prendre la tête de la branche sécuritaire clandestine d’Ansar Charia. Cette dernière se divisait en trois sections, la première avait pour mission de réunir les informations sur les responsables politiques : des agents assistent aux réunions publiques et aux diverses manifestations, organisent des filatures et enregistrent toutes les données, adresse, modèle et numéro de la plaque minéralogique de leur véhicule, archivage de toutes la matière produite par les médias sur leurs prochaines cibles. La deuxième remplissait le rôle d’interface entre les trois autres sections. La troisième est celle de propagation des rumeurs et d’infiltration des institutions de l’Etat.(17)

D’après l’enquête menée par le parti Watad unifié, dont les conclusions ont été versées au dossier des trois plaintes déposées le 8 juillet 2016 à l’encontre du juge d’instruction chargé de l’affaire de l’assassinat de Belaid, Béchir Akremi, avant qu’il soit dessaisi du dossier et nommé procureur de la république : Mohamed Akkari aurait avoué, le 14 septembre 2013, avoir dissimulé des informations importantes et décidé de passer volontairement aux aveux (18) dont voici la teneur : «Le chef de la branche clandestine de renseignements d’Ansâr Charia – officiellement classé comme organisation terroriste le 27 août 2013 – l’a informé de l’existence de 40 tonnes d’armes, passés en contrebande à partir de la Libye, enterrés dans le désert de Zâafrane (gouvernorat de Kebili) et dont le transfert vers le Grand Tunis – à Douar Hicher et M’nihla entre autres –, s’effectuera grâce à la complicité d’un agent de police nommé «Karim», un moniteur de conduite à l’école de formation de la police de Salammbô qui avait des liens avec Abou Iyadh. Mais la mission de sécurisation du convoi du transport d’armes a été confiée à Mohamed Bouzid. Ce dernier a été, le jour J, l’heure H, pressenti pour prendre la tête de ce qui serait appelée «l’émirat du sud». Ramzi Aifi, autre terroriste impliqué dans les événements de Soliman (2006) originaire de Sidi Bouzid, a été, lui, chargé de l’«émirat du centre», alors que Lotfi Ezzine de celle du nord, alors que Mohamed Aouadi aura, le moment voulu, sous ses ordres, le commandement général des trois «émirats» réunis pour le compte de Abou Yadh.
Aux dernières nouvelles, pris des convulsions et des troubles digestifs le 23 février 2017 en prison, Mohamed Akkari a prétendu avoir été empoisonné.

Lotfi Ezzine (Siliana, domicilié à Carthage) : Après avoir suivi des études universitaires à Radès, il est embauché par la télévision nationale en 2002 comme ingénieur du son, mais accusé en 2004 d’appartenance à une organisation terroriste, il écope d’une peine de prison de 3 ans. Libéré en 2010, il effectue entre 2012 et 2013 plusieurs allers retours en Libye. Il aurait transporté plusieurs tonnes d’armements vers Tunis avec la complicité d’un agent de police.

Membre de la cellule d’Ansâr Charia à Bahr Lazrag, près de la Marsa, dont la mission était le transport d’armes et d’explosifs du gouvernorat de Kairouan, le financement des attaques terroristes par le biais des opérations d’«ih’titâb», de hold-up de banques et de transport de fonds, et d’assassinats d’hommes politiques, des journalistes et d’intellectuels. Ezzine était classé dans la liste des éléments les plus dangereux d’Ansâr Chariâ. Il a été abattu le 17 octobre 2013 à Goubellat.

