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Municipales : il est urgent d’attendre !

Caïd Essebsi et Ghannouchi sont d’accord pour ne rien faire… 

Nidaa Tounes, divisé et affaibli, louvoie et fait du surplace. Ennahdha veut le pouvoir sans la responsabilité. C’est le jeu du «Je te tiens tu me tiens par la barbichette»…

Par Slaheddine Dchicha *

La procrastination, qui depuis 2010 a sa journée internationale, désigne un trouble psychologique qui détourne l’individu de ce qu’il doit faire et le distrait en le poussant vers des activités secondaires voire inutiles mais qui, rendues urgentes, l’occupent et lui font ainsi oublier ses devoirs et s’éloigner de ses obligations.

Ce trouble, on l’aura compris, est d’une part individuel et d’autre part inconscient.

Cependant, désormais au foyer des «Printemps arabes», on peut l’utiliser pour désigner une attitude collective, attitude tout à fait consciente et même préméditée. Que l’on juge…

Un milieu politique agité 

Chacun a encore en mémoire la précipitation avec laquelle les élections ont été organisées en 2011 quelques mois seulement après la révolution et chacun se souvient de l’organisation rapide et somme toute réussie, trois ans plus tard, des élections législatives suivies de très près des présidentielles. Mais depuis… comme chez le maniaco-dépressif, la vie politique a été saisie d’apathie, et depuis… cela patine !

La précipitation pour créer des partis, organiser les scrutins législatifs et présidentiels et s’emparer qui d’un ministère, qui d’un mandat a donné à la vie politique un rythme effréné. Mais cette activité trépidante s’est vite essoufflée et, sept ans après la révolution, la Tunisie, «cette exception arabe», cette «démocratie en transition», ce pays de 11 millions d’habitants ne compte que 218 élus, président de la République inclus !

L’inertie s’est emparée du milieu politique et depuis… cela procrastine !

Municipales : Arlésienne ou serpent de mer ?

La révolution initiée par le peuple et surtout par sa jeunesse devait aboutir au pouvoir des citoyens à travers leurs représentants au profit de l’ensemble des citoyens. C’est succinctement le sens de «démocratie» dans sa variante représentative, mais avec 218 élus pour 11 millions, nous sommes loin du compte ! C’est un déficit démocratique abyssal, encore plus grand que celui de la balance commerciale, c’est dire !

Il est vrai que les citoyens devaient exercer le pouvoir local et être plus impliqués dans la gestion de leur quotidien, comme débarrasser le paysage des déchets et autres poubelles, dans le cadre des mairies et à travers des élections municipales… mais ces élections ont été sans cesse reportées !

Les municipales devaient constituer la pierre angulaire de la démocratie en permettant la décentralisation administrative et l’intégration des régions marginalisées par la dictature. Hélas, la réalisation de ces élections a été sans cesse repoussée.

Après bien d’atermoiements, bien de tergiversations, bien d’hésitations; après les déclarations les plus diverses et les plus contradictoires, les premières élections municipales post-révolution, qui devaient se tenir le 17 décembre 2017, viennent d’être reportées, encore une fois, probablement au 25 mars 2018, date non encore définitive.

Les raisons de… remettre à demain

Le procrastinateur agit par évitement. Il se détourne de ce qu’il doit accomplir par angoisse. Peu sûr de lui-même, il se sous-estime et craint d’échouer, il préfère se distraire de ce qui l’angoisse en faisant autre chose.

Les mêmes motifs peuvent se trouver au niveau collectif : malgré les rivalités, malgré les différences de calculs, de stratégies et d’agendas, les deux formations au pouvoir, Ennahdha et Nidaa Tounes veillent à préserver un statu quo déjà précaire. Ces frères ennemis se guettent, se craignent et préfèrent, à toute confrontation, l’entretien d’une guerre froide dont leur respectif poids électoral passé constitue pour chacun une arme de dissuasion.

Sinon comment analyser l’indulgence et la compréhension du parti «laïc» et «moderniste» vis-à-vis du parti islamiste? Comment interpréter ses compromis et ses concessions sinon comme une stratégie de survie pour que sa faiblesse n’éclate pas au grand jour ?

Et comment comprendre la prudence et la bienveillance d’un parti fort et organisé tel qu’Ennahdha à l’égard d’une formation affaiblie, divisée et familiale et ne tenant qu’au fil liant son dirigeant au président.

Par ailleurs, le parti islamiste, du fait de son organisation et faute de challenger, est capable de remporter les municipales, mais c’est à croire qu’il ne veut pas du pouvoir, seul. Il en a peur car, d’une part, il sera acculé à affronter un contexte très difficile: crise, chômage, chute de la monnaie, endettement, exigences des bailleurs de fonds internationaux et d’autre part, il aura à gérer la vie quotidienne des citoyens au lieu de se contenter comme il le fait depuis trois ans, de gouverner à l’ombre de Nidaa. En somme, le pouvoir sans la responsabilité, sans en assumer ni les échecs ni le bilan.

Afin de faire durer cet état de fait, il est vital aux deux formations de retarder les Municipales et c’est pour cela qu’elles ont érigé la procrastination en art… de gouverner.

*Universitaire.

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