Accueil » Tunisie : Des préalables pour optimiser l’exploitation de l’intelligence économique

Tunisie : Des préalables pour optimiser l’exploitation de l’intelligence économique

L’intelligence économique n’est pas une fin en soi. C’est une composante de tout un package logistique dédié à la conquête des marchés extérieurs.

Par Khémaies Krimi

Le Centre africain de veille et d’intelligence économique (Cavie Tunisie) vient d’être lancé à l’occasion d’un séminaire tenu, le 22 mars 2018, à Tunis, sur le thème «Intelligence économique et stratégies de conquêtes des marchés africains», organisé par le Tunisia-Africa Business Council (TABC), un conseil d’affaires dédié à la promotion de la coopération économique entre la Tunisie et l’Afrique.

Il s’agit d’une bonne initiative dans la mesure où Cavie Tunisie cible un marché porteur, en l’occurrence le marché africain qui demeure à la portée des entreprises tunisiennes, en dépit du retard que celles-ci accusent pour sa conquête, l’Afrique étant internationalement reconnue comme un futur gisement de croissance à deux chiffres.

Plantant le décor, Guy Gweth, président du Cavie, a rappelé les enjeux de l’intelligence économique dans une économie globalisée, traité de la place les intérêts tunisiens en Afrique et donné un aperçu des stratégies suivies en la matière au double plan régional et international.

Veille stratégique et intelligence économique

S’agissant du premier thème, l’accent a été mis sur l’enjeu essentiel de la veille stratégique et de l’intelligence économique, qui ne consiste pas tant dans l’accès à l’information, mais en l’analyse et le traitement judicieux de celle-ci en perspective de la prise d’une décision d’investissement.

Dans un contexte où les sources d’information se multiplient et s’internationalisent, la veille apparaît comme un véritable moteur de développement et de pérennisation de l’entreprise.

Empressons-nous de signaler cette nuance : même si les deux concepts sont complémentaires, la veille stratégique ne doit pas être confondue avec l’intelligence économique.

La veille stratégique est une activité continue et itérative qui vise à surveiller activement l’environnement de l’entreprise, pour en anticiper les évolutions, alors que l’intelligence économique est une notion plus globale, qui se définit comme l’ensemble des actions collectives de recherche, traitement et propagation d’informations utiles à l’entreprise.

L’intelligence économique étudie également l’environnement interne de l’entreprise, avec ses forces et ses faiblesses, ce que ne fait pas la veille stratégique.

Globalement, l’objectif à atteindre est simple. L’entreprise, étant bien informée, est capable d’anticiper des changements qui peuvent s’opérer sur le marché (nouvelles normes, avancées technologiques, sortie de nouveaux produits, avis des consommateurs…) et, ce faisant, d’innover dans son domaine, en améliorant et en adaptant l’outil de production voire même en faisant émerger de nouveaux produits.

Bassem Loukil (TABC) et Guy Gweth (Cavie) signent l’accord de création de Cavie Tunisie.

L’intelligence économique n’est pas suffisante

Concernant les intérêts tunisiens en Afrique, il faut reconnaître que la Tunisie, qui était pionnière dans la conquête de ce marché dans les années 60, a lâché prise par la suite et perdu sa place de pionnière.

Aujourd’hui, elle doit cravacher dur pour s’imposer sur ce marché. Et même, cet intérêt pour l’intelligence économique n’est pas suffisant pour se rattraper. Car, certaines conditions doivent être réunies, au préalable, pour optimiser ce process.

Le premier pré-requis consiste à dégager une vision stratégique cohérente pour l’internationalisation de l’entreprise tunisienne en général et pour la conquête du marché africain en particulier. Cette vision implique une décision au plus haut niveau. C’est une option transversale qui doit supposer une stabilité des réglementations au niveau intérieur, des produits compétitifs exportables…

Il s’agit également, de créer, des synergies pérennes entre l’entreprise et l’Etat, d’une part, et entre l’entreprise et les structures génératrices d’information (Institut national des statistiques, centres techniques, technopoles…), d’autre part.

Est-il besoin de rappeler ici qu’au Maroc, le département d’intelligence économique relève directement du cabinet royal ?

Le deuxième pré-requis est de développer à grande échelle une culture de l’intelligence économique qui doit toucher dans une première étape le monde de l’éducation et de la formation, dans une seconde les agents des entreprises exportatrices et dans une troisième le grand public.

À ce propos, Hichem El Phil, expert en intelligence économique, estime que le concept «intelligence économique» est, certes, un outil stratégique pour l’aide à la prise de décision pour les entreprises mais également un état d’esprit, une démarche qui concerne tous les acteurs économiques, qu’ils soient producteurs ou consommateurs.

D’ailleurs, c’est dans cet esprit qu’il importe de saluer les 3 missions imparties à Cavie Tunisie. Celles-là mêmes qui consistent à «sensibiliser les pouvoirs publics, les représentations diplomatiques, les partenaires au développement, les entreprises, et le monde éducatif aux enjeux de la veille et de l’intelligence économique en Afrique, à mettre en place des dispositifs de sensibilisation et de formation sur les spécificités de la veille et de l’intelligence économique en Afrique et à contribuer à la création et au développement des dispositifs de veille sectorielle et d’intelligence économique et stratégique au sein des institutions publiques et privées aussi bien en Tunisie que dans le reste du continent.»

Les membres fondateurs de Cavie Tunisie.

En amont, une logistique multiforme

Le troisième préalable réside dans la logistique à mettre en place pour accompagner les entreprises tunisiennes.

À ce sujet, la Tunisie a tout intérêt à s’inspirer de l’expertise développée à cette fin par la Turquie, par l’Egypte et surtout, par le Maroc. Aujourd’hui, les Marocains sont partout en Afrique. À l’origine de ce succès le développement de 4 logistiques.

Une logistique financière perceptible à travers l’implantation en Afrique de deux grandes banques marocaines : Attijari Bank et la BMCE d’Othman Benjelloun.

Une logistique portuaire. Le Maroc dispose de ports en eaux profondes gérés par le groupe français CMA CGM. Et quand il doit exporter sur l’Afrique. Il a des transit-times de 4 à 5 jours contre 15 jours à un mois en Tunisie.

Une logistique aérienne. Quand les investisseurs marocains veulent voyager en Afrique, ils ont leur transporteur, la RAM, qui dessert la majorité des aéroports africains.

Une logistique diplomatique, le Marocain qui descend dans n’importe quelle capitale africaine trouve un encadrement diplomatique qui lui permet d’être bien conseillé sur l’environnement dans lequel il pourrait investir en toute sécurité. En matière d’intelligence économique rien ne vaut le contact direct et l’encadrement de proximité.

Ce sont là de véritables atouts de compétitivité qui ont été mis en amont et en compléments de l’intelligence économique. C’est pourquoi, l’intelligence économique n’est pas une fin en soi. C’est une composante de tout un package logistique dédié à la conquête du marché africain.

Cavie-Tunisie : Intelligence économique et conquête des marchés africains

Intelligence économique : La Tunisie peut-elle rattraper son retard ?

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!