Mohamed Aouadi (1974, Zahrouni), alias El-Touil, aurait été abattu au cours du raid de l’unité anti terroriste à Mornaguia. Il devrait comparaître le 7 janvier 2016 en tant que prévenu dans l’affaire de l’assassinat de Mohamed Brahmi. On sait, d’après les conclusions de l’enquête du parti Watad unifié, versées au dossier des trois plainte déposées à l’encontre de Béchir Akremi, juge d’instruction du 13e bureau, dont un résumé a été repris par Mongi Khadraoui (19), qu’au moment de l’assaut de l’unité anti-terroriste contre la planque, Mohamed Aouadi a confié à Mohamed Akkari deux pistolets chargés ayant servi dans l’assassinat des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, lui demandant de s’en débarrasser. Ce dernier livra les deux armes à poing à Mohamed Khiari qui les confia à son tour à l’une de ses connaissances, le terroriste Ameur Bel’Izzi – condamné à 6 ans de prison en première instance pour avoir aidé à héberger un terroriste poursuivi par la justice en l’occurrence Mohamed Khiari – mais aussi étonnant que cela paraisse, Bel’Izzi n’a jamais été inquiété par le juge d’instruction Béchir Akremi, malgré l’évidence des preuves de sa participation aux meurtres de Belaid et de Brahmi. Signalons au passage que le comité de défense de Belaid détient des enregistrements vidéos des aveux circonstanciés de Bel’Izzi, qui aurait dissimulé les armes dans un emballage de lait vide, et, se servant, de la barque de son père, il aurait jeté le paquet au large de côtes de la Goulette.

C’était pendant qu’il purgeait une peine de prison liée à une autre affaire de terrorisme que Bel’Izzi a reconnu sa responsabilité dans la «destruction» des armes du crime. Une équipe de plongeurs de la Garde maritime fut envoyée pour effectuer des fouilles sous-marines à la recherche des pistolets. A l’heure actuelle on ne dispose d’aucune information, ni sur les résultats des recherches en mer, ni sur le sort des armes immergés.

D’après le résultat de l’enquête effectuée par le Watad unifié, le juge d’instruction a délibérément procédé à la dissimulation de toutes les informations sur ce qui est advenu des armes du crime. En clair, toutes les données reliées à cette partie de l’instruction ont disparu de PV d’audition individuels, des comptes rendus et des notes du juge en question. Pourtant c’est lui-même qui signa la commission rogatoire autorisant la garde nationale à se faire accompagner par le détenu sur le lieu de l’immersion de l’arme ou des armes du crime pour procéder aux vérifications d’usages.

Mohamed Khiari (1984, Ben Arous) : impliqué dans l’assassinat de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi. Membre de la branche sécuritaire clandestine d’Ansar Charia, responsable de la planification des assassinats politiques. Arrêté la nuit de ses noces, le 23 août 2013, il reconnut son appartenance à la branche sécuritaire d’Ansar Charia et sa participation dans les filatures de certaines personnalités du monde politique et médiatique comme Maya Jribi, secrétaire générale du Parti républicain, Mohsen Marzouk, dirigeant de Nidaa Tounes, et le journaliste Sofiane Ben Farhat. Il collectait également les données – adresses, déplacements, activité, réunions – d’autres personnalités telles que Wided Bouchamaoui, présidente du patronat tunisien, en préparation de leur élimination physique. Il reconnut avoir fréquenté avec assiduité I’tissâm Al-Rahîl (sit-in du départ), durant l’été 2013, en face de l’Assemblée nationale constituante (ANC) au Bardo, relevé plusieurs numéros de plaques minéralogiques des voitures appartenant à des responsables politiques et assisté à de nombreux meetings et assemblées pour constituer une base des données sur ses prochaines cibles.

En effectuant une perquisition à son domicile à Ben Arous, le 3 novembre, l’unité spéciale de la direction du district de sûreté de Ben Arous, dépendant de la direction générale de la sûreté nationale, a saisi la correspondance codée, griffonnée sur des serviettes en papier, entre Mohamed Khiari, incarcéré à la prison de la Mornaguia, et son épouse.

Ahmed El-Melki (1979, Mellassine), alias «Al-Somali» – propriétaire d’un magasin de revêtement pour salons à Cité El-Ghazela. Ahmed El-Melki est l’un des terroristes les plus emblématiques de la sphère jihadiste en Tunisie.

