Ascension. En quelques mois, Nadia Akacha est devenue le personnage-clé du système Saïed. L’influence de la très ambitieuse directrice du cabinet présidentiel ne cesse de prendre de l’ampleur et de se faire ressentir. L’ascension fulgurante de Hichem Mechichi et la chute vertigineuse de Noureddine Erray figurent parmi les épisodes les plus éloquents de cette puissance. Jusqu’où peut-elle aller ?
Par Imed Bahri
Visage fermé, inexpressif, jamais souriante, telle est l’image sur toutes les vidéos et les photos de celle qui ne quitte jamais le président de la république Kaïs Saïed d’une semelle. Elle. C’est Nadia Akacha. Étudiante du «Oustadh» (rentrée universitaire 2001) puis membre de son équipe de droit constitutionnel à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, elle l’accompagnera dès le premier jour au Palais de Carthage quand il accédera à la magistrature suprême. Et depuis, son ascension est fulgurante. En quelques mois, elle est devenue le personnage-clé et central du système Saïed.
En octobre 2019, quand le «Oustadh» – comme le surnomment respectueusement ses disciples – accéda triomphalement à la présidence de la République, le destin de Nadia Akacha a basculé. Elle a été affectée dès le premier jour conseillère juridique avec pour mission de chapeauter le département juridique de Carthage. Ça n’aura duré que trois petits mois et la voilà promue, le 28 janvier 2020, directrice du cabinet présidentiel avec rang de ministre.
La directrice du cabinet présidentiel s’est vite muée en super-conseillère
Il faut dire qu’en arrivant à Carthage, Kaïs Saïed a choisi momentanément un diplomate pour diriger son cabinet en l’occurrence l’ambassadeur Tarak Bettaieb, ambassadeur de Tunisie à Téhéran. Ce dernier a été affecté à la présidence de la République, selon les dispositions réglementaires en vigueur autorisant un diplomate en poste à l’étranger à regagner Tunis pour être chargée d’une mission au sein de son département d’origine ou une autre institution, et ce pour une durée limitée (trois mois). Ces trois mois ayant pris fin, l’ambassadeur plia bagages et retourna regagner son poste à Téhéran et Nadia Akacha a pris les rênes du cabinet présidentiel. Une fonction qui est celle de chapeauter l’administration présidentielle et de coordonner le travail avec les autres institutions de l’Etat.
Mais rapidement avec Nadia Akacha, la directrice du cabinet présidentiel s’est vite muée en super-conseillère avec un pouvoir et une influence énormes. Le caractère très solitaire de l’inaccessible président de la République et sa grande confiance en elle qui fut sa collaboratrice quand il était enseignant à la faculté a renforcé le pouvoir de celle par qui tout passe et par qui tout le monde doit passer. Et ce pouvoir n’a cessé de s’accroître au fil des mois depuis le 28 janvier.
Dans l’édition de ‘‘Jeune Afrique’’ du mois d’août qui contient un dossier intitulé «Les femmes du président», un article sur Nadia Akacha. On y apprend notamment qu’elle est la voisine de Hichem Mechichi à Ezzahra – quartier de la banlieue sud de Tunis – sachant que l’article a été écrit bien avant la désignation de Mechichi pour former le gouvernement.
Comme nous l’avons signalé plus haut, Akacha a été nommée conseillère juridique puis quand Tarek Bettaieb est revenu à Téhéran, elle a été nommée directrice du cabinet du président. Et qui lui a succédé en tant que conseiller juridique de M. Saïed ? Hichem Mechichi. Il y était resté peu de temps puis a été choisi par Saïed pour devenir ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Fakhfakh. Depuis à peine quelques mois et ce gouvernement Fakhfakh est tombé suite au scandale politico-financier ayant éclaboussé ce dernier. Et qui pour le remplacer? Le choix s’est porté encore une fois sur M. Mechichi.
On ne discute pas, on exécute les choix du «Oustadh» et de Mme Akacha, c’est tout !
Maintenant, celui qui sera à la Kasbah, Nadia Akacha a participé à son ascension vertigineuse en quelques mois à peine et a œuvré ce qu’il soit chef de gouvernement. Avoir à la Kasbah quelqu’un dont on a œuvré à l’arrivée au pouvoir est toujours utile et accroît l’influence de l’artisan de cette nomination.
Dans le même article consacré à Mme Akacha dans l’hebdomadaire de la rue d’Auteuil, nous pouvions lire: «Elle a en quelques mois écarté ceux qui gênaient son ascension pour prendre, à la fin de janvier 2020, la direction du cabinet présidentiel. Le général Mohamed Salah Hamdi, ancien conseiller à la sécurité nationale (qui s’était irrité d’être écarté de certaines rencontres et ne pouvoir voir le président en tête en tête), et l’ex-ministre conseiller Abderraouf Betbaieb en ont fait les frais.»
N’oublions pas aussi que Mme Akacha a eu également un rôle dans un épisode peu glorieux qui est celui de la chute vertigineuse du ministre des Affaires étrangères Noureddine Erray qui a refusé de jouer le rôle de pantin exécutant les ordres venu de Carthage et qui en diplomate de carrière sait que toutes ne sont pas les plus adéquates surtout que l’actuelle équipe présidentielle n’est pas rodée aux affaires de l’Etat et encore moins à la diplomatie. Cependant avec M. Saïed et son équipe, on ne peut même pas discuter de la justesse des choix, de leur pertinence et échanger. On exécute les choix du «Oustadh» et de Mme Akacha. C’est tout.
Pour le moment et en moins d’une année, il n’y a eu que Nadia Akacha qui a pu durer et carrément étendre ses pouvoir avec M. Saïed. Tous ceux qui ont essayé de prendre plus d’importance à ses côtés ont subi un krash. Ce qui inquiète le plus c’est que ce président solitaire et qui ne connaît pas grand monde, les réseaux d’influence peuvent approcher sa puissante directrice de cabinet et à travers elle concrétiser leurs schémas.
M. Saïed en continuant à refuser de s’ouvrir sur les autres mondes, d’élargir son entourage et de le diversifier ne fera que renforcer encore et encore celle qui est devenue la vice-présidente Nadia Akacha. Jusqu’où ira elle ?
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