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«Zaqafouna», ou les Lumières contre le dogmatisme d’Ennahdha

Kais Saied citant Abou Hayyan Tawhidi dans le texte, Noureddine Taboubi interloqué.

Le président de la république Kais Saied est un homme cultivé mais sémantiquement rarement compris. Il vient encore de le prouver. L’opinion publique en a fait ses choux gras…

Par Dr Mounir Hanablia

Dans le contexte de blocage institutionnel issu de la nomination des nouveaux ministres, il a sorti un terme que nul ne connaissait, celui de «zaqafouna», issu de la période arabe classique, obligeant les journalistes à un travail de recherche. Renseignement pris, il est issu de la ‘‘Lettre du Pardon’’ de Abu-l-Ala Al-Maari, remontant à l’époque abbasside, dont Dante s’est inspiré dans la rédaction de sa ‘‘Divine Comédie’’. Ce terme désigne dans l’ouvrage une manière de s’asseoir, une technique face à l’ange qui transporte le défunt vers l’au-delà, afin que le passage se fasse vers le paradis.

La ‘‘Lettre du Pardon’’ est considérée dans la littérature arabe classique comme l’un des ouvrages les plus critiques vis-à-vis de la pensée religieuse dogmatique. Elle narre les tribulations dans l’au-delà de l’un des adversaires de l’auteur, Ibn Al-Qarih, ainsi que ses rencontres avec un certain nombre de personnalités, après leur mort. Évidemment ce qu’il y découvre ne correspond nullement à ce que la doxa religieuse enseigne.

Les spéculations n’ont pas manqué quant à la signification que le président voulait donner à ce terme spécifique issu du moyen âge relativement à la situation politique actuelle. On a parlé d’une manière de devenir ministre sans recevoir l’onction présidentielle. On a aussi parlé de l’ingratitude d’Ibn Al-Qarih vis-à-vis d’Al-Maghribi, son bienfaiteur, qui n’est pas sans rappeler la relation conflictuelle liant le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, au président de la république. Mais l’érudition du chef de l’Etat qui le rend comique aux yeux de la masse ignorante, et qui donne de l’eau au moulin de ses adversaires politiques l’accusant d’être incompétent, ne doit pas faire oublier l’essentiel.

Il existe une littérature arabe classique des Lumières, dont plus personne n’a connaissance, tant bien même il puisse la comprendre, et qui relève tout autant de l’authenticité et des valeurs que le discours islamiste des dirigeant d’Ennahdha prétend monopoliser et s’approprier. Ce n’est pas un hasard si le ministère tunisien de l’Education a supprimé du programme scolaire il y a quelques mois cet ouvrage que sans doute quelques-uns de nos partis politiques considèrent comme menaçant leur emprise sur les esprits, et leur suprématie dans le pays.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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