Le silence des dirigeants d’Ennahdha à propos de l’enlèvement des Tunisiens en Libye par les milices de Fajr Libya devrait susciter quelques interrogations.
Par Imed Bahri
Le parti islamiste Ennahdha et ses dirigeants, qui sont toujours prompts à réagir aux événements qui surviennent en Tunisie et dans le reste du monde arabe, ont brillé par leur quasi-mutisme durant la crise de l’enlèvement et de la séquestration, pendant plus d’une semaine, des fonctionnaires du consulat général de Tunisie à Tripoli.
Un silence assourdissant
Ni communiqué de presse pour dénoncer cette prise d’otages ni déclaration de l’un des dirigeants du mouvement islamiste pour appeler à leur libération. Rien, silence radio. C’est à peine si Rached Ghannouchi a annoncé, à demi-mot, au cours d’un meeting à Gabès, le 14 juin 2014, deux jours après l’enlèvement des fonctionnaires tunisiens, qu’il était intervenu auprès de parties libyennes pour aider à faire libérer ces derniers. Affirmation vague à propos d’une initiative, si initiative il y a eu vraiment, qui est restée sans lendemain…
Les dirigeants d’Ennahdha étaient visiblement gênés et s’interdisaient de réagir, de crainte de froisser les ravisseurs, les milices islamistes de Fajr Libya, qui sont leurs «frères musulmans» et alliés stratégiques dans le projet d’instauration de régimes islamistes en Afrique du Nord, encouragé de plus en plus ouvertement par le Qatar et la Turquie.
Même quand les otages ont été libérés, en contrepartie de la libération d’un chef terroriste libyen poursuivi en justice en Tunisie, Walid Al-Qalib en l’occurrence, ni Rached Ghannouchi, habituellement très loquace en pareilles circonstances, ni aucun de ses lieutenant n’ont cru devoir commenter l’événement.
Walid Al-Qalib et Abdelhakim Belhaj: chefs de Fajr Libya et alliés d’Ennahdha.
Ghannouchi et Fajr Libya
On retiendra cependant, dans ce même contexte, que le président d’Ennahdha avait affirmé, quelques jours seulement avant l’attaque du consulat tunisien à Tripoli et l’enlèvement des 10 fonctionnaires, dans une déclaration aux médias: «Fajr Libya est notre rempart contre les milices de Daêch, c’est notre première ligne de défense», appelant ainsi ses compatriotes à composer avec ces milices islamistes qui contrôlent Tripoli et toutes les régions ouest de la Libye, jusqu’aux frontières tunisiennes.
Le problème avec ces milices, c’est qu’elles ne peuvent être considérées comme une autorité homogène avec laquelle les autorités tunisiennes peuvent entretenir des relations d’Etat à Etat. Ce sont des groupuscules armés, vaguement fédérés, sous un commandement nébuleux sinon secret, et dont les plans, les motivations et les réactions restent aussi mystérieux qu’imprévisibles.
En prenant en otages, de temps à autre, des travailleurs tunisiens en Libye et en les utilisant pour faire du chantage au gouvernement tunisien et l’obliger à libérer certains de leurs membres poursuivis en justice dans des affaires terroristes, ces milices ne se comportent pas en autorité responsable et respectable, parce que respectueuse du droit international.
Aussi les relations qu’entretiennent les dirigeants d’Ennahdha avec ceux de Fajr Libya, et notamment le chef terroriste Abdelhakim Belhaj, sont-elles pour le moins inadmissibles et inacceptables. Car un parti au pouvoir – et c’est le cas d’Ennahdha – ne peut pas entretenir des relations avec des preneurs d’otages…
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