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Syrie : Les signes avant-coureurs de la victoire de Bachar El-Assad

Intervention-russe-en-Syrie

Les forces de Bachar El-Assad, appuyées par l’aviation russe, pourraient, d’ici la fin de 2015, étendre leur contrôle sur Alep, Damas et Homs, les 3 villes les plus peuplées.

Par Mohamed Nafti*

L’intervention militaire russe en Syrie a commencé le 30 septembre 2015. C’est une campagne militaire entamée par des frappes aériennes visant des objectifs terrestres tenus par des groupes rebelles en territoire syrien et combattant le régime de Bachar El-Assad depuis 2011.

L’aviation russe, très active la première semaine, a concentré les frappes dans le réduit côtier de l’est du pays et vise les groupes rebelles qui menacent le régime en place. Les frappes se sont intensifiées dans les provinces de Homs, Hama, Idlib et Lattaquié, qui entourent Damas, la capitale du régime.

Les frappes de la première semaine devaient  préparer le terrain pour une offensive terrestre. Chose faite, le 7 octobre, un corps d’armée fort de 60.000 combattants attaquait sur deux fronts. Le premier sur l’axe routier Damas-Alep et le second de Lattaquié vers Alep.

Rappel des événements de la première semaine :

Une lecture des activités aériennes russes durant cette période conduit aux conclusions suivantes :

– depuis le début de l’opération, les avions russes n’ont pas cessé de bombarder des objectifs situés dans les zones contrôlées par les groupes rebelles;

– les frappes sont concentrées sur l’autoroute principale Damas-Alep, autour de la ville de Hama et dans les provinces d’Idleb et Alep ;

– Hama est le symbole de la rébellion. Elle a été réprimée du temps de Hafez El-Assad pour son soulèvement au début des années 1980 et a été le premier foyer du soulèvement en 2011. C’est le fief des Frères musulmans. Quant à Idleb et Alep, ces deux villes sont très proches de la frontière turque ;

– durant toute la première semaine, l’aviation russe n’a frappé qu’à trois reprises dans le territoire contrôlé par l’Etat islamique (EI, Daêch), un seul objectif aux environs de la capitale de l’EI, à Raqqa, le 7 octobre, et 2 autres à Palmyre et Dir EzZoor;

– C’est ce qui expliquerait la fuite de milliers de jihadistes vers la Libye, qui ont eu tout le temps pour organiser leur exfiltration;

– les frappes étaient concentrées dans le fief des rebelles qui menacent le régime de Damas et contrôlent la région limitrophe de la Turquie.

Synthèse des opérations de la deuxième semaine :

Cette phase, entamée le 7 octobre, s’est caractérisée par l’offensive terrestre de l’armée syrienne appuyée par l’aviation russe :

– le théâtre des opérations s’est limité au réduit alaouite (la «Syrie utile» pour le régime) compris entre la côte méditerranéenne à l’est, la frontière turque au nord, la frontière jordanienne au sud et l’autoroute Damas-Alep à l’ouest ;

– l’aviation russe a continué les frappes : plus d’une centaine de cibles ont été touchées par les frappes aériennes essentiellement dans le réduit côtier. Raqqa, capitale de l’Etat islamique (en dehors du réduit) n’a été ciblée qu’une seule fois;

– l’essentiel des sorties aériennes a été effectué par des avions SU-24 et SU25 ;

– les missions avec les  bombardiers SU-30 ont été limitées;

– les objectifs de l’aviation russe étaient des postes de commandement, des dépôts de munitions et des camps d’entrainement des rebelles;

– l’avancée des troupes terrestres sur l’autoroute (main courante), qui a débuté le 7 octobre, était couronnée de succès jusqu’à samedi. L’armée syrienne a libéré une dizaine de villages de la province de Hama. Cette ville se trouve à mi-chemin entre Damas et Idlib. Homs a été dépassée sans difficulté. La progression du front nord de Lattaquié n’est pas rapide. Le relief est difficile et la résistance rebelle devrait être relativement forte;

– depuis  le 11 octobre, la progression sur l’autoroute semble être stoppée. Mais le lundi 12 octobre, elle a continué en se dirigeant vers le nord-ouest. L’état-major syrien a, en effet, annoncé que l’objectif était d’attaquer en direction de la  plaine Sahl Ghab ;

– Sahl Ghab est une plaine de 100 km2 qui se situe entre les 3 provinces de Hama, Idlib et Lattaquié. Une plaine fertile et ses axes routiers commandent la progression vers la côte et revêt une  importance stratégique pour les rebelles ;

– trois  éléments nouveaux ont émergé cette semaine : l’importance de la plaine Sahl Ghab et sa symbolique , la présence importante de milliers de combattants iraniens et l’importance tactique des hélicoptères Mil-Mi 24 sur le terrain.