Véritable factotum du terrorisme local global, certains le qualifient de «Boîte noire» du terrorisme des années «troïka», la coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha. Il a connu de très près, au hasard des planques, presque tous les protagonistes de premier plan des assassinats politiques et des attentats qui ont marqué profondément l’histoire immédiate de notre pays. Il a lui-même servi d’appât pour attirer le député de la Constituante Mohamed Brahmi dans le piège mortel. Terroriste urbain, il connaît par ouie dire, même s’il continue à le nier, après s’être littéralement épanché devant le magistrat instructeur, une infinité de détails sur la composition des maquis terroristes des massifs montagneux du centre et du nord-ouest du pays et les auteurs et les circonstances dans lesquels ont été perpétrés les assassinats politiques qui ont ébranlé le pays en 2013. (20)

Déscolarisé dès la troisième année secondaire, il reçut une formation en mécanique mais il est arrêté en 1998 pour cambriolage d’un appartement vide. Il quitte la prison pour s’expatrier en Libye où il travaille pendant une année et demie dans le revêtement des salons.

Père de deux enfants, il s’est mis, à partir de 2010, à faire la prière. Après la révolution de 2011, il fait la connaissance d’un certain Karim El-Ayari, membre d’Ansar Charia qui venait de quitter la prison après avoir purgé une peine de 5 ans de prison pour activité terroriste, en lien avec un séjour qu’il avait effectué en Syrie. Après des échanges d’ordre théologiques sur des sujets tels que l’obligation du «jihad», son nouvel ami lui propose de faire partie d’Ansar Charia, qui lutte pour l’instauration du califat, et de prêter allégeance à son chef Abou Iyadh. A partir de là, il va participer aux «tentes itinérantes de prédication» et écouter les «khotbas» (prêche) de Kamel Zarrouk. Il fera plus tard connaissance avec certains responsables en vue d’Ansar Charia comme Riadh Louati alias «Abou Obeida».

En 2013, il voyage en compagnie de deux autres en Syrie. A Lattaquié, il fut recommandé auprès du Syrien Al-Jawlâni, «émir» de Jabhat Al-Nosra, qui a facilité son transit vers un camp d’entraînement militaire où il a été formé au maniement et au démontage des armes comme le fusil d’assaut Kalachnikov, la PK, le RPG et les grenades à main.

Il a été affecté au bout d’un mois à un poste de garde des issues menant aux villes frontalières. Après cinq mois passés en Syrie, il retourne le 1er juillet 2013. Il participera à l’assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet de la même année et la suite est une cavale de refuge en refuge pour échapper à la traque des forces de sécurité jusqu’à la nuit fatidique du 4 novembre où il tomba piteusement, quand les unités antiterroristes firent irruption, accueillis par des rafales de PK, dans un garage à Borj Louzir où se planquaient Amer Sediri, Mounir Jemai et d’autres qui préparaient activement une attaque spectaculaire du poste de la sûreté nationale, situé tout près de là, prévue pour le 8 février suivant à minuit. La police saisit sur lui un pistolet Fall, une PK (21) «prêté» par Kamel Gadhgadhi avant sa mort, ainsi qu’une grande quantité de munitions et de matières explosives. Ahmed El-Melki a été condamné, le 22 février 2017, par le tribunal de première instance de Tunis à 24 ans de prison pour appartenance à un groupe terroriste, pour «fourniture de service d’expertise à une organisation en lien avec un entreprise terroriste, fourniture d’armes et de formation militaire.»

Le syndicaliste Heykal Dkhil, victime d’une interdiction professionnelle depuis environ 2 ans, pour avoir dénoncé l’implication des responsables de sécurité dans des affaires terroristes, a dévoilé le secret de la découverte à l’intérieur de la couchette d’Ahmed El-Melki, dans sa cellule de prison, de 8 litres de chlore dans des bouteilles en plastique. Les objets saisis ont été détruits sur ordre des responsables haut placés dans les Services.

