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Le poème du dimanche: ‘‘Tsarskoïe Selo’’ d’Anna Akhmatova

Anna Akhmatova est une immense poétesse russe née le 11 juin 1889 à Odessa et décédée le 5 mars 1966 à Moscou. Adulée, icône des lettres russes, figure de proue et âme d’une génération de grands poètes surnommée l’Âge d’argent dont elle sera la seule rescapée, elle sera pour la postérité et la Russie éternelle la Reine de la Neva. Celui qui ne connaît pas la Reine de la Neva ne connaît pas la littérature russe!

Anna Akhmatova, de son vrai nom Anna Andreïevna Gorenko, est née le 24 juin 1889 à Bolchoi Fontan, la Grande Fontaine, près d’Odessa, en Ukraine, au bord de la Mer Noire. Elle sera poète si elle veut, mais jamais sous le nom de Gorenko – son père, d’un milieu aisé et cultivé, se refusant à ce qu’elle «salisse» le patronyme familial. Elle adopte donc le nom de sa grand-mère d’origine tatare et devient Anna Akhmatova. De son nom de plume elle peut désormais signer ses premiers poèmes.

Elle lit les Grecs et un des poètes qu’elle révère, Pouchkine, étudie le droit à Tsarkoïe Selo, épouse le poète Nicolas Goumiliov, fondateur du mouvement poétique appelé acméisme. Goumilov fonde l’Atelier des Poètes avec Ossip Mandelstam notamment. Elle formera avec Goumiliov, Mandelstam, Sergueï Essenine, Alexandre Blok, Vladimir Maïakovski, Marina Tsvetaïeva et Boris Pasternak «l’Âge d’argent», une génération de génies de la poésie russe qui ont grandi dans la Russie impériale mais qui ont vécu la révolution bolchevique et son traumatisme.

Ces poètes connaîtront tous une fin tragique sous Staline, ils seront pour la plupart décédés ou bien par suicide ou bien assassinés. La seule rescapée fut Anna. Son recueil ‘‘Requiem’’ est un témoignage de cette période glaçante et très dure à vivre. Outre son surnom la Reine de la Neva, elle est aussi surnommée l’Âme de l’Âge d’argent.

À partir de 1922, elle sera censurée, traquée, persécutée par le régime soviétique. Refusant de fuir, «exilée de l’intérieur», elle fait de la poésie son maquis, sa résistance, sa liberté. À la veille du troisième anniversaire de la mort de Staline, le 4 mars 1956, Akhmatova dit à son amie et confidente Lydia Tchoukovskaïa : «Staline est le plus grand bourreau que l’histoire ait jamais connu. Gengis Khan, Hitler sont des enfants de chœur à côté de lui». Il faut attendre la mort du tyran en 1953, pour que de nouveaux recueils soient publiés, ‘‘Poèmes sans héros’’ et ‘‘Requiem’’.

Quand le poète Robert Frost lui rend visite dans sa datcha en 1962, elle écrit : «J’ai tout eu: la pauvreté, les voies vers les prisons, la peur, les poèmes seulement retenus par cœur, et les poèmes brûlés. Et l’humiliation, et la peine. Et vous ne savez rien à ce sujet et ne pourriez pas le comprendre si je vous le racontais…».

En 1964, elle est autorisée à sortir d’URSS pour recevoir un prix de poésie de Taormine en Italie et elle est faite docteur honoris causa de l’université d’Oxford.

Elle vécut donc à travers les guerres, la Révolution et la grande Terreur stalinienne et sa vie personnelle est à l’image des tourments de son siècle. Elle décéda en mars 1966 sans connaître de son vivant la parution intégrale de son œuvre. Célébrée aujourd’hui en Russie, elle reste pour la postérité la Reine de la Neva. Un musée Anna Akhmatova est fondé en 1989 à Saint-Pétersbourg, il est abrité au sein du palais des comtes Cheremetiev.

Statue d’Anna Akhmatova à Saint-Pétersbourg.

Toutes les âmes bien aimées sont sur de hautes étoiles.
Comme il est doux de n’avoir plus personne à perdre
Et de pouvoir pleurer. L’air de Tsarskoïe Selo
Ne fut créé que pour porter les chants.

Sur la rive un saule d’argent
Caresse l’eau claire de septembre.
Surgissant du passé, en silence,
Elle vient à ma rencontre, mon ombre.

Il y a tant de lyres ici, pendues aux branches,
La mienne aussi, dirait-on, a sa place.
Et cette petite bruine ensoleillée,
Comme une heureuse nouvelle, me console.

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