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Le poème du dimanche : ‘‘Comme tu es belle’’ de Yannis Ritsos

Yannis Rítsos est un poète grec dont la renommée s’étend au-delà de son pays, grâce notamment à l’impulsion d’Aragon qui le saluait comme «le plus grand poète vivant» et menait campagne pour sa libération.

Né le 1er mai 1909 à Monemvasia et mort le 11 novembre 1990 à Athènes, Yannis Ritsos a été incarcéré entre 1948 et 1952. Avec la liberté, il acquit, à la chute des Colonels en 1974, un statut de «poète national».

Son œuvre, traduite dans plus de quarante langues, comporte plus de cent recueils de poèmes. Nous en extrayons ce beau poème d’amour intitulé ‘‘Comme tu es belle’’.

Comme tu es belle.
Ta beauté me fait peur.
J’ai faim de toi.
J’ai soif de toi.
Je t’en supplie :
cache-toi;
rends-toi invisible aux yeux de tous;
visible seulement pour moi;
recouverte des cheveux jusqu’à la pointe des pieds
d’un voile noir transparent
que ponctuent les soupirs argentés
des lunes de printemps.

Tous les pores de ta peau
émettent des voyelles,
des consonnes ardentes;
des mots, des confidences s’articulent;
les explosions roses de l’acte d’amour.

Ton voile se gonfle, scintille au-dessus de la ville
plongée dans l’obscurité
avec ses bars louches, ses tavernes de marins;
des projecteurs verts éclairent la pharmacie de nuit;
une boule de verre tourne rapidement sur elle-même,
montrant des paysages du globe terrestre.

Un homme ivre titube,
emporté dans la tempête de ta respiration.

Ne t’en va pas.
Ne t’en va pas.

Si matérielle, si insaisissable.
Un taureau de pierre saute du fronton dans l’herbe sèche.
Une femme nue monte l’escalier de bois
avec une bassine d’eau chaude.
La vapeur empêche de voir son visage.
A haute altitude un hélicoptère de reconnaissance
bourdonne en des points indéfinis.
Prends garde à toi.
C’est toi qu’ils recherchent.
Cache-toi plus profondément dans mes bras.

Le poil de la couverture rouge qui nous abrite
n’en finit pas de pousser,
maintenant la couverture est une ourse enceinte.
Sous l’ourse rouge
nous nous aimons infiniment,
au-delà du temps et au-delà de la mort même,
dans une unique union universelle.

Comme tu es belle.
Ta beauté me fait peur.
Et j’ai faim de toi.
Et j’ai soif de toi.
Et je t’en supplie :
cache-toi.

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