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Les mauvais calculs du président Caïd Essebsi

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Béji Caïd Essebsi impose son fils à des partenaires mielleux et intéressés.

Profitant de l’indulgence intéressée de ses alliés islamistes, Béji Caïd Essebsi tente de remettre en place un système fondé sur le népotisme, le clientélisme et la corruption.

Par Abdelmajid Mselmi *

Le président de la république Béji Caïd Essebsi a solennellement promis aux Tunisiens d’annoncer la formation d’un gouvernement d’union nationale avant l’Aïd El-Fitr. Encore une promesse parmi tant d’autres qui n’a pas été tenue. En fait, il semble que la formation du prochain gouvernement va prendre plus de temps que prévu. Qu’il s’agisse d’une annonce faite à la légère ou d’une erreur d’appréciation de la conjoncture politique, cela ne peut qu’affecter gravement la crédibilité du président de la république et le «prestige de l’Etat», dont il n’a cessé de nous rebattre des oreilles.

Un saut dans l’inconnu

On s’interrogera longtemps sur les vraies raisons qui ont amené le chef de l’Etat à décider de changer le gouvernement, déclenchant ainsi, à la veille du ramadan et des vacances estivales, et à quelques mois des élections municipales, prévues en mars 2017, une crise politique majeure qui a aggravé la crise économique et sociale prévalant dans le pays.

On peut estimer que le gouvernement Habib Essid n’a pas encore bouclé 16 mois et qu’il est un peu tôt pour évaluer son action et, éventuellement, le changer.

D’autre part, 7 ministres, dont 3 détenteurs de portefeuilles régaliens (Intérieur, Justice et Affaires étrangères), ne sont en poste que depuis 4 mois.

A titre de rappel, l’opposition et au premier rang le Front populaire, critiquait certes le gouvernement Essid, ce qui son rôle, mais elle n’a, à aucun moment, demandé son changement, jugeant que le moment n’est pas opportun.

Les motivations de l’initiative présidentielle n’ont rien à avoir avec le programme socio-économique du gouvernement en place. D’ailleurs, les priorités du gouvernement d’union nationale devant être formé, telles que soulignées par le document émanant des concertations de Carthage, ne diffèrent pas fondamentalement de celles du programme du gouvernement Essid.

Le népotisme montre le nez

Plusieurs observateurs émettent l’hypothèse de divergences entre le chef du gouvernement et Hafedh Caid Essebsi, bombardé récemment à la tête de Nidaa Tounes, à propos des nominations au sein de l’administration. En réalité, il semble que le fils du président de la république veut installer un chef de gouvernement à ses ordres.

Le népotisme est un terme apparu en 1653. Il est dérivé de népote qui signifie «neveu». Les prêtres n’ayant pas d’enfants (ils ne se marient pas), le neveu est considéré comme leur «fils». Le népotisme signifie la volonté du clergé de l’église de favoriser l’ascension des membres de leur famille au pouvoir au détriment du processus de sélection ordinaire basé sur le mérite ou l’intérêt général. Par extension, cette définition a été élargie aux hommes politiques.

L’avènement de Hafedh Caid Essebsi, fils du président, aux commandes de Nidaa Tounes, après de longs mois de luttes intestines, est la preuve, s’il en est encore besoin, du retour du népotisme dans la vie politique tunisienne. En effet, ce dernier doit son poste non pas à un système de sélection préétabli (des élections par exemple) ou à ses qualités intrinsèques, mais plutôt au soutien direct et à l’indulgence paternelle du président de la république. C’est ainsi qu’il est devenu la deuxième personnalité importante du pays, après son père, avec un poids suffisant pour peser dans le choix du prochain gouvernement.

Ceux qui veulent devenir ministres ou gouverneurs ou hommes d’affaires… doivent désormais montrer leur allégeance au fils du président. Et c’est ainsi que le népotisme finit par faire le lit du clientélisme, du copinage et du favoritisme.

Rappelons à ceux qui ont la mémoire courte que le népotisme était la caractéristique principale des régimes déchus de Ben Ali, Kadhafi et Moubrak. Et Béji Caïd Essebsi connait, autant que nous tous, le sort de ces despotes.

Une classe politique opportuniste

L’initiative du président de la république semble avoir intimidé les 3 partis membres de la coalition gouvernementale, aux côtés de Nidaa Tounes, à savoir Ennahdha, l’UPL et Afek. Car comment expliquer qu’ils se soient laissé marcher sur les pieds ?

Béji Caïd Essebsi a, en effet, outrepassé ses prérogatives constitutionnelles en s’immisçant dans les affaires du gouvernement qui concernent principalement le pouvoir législatif et, par conséquent, les partis politiques.

D’autre part, le président de la république n’a même pas pris la peine de prendre leurs avis ou de les informer sur un sujet aussi important qu’un changement du gouvernement. Enfin il leur a imposé son fils, autant dire son alter ego, pour négocier de la formation du prochain gouvernement. C’est bonnet blanc blanc bonnet.

Malgré ce mépris, ces partis politiques ont salué avec beaucoup de zèle l’initiative présidentielle qui va sauver le pays (sic !!) et ont rivalisé de mielleuse complaisance pour vanter son bien-fondé et sa portée historique.

Ennahdha, fidèle à sa stratégie du leurre permanent, qui lui permet d’être à la fois dedans et dehors et de tout manipuler en n’étant responsable de rien, applique la règle «Vivons heureux vivons caché». Réalisant qu’une majorité à l’intérieur comme à l’extérieur ne veut pas de l’islam politique au pouvoir, le parti islamiste tunisien se cache derrière le président Caïd Essebsi et son parti et phagocyte pernicieusement les rouages de la société et de l’Etat en attendant des jours meilleurs.

Quand aux deux autres partis libéraux (UPL et Afek), ils semblent n’avoir qu’un seul souci : rester au pouvoir et avoir leur part du gâteau pour servir les intérêts de leurs membres, copains, cousins et voisins. La méthode importe peu : ils sont prêts à ramper, la fin justifiant les moyens.

Le Front populaire attaché à son devoir national

Plusieurs observateurs reprochent au Front populaire de ne pas mettre la main à la patte et de camper dans l’opposition, refusant de participer au dialogue national et éventuellement au gouvernement d’union nationale. Mais au Front, on pense que le climat est malsain et que les conditions ne sont pas réunies pour la réussite d’une telle démarche. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’un enthousiasme national et d’un engouement pour redresser la situation dans le pays. Mais plutôt d’une mise en scène destinée à régler des comptes entre des fractions rivales à Nidaa Tounes et à se débarrasser de Habib Essid, devenu un obstacle devant la réalisation des intérêts de certains, et à mettre à sa place un chef de gouvernement plus malléable et aux ordres du président et de son fils.

Le Front populaire campe alors dans l’opposition pour dénoncer les dépassements et les dérives et proposer des alternatives afin de créer l’équilibre nécessaire à toute démocratie. Et c’est à son honneur.

* Membre dirigeant au Front populaire.

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