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Tapage à l’Assemblée : Le combat perdu de Abir Moussi

Avec les clashs à répétition qu’elle et les autres députés de sa formation, le Parti destourien libre (PDL), ne cessent de provoquer à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Abir Moussi a payé de son capital de sympathie, et le respect que lui vouent ses électeurs va fondre comme neige au soleil si elle va continuer sur cette voie sans issue.

Par Ali Bouaziz *

Que les Nahdhaouis et les Destouriens se chamaillent dans l’hémicycle, je n’ai que cure. Je m’apprêtais à m’accommoder avec des scènes de pugilat, au vil sens du terme, entre les deux partis; mais à ce que l’invective se transforme en quolibet raciste, cela me révolte. Traiter Jamila Ksisksi, députée nahdhaoui, de gorille à cause de sa couleur de peau est passible de peine pénale, l’accepter est ignoble, se taire c’est y être complice.

Dire que madame Ksisksi fut la première à ouvrir les hostilités n’est qu’une demi-vérité étant que les offenses envers les Nahdhouis est le plus grand chapitre des actions quotidiennes des Destouriens benalistes d’Abir Moussi. Les deux mots qui ont fait sautiller madame sont «bandits» et «clochards»; il se trouve, justement, que madame Ksiksi n’a pas botté en touche, elle a mis la main là où le bât blesse. Le cours des événements qui ont suivi sa déclaration lui donne raison, elle avait de la prescience.

La clochardisation de la vie politique

Bandits, oui ; ils se sont introduits subrepticement dans la salle de réunion de la commission en charge de la relecture de la loi des finances complémentaire l’obligeant à interrompre ses travaux; ils n’avaient aucune latitude à le faire, leur action ne saurait être qualifiée que de banditisme. Leur réflexe à être à la marge de l’étiquette politique, à toujours hurler, à agir en meute corrobore ce sentiment.

Clochards, oui ; les députés destouriens qui passent la nuit allongés sur les bancs de l’hémicycle à la manière des SDF sous prétexte qu’ils font un sit-in pour obtenir gain de cause, qui obstruent l’entrée à certains bureaux de l’ARP n’a de mot que clochardisation de la vie politique.

Au lieu de bannir, via la proposition d’un projet de texte législatif interdisant ce mode de contestation anticonstitutionnel qui transgresse l’article 24 de la Constitution stipulant, entre autres, que «tout citoyen dispose de la liberté de circuler à l’intérieur du territoire», à fortiori à l’intérieur de l’ARP, bien sûr pour ceux qui y ont affaire… nos députés destouriens acceptent cette pratique et lui donnent du crédit. Que dire, donc, à ceux qui usent de ce satané sit-in pour couper la route, entraver la circulation d’un train, bloquer l’accès à une mine, interdire l’entrée à une zone industrielle…

Les Destouriens, à leur tête leur présidente Abir Moussi, qui ne se sont pas inscrits dans l’invective raciste, n’ont trouvé que l’invective politique pour répondre à madame Ksiksi la traitant d’ancienne adhérente au Rassemblement destourien de Ben Ali en brandissant une carte d’affiliation à ce parti; comble de l’ironie ! Non ?

Quelques questions de bon sens à propos de cette carte s’imposent : comment a-t-elle atterri entre les mains de madame Moussi ? Pourquoi ne porte-t-elle pas de cachet ou de signature ? Pourquoi madame Ksiksi n’a pas eu entre ses mains cette carte qui pourrait lui nuire ? Pourquoi le nom de madame Ksiksi sur cette carte porte-t-il des taches blanches, ne sont-elles pas les traces de la retouche de son nom lettre par lettre ?

L’égérie des minorités visibles et invisibles

En tout état de cause, madame Moussi a payé de son capital de sympathie, qui va fondre comme neige au soleil si elle va continuer sur cette lancée. Par ricochet madame Ksiksi a gagné en sympathie étant victime d’une compagne de dénigrement injuste. Je la convie à camper sur sa position de ne pas présenter d’excuse à madame Moussi et à son parti. Si son parti, Ennahdha, baisse les bras et accède aux injonctions des Destouriens; elle devra claquer la porte tout en restant membre indépendant de l’ARP. Un destin d’égérie des minorités visibles et invisibles l’attend. Aucune démocratie digne de ce nom ne maltraite ses parents pauvres.

Certains de mes amis qui me connaissent depuis des décennies savent que je ne verse jamais dans le panurgisme, que j’abhorre l’esprit grégaire; ils vont probablement se poser des questions sur mon attitude de compassion avec la Nahdhouie madame Ksiksi. Ma réponse est la suivante : je n’ai aucun avis arrêté sur aucune personne, aucun parti ou aucune association, sauf sur ceux qui portent des armes contre les Tunisiens ou en font l’apologie. Tout aussi, aucun pour moi n’a de carte blanche, je juge sur pièce; au demeurant, chacun doit montrer patte blanche.

* Directeur du site Ibn Khaldoun.

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