Le dossier d’inscription de l’île de Djerba sur la Liste du patrimoine de l’Humanité refait surface, avec l’avènement de la mission d’évaluation et de coaching de haut niveau.
Par Naceur Bouabid *
La mission, menée par l’experte internationale Leticia Leitao à Djerba du 5 au 9 avril 2017, a été organisée par Nada Al Hassen, chef Unité des Etats arabes au Centre du patrimoine mondial de l’Unesco, en coordination avec l’ambassadeur de Tunisie auprès de l’Unesco et le directeur général de l’Institut national du patrimoine (INP).
Elle avait pour objet aussi bien d’apporter une assistance technique à l’équipe locale à même de lui permettre de comprendre les enjeux et les exigences de la préparation d’un dossier d’inscription, que de discuter avec ses membres des préparatifs de l’atelier maghrébin de formation et de renforcement de capacités qui sera organisé dans les semaines à venir à Djerba conjointement avec l’Alecso (Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences).
Au cours de son séjour à Djerba, l’experte a pu prendre connaissance du potentiel patrimonial retenu pour inscription, à travers la visite des sites qui le portent, Les trois réunions tenues dans les locaux de l’association avec les membres du comité local, en présence de Hamida Rhouma, point focal du patrimoine mondial au sein de l’INP, lui ont permis de prendre connaissance de l’avancement de la réflexion et des travaux de repérage et d’identification des zones, menés sans relâche par l’Association pour la Sauvegarde de l’Ile de Djerba et le comité local de pilotage mis en place à cet effet.
Instabilité institutionnelle chèrement pénalisante
Il y a cinq ans, la Tunisie a fait un nouvel inventaire des biens culturels et naturels à proposer pour inscription sur la Liste du patrimoine de l’humanité, comportant les mausolées royaux et l’architecture funéraire numide, les frontières de l’empire romain : limes du sud tunisien, le complexe hydraulique romain Zaguouan/Carthage, les carrières antiques de marbre numidique de Chemtou, la médina de Sfax et l’Île de Djerba. Depuis lors, aucune suite n’a été donnée à cette initiative, puisqu’aucun dossier d’inscription y afférent n’a été élaboré et soumis au comité du patrimoine mondial.
La candidature de l’île de Djerba a fait cependant l’exception, ayant été adoptée et pris en main, depuis son avènement en janvier 2012, par l’Association pour la Sauvegarde de l’Île de Djerba (Assidje). Mais, l’instabilité à la tête du ministère de la Culture et de l’INP n’a pas été pour aider à enclencher officiellement le processus d’élaboration entamé et mené unilatéralement par l’Assidje ; le peu de cas inexpliqué manifesté par certains responsables à l’égard de la question a semé le doute et a freiné les ardeurs de celles et ceux qui y ont cru, mais qui n’ont pas, ce nonobstant, lâché prise.
Aujourd’hui, après toute cette période de tergiversations et d’incertitude, et toute cette attente stoïque de lendemains meilleurs, voilà les conditions et des atouts de taille enfin réunis pour mettre le dossier d’inscription de l’île de Djerba sur la bonne voie et permettre au processus d’élaboration du dossier d’aller de l’avant : le ministre des Affaires culturelles, Mohamed Zinelabidine, en signe de bonne volonté et d’adoption du projet, a reçu le 7 décembre des membres de l’Assidje et a présidé les travaux de la journée d’études consacrée à la question tenue à Djerba à la date du 26 décembre 2016; le nouveau directeur général de l’INP, Faouzi Mahfoudh, très coopératif, a vite réagi, et favorablement, à la proposition émanant de l’Unesco quant à la tenue de la mission de l’experte, le nouvel ambassadeur de Tunisie auprès de l’Unesco, Ghazi Ghrairi, a manifesté son intérêt pour le dossier et coordonne à bon escient avec les instances internationales compétentes; l’Alecso, de son côté, est entrée en lice pour apporter son appui à la candidature de l’île, concrétisé par l’organisation conjointement avec l’Unesco de l’atelier maghrébin de formation et de renforcement des capacités dans les semaines à venir et par la visite effectuée les 1er et 2 février 2017 par Hayet Guettat et Mustapha Khannoussi, respectivement directrice de culture et expert au sein de ladite organisation.
20 ans sans aucun bien inscrit, n’est-ce pas frustrant?
L’inscription du dernier bien sur la Liste du patrimoine mondial, en l’occurrence le site archéologique de Dougga, remonte à 1997, c’est dire que depuis vingt ans, la Tunisie n’a proposé pour inscription aucun bien, ni culturel ou naturel, brillant bizarrement par son absence de la scène. Notre pays est-il en manque de biens dignes de reconnaissance mondiale pour justifier un tel désistement des autorités compétentes en la matière? Le moment n’est-il pas venu pour renouer le contact et mettre fin à cette inquiétante traversée du désert?
* Militant associatif, ancien président de l’Association pour la Sauvegarde de l’Ile de Djerba.
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