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La jeunesse tunisienne chante la parole libre

Le ciné-théâtre Le Rio au centre-ville de Tunis a accueilli le soir du samedi 23 septembre 2017 un concert réunissant les voix phares de la révolution pour chanter la liberté.

Par Fawz Ben Ali

Yasser Jeradi, Bendir Man, Lobna Nooman et Badiaa Bouhrizi se sont réunis sur la scène de cette salle du centre-ville de Tunis pour un concert exceptionnel devant un public très nombreux, majoritairement composé de jeunes venus nombreux pour savourer une musique alternative, authentique et engagée.

Baptisée ‘‘Goul’’ (Parle), cette rencontre musicale s’inscrit dans le cadre d’un grand mouvement mondial intitulé «Speak».

La campagne a été lancée en réponse aux différentes formes d’oppression dans le monde qu’elles soient politiques ou religieuses et qui continuent de menacer un grand nombre de pays vivant sous la dictature.

Chaker Besbes.

Engagement permanent pour la liberté

La Tunisie fait désormais partie des pays dits «libres». Ainsi le journaliste et animateur Chaker Besbes, chargé de modérer la soirée, a rappelé que «le pays vit certes une crise politique et économique aiguë mais qu’on a au moins gagné ce grand acquis qu’est la liberté d’expression».

La jeunesse tunisienne est consciente de l’importance de cet acquis vital et s’active par différents moyens pour le préserver, comme d’ailleurs les deux jeunes associations Calam et Jeunesse Sans Frontières (JSF) qui ont pris l’initiative d’organiser cet événement avec le soutien de l’organisation mondiale Civicus.

La scène musicale tunisienne compte, aujourd’hui, un grand nombre d’artistes qui proposent des créations engagées en phase avec l’actualité du pays. Yasser Jeradi, Bendir Man, Lobna Nooman et Badiaa Bouhrizi ont en commun cet engagement permanent dans la vie socio-politique non seulement à travers leurs chansons mais aussi par le biais de différentes actions.

Yasser Jeradi.

Jeradi et sa guitare

Le chanteur et guitariste Yasser Jeradi a ouvert le bal avec en arrière fond de scène des portraits de militants du monde entier, certains se trouvent actuellement en prison, d’autres ont payé de leurs vies le prix de la liberté. Yasser Jradi a interprété ‘‘Nesmaa fih’’, ‘‘Chbik nsitini’’ et son plus grand succès ‘‘Dima dima’’ que le public a repris en chœur. Avant de laisser la place à Bendir Man, Yasser Jeradi a rappelé à quel point il était important de préserver le seul acquis de la révolution qu’est la liberté sous toutes ses formes: «J’ai moi-même beaucoup souffert à l’époque de Ben Ali quant j’étais contraint dans mes activités au sein de différentes associations et organismes comme l’ATFD, la Ligue des Droits de l’Homme ou encore la FTCA.»

Bayrem Kilani.

Bendir Man et son humour

Bayrem Kilani, plus connus sous le nom Bendir Man avec lequel il s’était fait connaître avant la révolution, a retrouvé la scène après une longue absence. Le jeune artiste et militant avait le courage d’écrire des chansons satiriques sur l’ancien régime et le président déchu à l’époque où la liberté d’expression était encore un concept méconnu du peuple tunisien.
Bendir Man s’est remémoré avec le public cette période sombre où il était traqué en permanence par la police et où il était interdit de donner des concerts. Avec son humour habituel, il a mis le feu ce soir-là avec de vieux titres comme ‘‘Habiba ciao’’, ‘‘Système’’… mais aussi des reprises et des nouveautés ne manquant toujours pas d’ironie pour tourner en dérision les hommes politiques.

Lobna Nooman.

Nooman et Bouhrizi : deux voix féminines d’exception

Par la suite, le public a retrouvé deux voix féminines d’exception Lobna Nooman et Badiaa Bouhrizi.

La comédienne et chanteuse Lobna Nooman a interprété des chansons poétiques qui honorent le patrimoine musical tunisien comme ‘‘Ken ya maken’’, ‘‘Touba’’ ‘‘Bayâa el Yasmine’’ … accompagnée du musicien Mehdi Chakroun au luth.

La soirée s’est clôturée en apothéose avec la chanteuse et musicienne Badiaa Bouhrizi, qui était particulièrement attendue par le public. La jeune interprète avait dernièrement brillé au Festival de Hammamet en première partie du grand chanteur irakien Ilham Al Madfaïi.

Badiaa Bouhrizi.

De même ce soir, et dans une ambiance plus décontractée, elle a émerveillé ses fans par sa voix envoûtante et ses rythmes fusionnés. Le public réclamait surtout ‘‘Ila Salma’’ et ‘‘Labes’’; aussitôt demandé, aussitôt servi.

Ces quatre artistes sont l’exemple d’une jeunesse créative, engagée et qui déborde de vie. Une jeunesse qui s’est battue pour jouir aujourd’hui de son droit le plus essentiel, celui de s’exprimer en toute liberté. Ce n’est ni un cadeau ni un privilège, mais un devoir, un sacerdoce.

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