La Tunisie a enregistré, au cours des 4 dernières années, 40 morts et plus de 450 blessées dans des accidents de la route parmi les ouvrières agricoles transportées à l’arrière de véhicules comme du bétail. On est tous responsables de ces drames…
Par Yüsra Nemlaghi
Aujourd’hui encore, samedi 27 avril 2019, une catastrophe est survenue à 5h30 dans la région de Sabbala (Sidi Bouzid) : 12 ouvriers agricoles, en majorité des femmes, ont perdu la vie lorsque la camionnette qui les transportait est entrée en collision avec un autre véhicule, transportant des volailles. Vingt autres ont été blessés et transportés dans les hôpitaux de Kasserine, Sfax et Sousse.
Les images insoutenables de cet accident montrent la chair humaine mélangée à celle des poulets et à la ferraille des deux véhicules accidentés.
En réaction et comme à l’accoutumée, une pluie de communiqués est tombée, pour dénoncer les conditions de ces femmes-courage, dont on ne se souvient que lorsqu’il y un drame dont elles sont les victimes.
Certains ne rateront pas l’occasion pour faire de la récupération politique sur le dos des victimes et les échanges d’accusations fuseront de part et d’autre.
Jusqu’au prochain drame…
En réalité, on est tous responsables, on est tous coupables : ces femmes n’ont pas de syndicat pour les défendre, comme les travailleurs dans les autres secteurs. Ouvrières, obligées de travailler dans les conditions extrêmes, hiver comme été, elles ne feront pas beaucoup de bruit ni n’iront crier devant le siège du gouvernorat. Tant qu’elles ne disent rien, on laissera faire. Et le jour où il y a un accident, on dira, devant les projecteurs des médias, que des mesures urgentes seront prises en leur faveur. Puis on oubliera tout jusqu’au prochain drame.
Ces ouvrières sont aussi, à chaque fête nationale de la femme, le centre d’intérêt des responsables publics, qui souligneront leur courage. Des associations, grassement financées par des organisations internationales, leur consacreront un petit communiqué, pour faire commerce de leurs conditions difficiles. Les autorités promettront pour la énième fois de réorganiser leur transport (auquel même le ministère de l’Agriculture a eu parfois recours), afin de leur éviter les accidents et de leur permettre d’aller travailler dans des conditions dignes et en toute sécurité.
Pour rendre à César ce qui est à César, on rappellera que le gouvernorat de Jendouba, le seul à ce jour (du moins à notre connaissance), a mis en place, en mars 2018, une ligne de bus pour le transport des ouvrières agricoles. Il est temps que d’autres régions s’y mettent aussi…
N’est-il pas le temps d’arrêter de chercher des responsables et des coupables et, pour une fois, s’unir pour trouver ensemble (pouvoir, opposition et société civile) des solutions susceptibles de rendre la dignité à ces femmes qui, de nous tous et toutes, sont les plus braves et les plus méritantes.
Vers l’amélioration des conditions de transport des ouvrières agricoles
Des ouvrières agricoles transportées comme du bétail !
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