Au lieu d’être décoré, l’officier ayant fait cette découverte à été muté à El-Houareb, l’un des centres pénitenciers les plus durs de Tunisie.

El-Melki a refusé de comparaître devant la cour lors du procès des assassins de Belaid, au prétexte que les juges sont aux ordres du «tâghout».

Abderraouf Ben Jaballah Ben Salah Oueslati Talbi (1983, Ouardia), alias «Al-Duktûr», médecin, arrêté à quelques 12 Km de la frontière tuniso-algérienne, près de Souilem (sous-préfecture de Fernana), en compagnie de 3 complices à bord d’un véhicule bourré de matériel, de nourriture et de documents destinés aux terroristes retranchés dans un camp situé à Ain Cherarda. Il a pris part aux affrontements armés contre les forces de sécurité à El-Ouardia.
Abdertaouf Talbi «A. T.») et un certain Anis et Ezzedine Abdellaoui ont été choisis pour monter des actions terroristes comme piéger la voiture de Houcine Abassi, ex-secrétaire général de l’UGTT, la centrale syndicale, pendant le déroulement des funérailles de Mohamed Brahmi. Accompagné de Mohamed El-Touil, Boubaker El-Hakim a livré aux trois tueurs trois Kalachnikov AK-47, un sac bourré de chargeurs, deux grenades à goupillions, plusieurs pistolets automatiques, des couteaux de guerre et 200 kg d’explosifs destinés à faire sauter des commissariats et des bases militaires.

En plus des noms cités, il faut rajouter ceux de Lotfi Ezzine, Salman Marrakchi, Marouene Haj Salah, Mohamed Amine Guesmi, Ridha al-Sebtaoui, Mohamed Akkari et Jamel M.

Riadh Ouertani (1983, Dubosville), ouvrier.

Seifeddine Arfaoui (1986, Sidi Hassine), employé à la municipalité de Denden.

Hamza Arfaoui (1988, Zahrouni), ouvrier.

Tarek Enneifer (1983 Sfax), agent commercial.

Mondher Jelassi (1974, Ben Arous), chauffeur de taxi.

Wajdi Kefi (1984, Le Kef), ouvrier.

Khaled Zedini (1979, Le Kef), étudiant.

Hamza Ben Badr (1987, Le Kef), ouvrier.

Houcem Frikha (1987, Sfax).

Khemaies Dhahri (1976, Cité Ettadhamen), ouvrier.

Allam Al-Tizaoui (1988, La Marsa) ouvrier, probablement en fuite.

Maher Akkari (1990, Tunis), steward.

Ahmed Riahi (1980, Goubellat), ouvrier.

Houcem Mezlini (1991, Menzel Bourguiba), étudiant.

Mohamed Ali Naïmi (1990, La Goulette), étudiant.

Ahmed El-Kefi Ben Aoun (1982, Hammam Lif), professeur d’université.

Mouadh Hemaidya (1991, Jebel Lahmar).

Ces 4 derniers prévenus ont été remis en liberté le 27 décembre 2016.

Notes :
16- En vernaculaire, tesson de bouteille. Se dit des ruffians, virtuoses dans l’art de manier les tessons des bouteilles d’alcool dans les bagarres d’ivrognes.
17- Lire (en arabe) «Mohamed Akkari : d’Abû Ghraieb à l’implication dans l’assassinat de Chokri Belaid», Sabah Chebbi, ‘‘Assabahnews’’, 04/02/2016.
18- ‘‘Achourouk’’, 9 juillet 2016.
19- ‘‘Achourouk’’, 9 juillet 2016.
20- Cf. Sabah Chebbi, article cité.
21- PK est l’abréviation du nom russe de la mitrailleuse Kalachnikov appelée en arabe Al-Bika.

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Assassinat de Belaid : Les dessous d’un crime islamiste (7e partie, article 1)

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