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Elections de 2019 : Les partis politiques sur la dernière ligne droite

Alors que les élections présidentielles et les législatives approchent à grands pas, les calculs pré-électoraux animent les calculs, les manœuvres, les micmacs et les postures trompeuses des dirigeants politiques. Mais c’est Ennahdha qui semble détenir les cartes maîtresses.

Par Salah El Gharbi *

À quelques mois des échéances électorales de 2019, on assiste à une sorte de frénésie qui s’empare du personnel politique. Paniqué, tout le monde s’agite dans tous les sens… On s’indigne, s’invective, on manœuvre, on multiple les déclarations et les postures… Alors que le clan du président de la république Béji Caïd Essebsi, se met désespérément à douter, Moncef Marzouki, revigoré à la faveur des sondages, s’accroche, Nejib Chebbi, l’intermittent, pointe le nez dans un dernier sursaut avant de décrocher définitivement, Mohamed et Samia Abbou, pour qui le fruit n’aurait jamais été aussi mûr, se mettent à rêver d’une petite place au soleil du pouvoir… Sans oublier les Mohsen Marzouk et Mehdi Jomaâ qui bombent le torse, sillonnant le pays en long et en large, mobilisant leurs troupes pour la date fatidique d’octobre prochain.

La sérénité des flegmatiques leaders d’Ennahdha

Alors que tous les partis, de Nidaa Tounes au Front populaire, s’activent fébrilement, conscients des enjeux des prochaines élections qui devraient permettre de redéfinir d’une manière durable un paysage politique un peu instable, côté Monplaisir, c’est la pleine zénitude.

Touchés par la baraka des sondages, qui les placent favoris, les dirigeants du parti islamiste Ennahdha ont du mal à dissimuler leur grande satisfaction. Ainsi, ni les campagnes orchestrées par le Comité de défense de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi, jetant la suspicion sur la présumée implication du mouvement islamiste et de sa supposée organisation secrète dans l’assassinat des deux militants du Front, ni les véhémentes incantations et ni les menaces des nostalgiques du RCD ne semblent parvenir à troubler la sérénité des flegmatiques leaders d’Ennahdha.

Désormais, la seule hantise des islamistes reste de garder le précieux avantage dans l’opinion et de chercher à l’amplifier. Leur seul cauchemar serait de se laisser distancer par Tahya Tounes ou, éventuellement par Nidaa Tounes, un schéma qui les mettrait à la merci de ces deux formations. Car, la place de dauphin leur serait fatale. Leur ambition serait plutôt de rafler la mise, de se mettre en position d’arbitre pour décider des alliances à faire en cas de victoire, comme en 2011.

Les Nahdhaouis font monter les enchères

Pour parvenir à garder leur avance, les islamistes foncent, le regard sur le rétroviseur où se profile l’ombre de Tahya Tounes qui commence à alarmer Ennahdha. D’où les manœuvres sournoises qui se multiplient, côté Monplaisir, visant à entraver la progression de la nouvelle formation politique de Youssef Chahed.

En fait, aussi bien les menaces intempestives visant à déstabiliser le chef du gouvernement que la main tendue à Nidaa ne seraient que des signes trahissant la volonté des Nahdhaouis d’affaiblir les deux «frères ennemis», tout en faisant monter les enchères.

Par ailleurs, tout en veillant à affaiblir ses potentiels rivaux, Ennahdha est à la manœuvre pour élargir sa base électorale qui a subi un coup dur lors des municipales de mai 2018. Faire une sorte de lifting politique, en renouvelant son discours, serait une urgence pour les amis de Ghannouchi. Et les dernières interventions de Lotfi Zitoun, l’«intellectuel du mouvement», dans les différents médias, prêchant l’ouverture doctrinaire possible de son parti, ne seraient qu’une démarche politique visant à donner une image plus lisse d’Ennahdha qui fasse oublier le fameux «appareil secret» et l’affiliation à la secte des Frères musulmans.

Chahed et Tahya Tounes stoïques et rêveurs

En somme, ce qui se profile aujourd’hui, ce serait l’ombre des élections de 2011 avec un parti islamiste triomphant secondé par Tahya Tounes et un Nidaa Tounes amoindri. La confirmation de ce scénario dépendrait de deux conditions : le succès ou non des scores des micro-partis et des listes des supposées «indépendantes», contribuant à disperser les voix, mais aussi de la réussite (ou de l’échec) de Tahya Tounes à fédérer la famille centriste et à mobiliser réellement les masses autour de son leader.

Pour l’instant, et même si Ennahdha, qui détient les cartes maîtresses du jeu, reste le favori, la réussite de la grande alliance qui se profile autour du chef de gouvernement pourrait changer la donne.

À la Kasbah, Youssef Chahed reste stoïque, sourd aux provocantes déclarations des leaders islamistes. Au même moment, Slim Azzabi et son équipe, esquivant les coups acérés du «clan du président», faisant mine d’ignorer les coups tordus de leurs partenaires islamistes au gouvernement, affichent une certaine sérénité face aux multiples provocations et s’activent à relever le défi et concrétiser leur projet politique, nourrissant de fortes ambitions, surtout celle de renouveler l’exploit de Nidaa en 2014.

* Universitaire et écrivain.

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