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Manifestations en Tunisie: Tolérer la protestation et définir le bien commun

Youssef Chahed, mercredi 10 janvier, à la rencontre des habitants d’El-Battan, à l’ouest de Tunis. 

La vague de protestions que connaît la Tunisie est dans l’ordre normal des choses, il s’agit simplement de «l’Acte 2 de la Révolution tunisienne.»

Par le comité de rédaction du ‘‘Christian Science Monitor’’ 

Sept ans après le déclenchement du ‘‘Printemps arabe’’ et la chute du premier dictateur arabe, le président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011, le monde arabe, pour une large part, est en proie à la guerre civile ou il a cédé à plus d’autocratie. Avec seulement 5% du total de la population mondiale, la région représente la moitié des réfugiés de la planète. Pourtant, les revendications du respect de la dignité humaine y sont toujours vives. C’est ce que vient de démontrer, cette semaine, la Tunisie, berceau du ‘‘Printemps arabe’’. Cependant, ces derniers jours, le mouvement de protestation contre la cherté de la vie et les mesures d’austérité a été, d’une manière générale, toléré.

Youssef Chahed, le Premier ministre tunisien dûment désigné, a même pris les devants et s’est déplacé pour rencontrer les manifestants dans la rue et écouter leurs doléances – pareil échange direct et pareille reddition de comptes sont tout à fait inimaginables ailleurs dans la région. Le chef du gouvernement tunisien a essayé de convaincre ses interlocuteurs d’accepter la nécessité de serrer la ceinture.

Par ailleurs, les agents de la sécurité s’étaient montrés plutôt compatissants à l’endroit des jeunes manifestants qui sont sans emploi du fait d’une économie stagnante. Plus encore, les médias ont eu toute la latitude de couvrir les événements et de donner la parole à cette colère de la rue.

Cette liberté de la désobéissance civile peut être considérée comme un des acquis les plus importants du ‘‘Printemps arabe’’. En 2016, une enquête du Baromètre arabe a révélé que les 2/3 des habitants de la région estiment qu’ils sont libres de critiquer leurs gouvernements sans aucune crainte. Certes, les citoyens arabes ne jouissent peut-être pas de plusieurs libertés civiles, pourtant un nombre important d’entre eux, aujourd’hui, éprouvent une plus grande liberté de conscience.

«Dans les années à venir, les Arabes seront peu susceptibles de demeurer dociles, à mesure que les pressions socio-économiques auxquelles ils sont soumis augmentent et que les systèmes de protection sociale dans leurs pays se réduisent», a conclu un rapport récent de la Carnegie Endowment for International Peace. «Les citoyens recourront de plus en plus à l’activisme, même si cela s’opère sous des formes différentes de celles généralement associées au ‘‘Printemps arabe’’, afin d’influencer les cours des événements dans leurs pays.»

A l’instar de ce qui se passe dans plusieurs autres démocraties, les jeunes Tunisiens protestent contre le manque d’opportunités d’emploi et la persistance de la corruption. Ils sont également indignés par les exigences des créanciers étrangers qui insistent que le gouvernement tunisien mette un frein aux subventions. La dette publique a atteint les 70% du produit national brut. Le cinquième de la population active tunisienne est employé par le gouvernement, ce qui représente une situation intenable. Bref, l’austérité est nécessaire pour relancer la croissance économique et générer des emplois privés.

Les révolutions démocratiques, comme celle qui a eu lieu en Tunisie, se concentrent dans un premier temps autour de la liberté individuelle. C’est cette vérité, d’ailleurs, qui a mis au pas le parti islamiste Ennahdha et l’a contraint à respecter les règles du jeu démocratique. Cependant, l’avènement de la liberté doit être accompagné par l’obligation de définir la notion du bien collectif – et, souvent, cela se réalise grâce au sacrifice individuel. La vague de protestations à laquelle on assiste aujourd’hui en Tunisie fait précisément partie de ce processus.

Ainsi qu’elle l’a fait il y a sept ans, la Tunisie est en train de montrer au monde arabe la voie à suivre. Cette fois-ci, la leçon porte sur la manière de construire une économie plus saine et plus inclusive.

Editorial traduit de l’anglais par Marwan Chahla

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