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Une affection toute particulière pour le Président Bouteflika

De grâce, messieurs, accordons au président Abdelaziz Bouteflika, cet amoureux de l’Algérie et du Maghreb, de tirer sa révérence, en homme d’honneur, ainsi que l’atteste toute son histoire, dans la dignité.

Par Jomâa Assâd *

Loin de nous l’idée de faillir par ingérence dans les affaires intérieures de nos frères Algériens. Mieux encore, s’il nous était permis d’émettre un avis, ne portant, ce faisant, à aucune conséquence, nous dirions que le fier peuple algérien est tout à fait fondé à aspirer à une citoyenneté plus accomplie, mieux enracinée dans la modernité, une autre dynamique du «vivre ensemble», plus participative, moins régentée.

Cette légitime aspiration ne saurait être contredite ni par l’intérêt supérieur de Nation, ni par la «Raison d’Etat», ni même par la sacro-sainte «préservation de la sécurité intérieure du pays».

Ne salissons pas l’image d’une icône du nationalisme algérien

Notre propos se situe à un autre niveau de la réalité. Il a trait à la propension iconoclaste imprimée à la juste soif populaire de liberté et de modernité par certains canaux médiatiques, aux allures bien louches, et vraisemblablement acoquinés aux djihadistes, tristes héros de la sanguinaire décennie, ou encore de certains Etats hégémonistes qui n’ont d’yeux que pour les richesses naturelle de l’Algérie.

Nous prenons le parti de la clamer haut et fort, rien ne saurait autoriser que l’on traîne ce grand homme, affectueusement appelé Bouteflika, dans la boue. Aucune prétendue cause politique ne devrait salir l’image de cette icône du nationalisme algérien pré et post-indépendance. Tout le Maghreb arabe est redevable à ce grand homme, nous autres Tunisiens, bien-sûr, mais aussi, surtout, allais-je dire, et n’en déplaise à certains, nos frères marocains.

Et ce n’est qu’un juste retour des choses. Avant que nous l’aimions, cet homme a aimé la Tunisie en la personne de son symbole historique : Bourguiba. L’oraison funèbre qu’il lui a dédiée, et qui nous a été conservée en arabe, est, sans doute la plus émouvante, et assurément la plus sincère qui ait été dite en ce 6 avril de l’an 2000.

L’hommage de Bouteflika à Bourguiba

Nous vous livrons ci-dessous, et à titre purement indicatif, une autre marque de respect et d’affection qu’avait eue le jeune ministre des Affaires étrangères, un certain 9 juillet 1978 et au sortir d’une audience que lui avait accordée le Président de la République au siège de l’ambassade de Tunisie à Paris, pour ce monstre sacré nommé Bourguiba: «Le Président Bourguiba, dit-il, est, comme vous le savez, est une très grande figure, non seulement pour la Tunisie, mais également au plan du Maghreb arabe… Le Président Bourguiba, puis-je le souligner ici apporte une contribution très substantielle et très positive à l’appréciation des événements actuellement en cours aussi bien dans notre région que dans d’autres régions du monde… L’estime dont bénéficie le Président Bourguiba, à la fois en Tunisie et en dehors de la Tunisie, fait que naturellement il ne peut qu’être écouté principalement sur des problèmes qui se posent dans une région à laquelle la Tunisie appartient tout naturellement…»

Bouteflika aux funérailles de Bourguiba, le 8 avril 2000. 

S’agissant des rapports de l’Algérie avec l’ancien Etat colonial français, particulièrement houleuse en cet instant de l’histoire précisément, le jeune Bouteflika a eu ces quelques mots que ces actuels détracteurs, d’obédience essentiellement islamiste, pour ne pas dire djihadiste, le taxant d’inféodé à la France, gagneraient surement à bien méditer : «Je crois être dans la maison de quelqu’un (allusion au Président Bourguiba) qui avait un jour dit qu’il ne fallait jamais insulter l’avenir… Nous avons des politiques différentes [avec la France]. Il serait souhaitable que la France, son peuple, ses dirigeants, puissent, enfin, comprendre que nos intérêts ne sont pas nécessairement divergents et qu’il y a possibilité de s’entendre sur la base d’une présence politique, d’une présence économique, d’une présence culturelle, d’une présence commerciale… certainement pas sur la base d’une présence militaire, cela nous rappelle quelques souvenirs un peu douloureux… La méditerranée c’est bien peu de choses entre les peuples français et algérien, et je crois qui ce qui nous lie est beaucoup plus important que ce qui peut nous séparer… Plutôt nous discuterons, mieux cela vaudra… Mais j’ai bien expliqué [au Président Bourguiba, faisant, en l’occurrence, office de médiateur entre les deux Etats] que s’il n’y avait pas de préalable ni d’un côté ni de l’autre, il est tout à fait clair que le recours à la force armée n’est pas la meilleure façon de dialoguer».

Une admirable leçon de dignité et de patriotisme

Est-il besoin d’ajouter quelque commentaire à cette admirable leçon de dignité, de patriotisme, d’appel aux valeurs citoyennes en leur dimension universelle? Que pourrait-on adjoindre à ce saisissant appel à la paix, au dialogue entre les peuples, à la préséance de l’humanisme interculturel…?

De grâce, Messieurs, accordons à cet amoureux de l’Algérie et du Maghreb de tirer sa révérence, en homme d’honneur, ainsi que l’atteste toute son histoire, dans la dignité.

Que les empressés d’accéder au trône (en serait-ce, au reste, encore un après le trépas de ce grand homme ?) lui accordent la possibilité de couvrir les quelques encablures qui le séparent de l’accomplissement de son «fatum» personnel dans le respect des valeurs pour lesquelles il s’est toujours battu : la dignité du citoyen algérien et maghrébin.

* Universitaire et écrivain. 

Article du même auteur dans Kapitalis : 

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