Hier à la Kasbah, manifestation de soutien à Chahed dans sa guerre contre la corruption.
Youssef Chahed qui avait, en août 2016, annoncé que la lutte contre la corruption serait sa priorité, est enfin passé des paroles aux actes. Les Tunisiens sont tous derrière lui.
Par Moncef Kamoun *
Lors des violents heurts entre des manifestants et des policiers, lundi 22 mai 2017, à Tataouine, un manifestant a été accidentellement tué par un véhicule de la garde nationale et plusieurs personnes, dont des membres des forces de l’ordre, ont été blessées, et les postes de la police et de la gendarmerie de cette ville du sud incendiés.
Il s’est avéré, selon un responsable de la garde nationale, que ces troubles ont été fomentés et financées par certains barons de la contrebande, dont les réseaux sont très actifs dans cette zone frontalière avec la Libye.
Qui cherche à provoquer des désordres et à déstabiliser l’Etat ?
Le lendemain de ces incidents, une vague d’arrestation a eu lieu dans les rangs de ces barons de la corruption, en application des dispositions de l’article 5 de la loi de l’état d’urgence en date du 26 janvier 1978, qui autorise le ministre de l’Intérieur à assigner à la résidence surveillée toute personne dont l’activité pourrait constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics.
Plusieurs figures de la corruption et de la contrebande ont été arrêtées pour avoir incité et financé les mouvements de protestation à El-Kamour, à Tataouine, et dans d’autres régions, dans le but de provoquer des désordres et déstabiliser l’Etat. Ils seront poursuivis devant la justice militaire pour atteinte à la sûreté de l’Etat et même, pour certains d’entre eux, pour intelligence avec des forces armées étrangères, par allusion aux milices armées islamistes contrôlant l’ouest de la Libye.
La corruption est un fléau qui, avant et après la révolution de janvier 2011, n’a cessé de saper les fondements de notre société et de porter atteinte à la morale publique. En absorbant des ressources nécessaires au développement et en empêchant la bonne conduite des affaires publiques, il menace la mise en place de la démocratie et de l’État de droit.
La corruption devient en Tunisie un phénomène d’une importance cruciale que l’on peut comparer à une épidémie car elle se propage rapidement dans le système politico-économique bien fragile d’un pays particulièrement vulnérable, en raison de la faiblesse de ses institutions et des difficultés qu’éprouvent les autorités publiques à faire respecter les lois.
Ce fléau est devenu, aujourd’hui, un vrai obstacle au développement, surtout qu’il a des connexions internationales, facilitées par l’ouverture des frontières, les progrès technologiques, les communications transnationales et la liberté des transactions commerciales caractérisant le monde actuel.
Conséquence : les plus pauvres sont les principales victimes du système de la corruption du fait qu’ils ne peuvent pas verser de dessous-de-table pour bénéficier des services publics et des possibilités offertes par le marché.
Nous savons tous qu’il faut déraciner ce mal et nettoyer cette véritable plaie, qui est le signe d’un grave dysfonctionnement dans la gestion des affaires publiques, qui sape les fondements mêmes de l’Etat de droit, mine les bases de la démocratie, entraîne une mauvaise utilisation des fonds publics, fausse la concurrence et fait obstacle au commerce et à l’investissement.
Conscient du fait que rien ne pourra être construit et pérennisé dans une société gangrenée par ce fléau, le chef du gouvernement Youssef Chahed a, dès son investiture, en août 2016, annoncé que la lutte contre la corruption serait sa priorité. Mais il fallait passer des paroles aux actes. Ce qu’il a mis beaucoup de temps à faire.
Le gouvernement joue sa dernière carte
Conduisant un gouvernement d’union nationale, M. Chahed a géré les affaires publiques pendant 10 mois et, comme tous ses prédécesseurs, est resté impuissant face aux phénomènes de la corruption et de la contrebande, ne prenant pas les mesures indispensables pour y faire face, au point où les Tunisiens ont perdu tout espoir de voir un jour leur pays avancer sur une bonne voie.
Aussi, le mardi 26 mai, ont-ils été agréablement surpris par l’annonce de l’arrestation de certains barons de la corruption et de la contrebande, connus de tous et qui narguaient ouvertement, sur les plateaux des télévisions, les autorités publiques.
Ce coup de pied dans la fourmilière qui ressemble à un coup de poker n’a pas tardé à faire du chef du gouvernement un héros national aux yeux des Tunisiens, qui attendaient l’affirmation d’une véritable volonté politique de lutter contre la corruption de la part des différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2011.
Cet acte de grand courage, venu du plus jeune chef de gouvernement que la Tunisie a eu (Chahed est âgé de 40 ans), a été profondément salué par tous les Tunisiens, citoyens, acteurs de la société civile, dirigeants politiques…
Les arrestations, qui étaient apparemment préparées depuis plusieurs semaines dans le plus grand secret, ont été favorablement accueillies dans pratiquement tous les milieux.
Grâce ce coup de filet, qui doit être suivi par des procès équitables, qui aident à révéler toute la vérité sur les réseaux de la corruption et de la contrebande, le chef du gouvernement a réussi à inverser la tendance de l’opinion publique nationale, qui le porte aujourd’hui au firmament de la popularité après en avoir touché le fond, il y a seulement une semaine, en pleines tensions sociales.
Cette opération mains propres est un passage à l’acte de Youssef Chahed, qui a exprimé, à maintes reprises, son engagement en faveur de la lutte contre les barons de la corruption, de la contrebande et du commerce parallèle. Il lui reste à confirmer cet essai pour prendre un rendez-vous avec l’histoire. Il va falloir, désormais, compter avec lui…
*MK Architecte.
Donnez votre avis