L’expulsion du prince marocain contestataire, Hicham El Alaoui, risque de devenir une sérieuse affaire d’État en Tunisie.
Par Farhat Othman *
Cette affaire est, pour l’actuel gouvernement, le pendant de l’expulsion de l’ambassadeur de Syrie, en 2012, par le gouvernement de la troïka, l’ancienne coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha.
Et ce n’est pas un bon exemple à donner par l’actuel gouvernement du respect des réquisits de la révolution tunisienne, dont la libre expression est la valeur cardinale.
Le prince marocain est, en effet, un habitué des rencontres académiques en Tunisie, et il n’a jamais été inquiété pour ses idées auparavant, du moins depuis la révolution.
Les forces de l’ombre
C’est pourquoi on pense que la partie qui serait derrière son expulsion ne serait pas le palais marocain, mais d’autres palais non moins influents dans notre pays, ayant partie liée avec les forces de l’ombre qui agissent contre les intérêts suprêmes de la Tunisie, dont notamment la réussite de sa transition démocratique.
Que le triste événement arrive d’ailleurs au moment même où le chef du gouvernement Youssef Chahed entend reprendre main sur les services du ministère de l’Intérieur, premier concerné en cette affaire, semble donner une indication sur les motivations de cette honteuse expulsion.
On aurait, à travers elle, donné un signal clair aux autorités en place: il y aurait des intérêts qui seraient intouchables et en tout cas défendus envers et contre tous. C’est ce que pensent certains observateurs; est-ce bien vrai?
Aussi, au moment où le chef du gouvernement est entendu par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à l’occasion de la présentation du dernier remaniement de son gouvernement, il serait salutaire qu’il nous dise la vérité sur les tenants et aboutissants de cette affaire d’État. Qu’il nous dise, pour le moins, s’il l’assume et si oui, comment et pourquoi eu égard aux valeurs nouvelles du pays.
En effet, il ne peut garder le silence sur une affaire aussi grave. Car, en la matière, l’adage populaire prend toute sa mesure en ce sens que celui qui ne dit mot consent. M. Chahed consent-il à ce qui s’est passé avec le prince Hicham?
Or, il s’agit d’une grave atteinte à l’État de droit, ce qu’il a de plus emblématique : la suprématie des valeurs de la révolution comme la libre pensée et la tradition d’accueil du pays et de son peuple pour leurs invités.
Car, au vrai, c’est honorer le Maroc que de recevoir avec tous les égards qui lui sont dus le cousin de son roi, même s’il est en différend avec son monarque, ce qui relève de l’affaire de famille qui ne regarde pas la Tunisie.
Une atteinte aux principes de l’Etat de droit
Au demeurant, notre diplomatie est basée justement sur le principe cardinal de sa totale imperméabilité aux considérations internes propres aux pays frères et amis.
Par conséquent, et pour ne pas avoir à subir les retombées de cette autre expulsion diplomatique qui a déjà fait tant de mal au pays et qui continue à faire du tort à sa marche vers un État de droit, on aimerait bien entendre le chef du gouvernement répondre à cette question : qui a donné l’ordre d’expulser le prince du Maroc de chez lui, la Tunisie, qui est un second pays pour tout Marocain, surtout parent de son monarque?
* Ancien diplomate et écrivain.
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