Elections municipales de mai 2019: les limites du scrutin proportionnel commencent à apparaître.
Certains conseils municipaux issus des dernières élections n’ont pas encore compris la cohabitation de toutes les tendances, partisanes ou indépendantes, portées par les électeurs à la gestion des affaires de leurs villes.
Par Kamel Eddine Ben Henia *
Les groupes majoritaires se comportent en législateurs, comme s’ils étaient à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), au lieu de se consacrer au règlement des problèmes de leurs communes, avec de nouvelles approches, pour être au plus près des administrés, et bannir les anciens procédés bureaucratiques. Tout comme les groupes minoritaires qui ne croient pas à la loi de la représentativité, et qui se réfugient dans le vacarme et la provocation pour jouer les opposants et faire obstruction.
Invectives entre les membres d’un même conseil municipal
Dans certains conseils municipaux, on se trouve renvoyé à une époque qu’on croyait échue, où tout doit être entrepris au nom de monsieur le président du conseil, qui ne tolère aucune opposition, sinon on crie au crime de lèse-majesté.
Les pages officielles de certaines mairies suppriment tous les commentaires négatifs, c’est-à-dire qui ne s’inscrivent pas dans la logique de l’allégeance au président, et ne relayant que les bonnes actions, alors que ces pages doivent faire l’écho des mécontentements, pour mieux cerner les doléances des citoyens.
Qui gère ces pages ? Est-ce le président ou le service de presse ? Même les projets des délégations spéciales, réalisés dans le cadre des budgets participatifs, sont imputés au crédit des nouveaux présidents.
Dans certains conseils, les débats sont portés sur les réseaux sociaux, avec tout ce que cela comporte comme invectives et diffamations, entre les membres d’un même conseil, de quoi démobiliser toutes les bonnes volontés parmi les administrés.
Des pages sont mobilisées de part et d’autre pour attiser des divergences voire des conflits qui n’augurent rien de positif, on se livre à la vindicte populaire, alors que tout doit être traité au niveau des conseils mêmes restreints, et ne faire apparaître aux administrés que l’image d’une concorde, même factice. Cela rassure un peu, et c’est plus digne.
Certains conseils ne croient pas aux compétences qui sont reléguées aux rangs de simples conseillers soumis ou démis. On tente vainement de faire avancer l’action municipale par l’appartenance politique, surtout si elle est majoritaire, ou alliée à la majorité.
Au cours des réunions publiques, la réponse à toute question est faite par le président alors que toutes les diverses commissions sont présentes pour mettre en valeur les tâches qui leur sont imparties, et pour délivrer un message rassurant aux administrés sur la compétence de leurs élus.
Le pouvoir de décision concentré aux mains d’un seul groupe
Certains conseils tardent à mettre en place leurs statuts internes, car les articles sont bien étudiés pour donner une large marge de manœuvre pour les groupes majoritaires, auxquels appartient généralement le président. En attendant toutes les commissions fonctionnent d’une façon hasardeuse, où les groupes majoritaires interviennent même s’ils n’en font pas partie.
Nous assistons à ce que je peux qualifier d’échec du vote à la proportionnelle au niveau municipal, car les pouvoirs de décision sont entre les mains d’un seul groupe, qui décide à l’intention d’un électorat qu’on essaie de mobiliser pour les prochaines législatives, et les alliances se font aussi sur la base de cette même conception, le travail municipal est soumis à l’action politique, et du «donnant-donnant», sans tenir compte des compétences qui peuvent combler un vide ressenti à tous les niveaux. Nous sommes dans le même système des listes uniques, où tout rejaillit sur le président.
Avant, au moins, il y avait une seule liste et une même appartenance politique. Aujourd’hui, il y a un groupe qui accapare tout, en créant une frustration au sein même du conseil pour les groupes minoritaires ou indépendants, lesquels s’opposent à des projets, qui sont adoptés, quoi qu’il advienne, la proportionnelle finissant par primer.
Si on veut que cette expérience réussisse, il faut que le président du conseil municipal réalise qu’il n’est pas le seul recours, et qu’il doit s’effacer de temps en temps et inciter tous les membres à prendre part à l’action commune. Il y va de leur crédibilité auprès des citoyens, et de la sienne aussi en particulier, car à l’heure des bilans, il ne pourra que se reprocher à lui-même l’échec d’une politique ou l’exclusion est la règle du jeu.
Vivement un retour au vote uninominal à deux tours.
* Retraité, Ben Arous.
Article du même auteur dans Kapitalis:
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