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Le tourisme moteur de croissance: les hôteliers tunisiens réévaluent les statistiques du secteur

Tout juste sorti de sa crise déclenchée par l’instabilité sécuritaire en Tunisie après la révolution de 2011 et accentuée par les attentats qui ont visé le pays dans les années suivantes, le tourisme est de nouveau l’un des principaux moteurs de l’économie tunisienne. Toutefois, tout n’est pas encore parfait pour ce secteur.

Par Cherif Ben Younès

C’est dans ce contexte que la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) a organisé hier, mardi 18 juin 2019, au siège de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), à Tunis, un workshop sur le thème : «Le tourisme moteur de croissance», pour d’un côté, présenter les résultats d’une étude sur la place du tourisme dans l’économie tunisienne, menée par le réseau international de cabinets d’audit et de conseil, Klynveld Peat Marwick Goerdeler (KPMG), et d’autre côté ouvrir le débat sur la réalité et les perspectives du secteur.

Le poids du tourisme dans le PIB national est réévalué à 13,8% en 2018
Safouane Ben Aissa, directeur des études chez KPMG, a expliqué, dans sa présentation de l’étude, qu’à ce jour, une grande partie des recettes touristiques n’est pas prise en compte dans la publication des chiffres relatifs au tourisme dans notre pays, à l’instar du tourisme local, du tourisme maghrébin, ou du transport aérien.


Safouane Ben Aissa.

Par ailleurs, les seuls chiffres dédiés au secteur dans la comptabilité nationale, indique-t-il, sont ceux relatifs aux hôtels, restaurants et cafés. D’autre part, seules les recettes en monnaie étrangère sont comptabilisées par l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), a-t-il ajouté.

L’objectif de l’étude est donc de définir, avec plus de précision, et en se basant sur les standards internationaux, la contribution réelle du secteur touristique à l’économie nationale, au plan de la contribution au PIB, de l’emploi et des entrées en devises.

Pour ce faire, KPMG a collecté les données éparpillées dans plusieurs administrations et les a traitées, avant de procéder aux recoupements et aux croisements qu’il faut, pour sortir plusieurs statistiques pertinentes relatives à l’année 2018.

Celles-ci concernent essentiellement le poids du tourisme dans le PIB national, qui a été évalué à 13,8% (14,2% attendus pour 2019), la part du secteur dans la population active occupée qui est de 11%, et le taux de couverture du déficit commercial par le tourisme qui est de 21%. D’un autre côté, selon les prévisions de cette étude, quelque 9 millions de touristes mettront le cap sur la Tunisie au cours de cette année.

Pour ce qui est de l’impact du tourisme sur l’emploi, la recherche indique que ce secteur a permis, en 2018, la création de 389.000 emplois directs et indirects, dont 98.000 emplois permanents.

M. Ben Aissa a, par ailleurs, souligné qu’il serait judicieux de repenser un nouveau modèle d’affaires («Business Model»), basé sur un repositionnement stratégique et une nouvelle distribution, une meilleure accessibilité et une mise en valeur du patrimoine; redéfinir le traitement des marchés émetteurs en l’adaptant à la spécificité des attentes de leurs clients respectifs; promouvoir la diversification du produit touristique en développant de nouveaux segments et favoriser les déclinaisons d’identités régionales.

Youssef Chahed.

Le secteur a besoin d’innovation

Présent à cet événement, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a de son côté estimé que la crise du tourisme est, contrairement à ce que l’on pense, antérieure à l’année 2010, puisque de nombreux hôtels étaient en faillite depuis la décennie précédente, avouant, toutefois, que ce sont les attaques terroristes qui ont eu lieu en Tunisie après la révolution, notamment en 2015, qui ont considérablement enfoncé le clou.

Cependant, poursuit-il, grâce à la résistance et à la capacité d’adaptation des personnes travaillant dans le secteur, ainsi qu’aux efforts de l’État, du gouvernement et des forces de sécurité, le tourisme a pu se relever et représenter, de nouveau, un énorme potentiel économique. «Aujourd’hui, plus de 15% du budget de l’État est consacré aux ministères de la Défense et de l’Intérieur», a affirmé le chef du gouvernement, pour montrer que la sécurité, qui est fondamentale pour la réussite du tourisme, est devenue LA priorité en Tunisie.

Malgré cette progression, le tourisme souffre encore de problèmes, selon M. Chahed, et pour s’en sortir, le secteur a besoin de se renouveler : «Comme tous les autres secteurs, l’innovation lui est nécessaire». Le chef du gouvernement a ainsi relevé 3 axes de développement devant, d’après lui, booster ce domaine…

Le premier est la diversification du produit touristique. À titre d’exemple, le tourisme culturel peut être largement mieux exploité : «On a plus de 30.000 sites archéologiques en Tunisie, dont moins de 10% seulement sont exploités. On est en train de penser à des partenariats avec le privé pour tirer profit de ce gros potentiel culturel».

Le deuxième axe consiste en l’amélioration de la qualité de service, notamment celle des formations : «Nous avons besoin de faire des formations co-constrruites entre la fédération, le ministère du Tourisme et le gouvernement, afin d’adapter le niveau de formation en fonction de la demande».

Le troisième axe concerne l’infrastructure, la logistique et le transport. À cet effet, M. Chahed a notamment évoqué l’aéroport d’Enfidha qui a été «remis en piste», et la compagnie aérienne nationale Tunisair, qui a besoin selon lui de réformes structurelles.

Marouane El Abassi.

Youssef Chahed a, par ailleurs, parlé de la possibilité de réviser et de réadapter la loi du travail qui ne donne présentement pas la flexibilité nécessaire aux travailleurs du secteur touristique.

Le tourisme peut largement diminuer le taux de chômage en Tunisie
En marge de cet événement, René Trabelsi, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, a déclaré que le secteur du tourisme, et notamment les différents hôtels en Tunisie, manquent cruellement de mains d’œuvre qualifiée. C’est donc sur ce secteur qu’il faudra sérieusement compter, dans l’avenir, pour diminuer de façon considérable de taux de chômage dans le pays.

Marouane El Abassi, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a, quant à lui, parlé de la nécessité de la restructuration financière du secteur, condition incontournable pour une montée qualitative du produit et un redémarrage de l’investissement, compte tenu de la forte reprise et du fort potentiel de la destination. Il a par ailleurs annoncé la décision de la BCT d’imposer la signature et la facturation en monnaie étrangère des contrats avec les étrangers non résidents.

Les difficultés d’accès au pays, tant sur le plan aérien que maritime, ont également été évoquées en tant que frein au développement du secteur. Les exemples marocains et espagnols ont été cités, avec les meilleures pratiques («best practices») et les erreurs à éviter.

Ibrahim Osta, expert auprès de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), a, de son côté, présenté les standards internationaux en matière de statistiques touristiques. Ces standards, appelés «compte satellite du tourisme» (CST), sont recommandés depuis l’an 2000 et sont habituellement gérés par l’institution en charge des statistiques officielles, donc l’Institut national de la statistique (INS) en Tunisie. La FTH demande donc que le CST soit sous la direction de l’INS et qu’il soit régulièrement publié.

En conclusion, elle réitère, comme elle l’indique dans le communiqué associé au workshop, sa demande de bénéficier d’un CST fiable et régulier, de solutionner les problèmes d’accessibilité aérienne et maritime du pays, et de valider le plan de restructuration financière proposé depuis plusieurs mois dans son livre blanc.

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