3- Conséquences:

* Sur le plan tactique (objectif Sahl Ghab) :

– l’utilisation quotidienne des avions SU 24 et SU25 est une preuve de l’intensité des combats entre les rebelles et les forces syriennes. Ces deux avions offrent l’appui rapproché au sol aux forces d’attaque syriennes. C’est ce qui explique aussi les succès rapides enregistrés dans la province de Hama et le nettoyage de 10 villages ;

– l’appui au sol est complété par les hélicoptères d’attaque Mil-MI 24. C’est un peu surprenant car les hélicoptères sont très vulnérables face à un adversaire retranché. Ce qui pourrait expliquer que les rebelles n’avaient pas préparé leurs positions défensives ou bien qu’ils étaient cueillis à froid ;

– la plaine Sahl Ghab a été le théâtre d’une opération de grande envergure au mois d’août 2015. Les rebelles avaient attaqué les forces syriennes au sud de la village de Jisr Chogor (frontière avec la Turquie) et ont pu conquérir la moitié de la plaine jusqu’à menacer le village de Jourine qui est le HQ régional des forces syriennes. Pendant 21 jours, les rebelles ont harcelé les forces loyalistes l’objectif des rebelles étant le passage à Lattaquié, fief des Alaouites. Mais les combats se sont arrêtés à mi-chemin. C’est ce qui pourrait expliquer l’intention présente des troupes de Bachar. Il convient maintenant de conquérir cette région symbolique à plus d’un titre. C’est une revanche, une sécurité pour sa ville natale et surtout une preuve de sa victoire sur les rebelles. Nettoyer Sahl Ghab est un «effet majeur», comme on le qualifie dans le jargon militaire. Conquérir cette région est primordial pour la suite des opérations et pour atteindre l’objectif opératif de la campagne qui est Alep ;

* Sur le plan opératif (objectif Alep) :

– la présence de milliers de soldats iraniens à Damas pourrait être une indication sur les opérations futures. Un général iranien est décédé la semaine dernière près de la ville  d’Alep. Deux autres sont décédés lundi aux confins de cette ville. Ceci pourrait présager d’une future contribution des troupes iraniennes dans l’assaut contre cette grande ville ;

– la progression de l’armée syrienne est relativement soutenue durant la première semaine. On pourrait prévoir leur arrivée à Idlib vers la fin du mois d’octobre.

* Sur le plan stratégique :

A ce train, les forces syriennes appuyées par l’aviation russe pourraient reconquérir Alep d’ici la fin de l’année 2015. C’est la période que s’est fixé Poutine pour se débarrasser des groupes terroristes en Syrie (3 à 4 mois, disait-il en début de la campagne). Si ses déclarations s’avèrent justes, il réaliserait son objectif politique qui est de sauver le régime de Bachar avant la fin de l’année 2015. La campagne militaire sera victorieuse et contribuera à la libération des régions occupées par les rebelles. Les trois villes les plus peuplées (Alep, Damas et Homs) seront entre les mains de Bachar. Les deux-tiers de la population seront sous son contrôle.

Est-ce qu’il aura besoin de faire la guerre à l’Etat islamique dans la partie est de la Syrie, à Raqqa, loin de Damas ? Et même un règlement politique de la crise lui conviendrait car deux tiers de la population voteraient pour lui dans ce cas.

* Général à la retraite.

** Ce travail est basé sur une exploitation des sources ouvertes des journaux électroniques suivants :
– ‘‘Strategika 51’’ et ‘‘Sputnik international’’ (actualités quotidiennes) ;
– Boulevard Voltaire : ‘‘Le régime syrien gagne du terrain grâce aux frappes russes’’ (12 octobre 2015).
– Les Echos.fr: ‘‘L’intervention russe en Syrie remporte ses premiers succès’’ (12 octobre).

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