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Les toiles brodées de Kassou-Jellazi ou la mémoire du corps féminin

L’artiste Kaouther Kassou-Jellazi utilise les techniques les plus modernes pour nous ramener aux savoirs artisanaux les plus anciens, pour plus d’ancrage du féminin dans l’espace la mémoire et l’histoire.

Par Kahena Abbes

À l’origine, il y a un dessin, celui d’un corps féminin inaccompli, qui relève de l’imaginaire, puis un habit brodé par un fil noir assez fin, qui vient s’y accrocher.

Il s’agit d’une description sommaire des toiles de l’artiste Kaouther Kassou Jellazi, exposées à la Cité de la culture à Tunis dans le cadre des premières Journées d’art contemporain de Carthage, qui se tiennent du 19 au 26 septembre 2018.

L’extrême précision de la technique de dessin brodé

Cependant, le travail de cette artiste dépasse l’accomplissement d’un dessin brodé, car entre le corps et l’habit, il existe une asymétrie, aucun ajustement possible, malgré la finesse du traçage et toute l’esthétique qui en découle, c’est le choix de l’artiste et sa vision des choses.

Car, le fil noir en brodant avec précision l’espace, n’envahit pas les marges de vacuité laissée par l’artiste dans sa représentation des corps.

En effet ces corps féminins, aussi différents soient-ils, sont tantôt présents tantôt absents, ouvrants la voie à plus de visibilité et de continuité à cette broderie magique qui tentera, du moins partiellement, de les combler.

Broder une toile par un stylo 3D, voilà une technique nouvelle, une autre manière d’explorer les possibilités offerte à la création artistique. Cela a commencé par un jeu, précise l’artiste et il a fallu une année pour parvenir à maîtriser cette technique et la soumettre aux exigences de l’art, ajoute-t-elle.

Le non-dit que l’œuvre artistique raconte

Ce mélange entre le dessin et la broderie, avec ses variations, donne à l’œuvre artistique une certaine vivacité par son aspect artisanal et le non-dit qu’elle raconte.

Ces corps féminins inachevés porteurs d’espaces vides, qu’aucune broderie aussi belle soit elle, n’arrive à combler complètement, racontent en effet, leurs histoires avec subtilité, savoir et beauté.

En réalité, tout en évoquant la problématique de son existence/négation, le corps féminin à travers les toiles de Kaouther Kassou Jellazi aspire à s’ancrer dans l’espace, à retracer ses itinéraires, à retrouver sa mémoire et à raconter son histoire.

Car, ne l’oublions pas, la broderie, même si elle est réalisée ici par une technique moderne, a été depuis longtemps un art ancestral, très ancien et évocateur du féminin, pas seulement en tant que corps, mais aussi en tant qu’altérité.

Ingéniosité de l’artiste, qui, en utilisant les techniques les plus modernes, nous ramène aux savoirs artisanaux les plus anciens, pour plus d’ancrage du féminin dans l’espace la mémoire et l’histoire.

* Avocate et écrivaine.

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