La Fédération tunisienne de football (FTF) démarre le championnat de Tunisie le même weekend que les épreuves africaines et arabe. Résultat : une ouverture de la saison tronquée de 4 matches sur 7, lesquels sont renvoyés à… une date inconnue. Les saisons se succèdent et le football tunisien est confronté aux mêmes problèmes.
Par Hassen Mzoughi
Le petit derby de la capitale Club Africain-Stade Tunisien a été désigné au stade de Radès (en travaux d’entretien du gazon) puis transféré à celui d’El Menzah avec changement d’horaire. Encore la confusion, comme chaque saison, au milieu des contraintes connues d’avance des calendriers africain et arabe.
Passons sur la désignation du tour préliminaire retour entre l’Etoile sportive du Sahel et Hafia Conakry au stade Mustapha Ben Jannet de Monastir (le stade de Sousse fermé pour travaux), refusée par le gouverneur de Monastir pour manque de coordination puis confirmée après interventions.
Passons aussi sur l’indisponibilité du stade de Metlaoui depuis plus d’un an pour… travaux !
Les exemples de ces défaillances ne se comptent plus, parce que tout simplement la FTF et ses multiples commissions «spécialisées» n’ont pas le sens de l’anticipation et de l’organisation. Si l’on commence à mettre en question son propre calendrier, en reportant à une date inconnue la moitié du programme de la journée inaugurale, pourquoi s’étonner du reste. Pourtant ce n’est pas si difficile un calendrier tant qu’on a toutes les dates à disposition !
La règle du facultatif fait loi
Le 65e championnat de Tunisie démarre aujourd’hui samedi 24 août 2019 mais peut-on s’attendre à une nouvelle copie potable ?
Il suffit de se référer au calendrier «concocté» par la Ligue nationale de football professionnel (LNFP) et approuvé bien évidemment par le bureau exécutif fédéral, pour s’apercevoir tout de suite combien la règle du facultatif fait loi ! On ne fait pas l’effort pour en finir avec la mauvaise habitude, bien ancrée ces dernières années, consistant à établir le calendrier uniquement de la phase aller du championnat. La seconde partie du calendrier, c’est au hasard Balthazar.
On ne trouve ce genre de folklore dans aucun autre pays. Et qu’on arrête avec l’argument galvaudé pour justifier l’injustifiable, à savoir les «contraintes» des calendriers africains et arabes qui empêchent (dit-on) de mettre en œuvre un calendrier général complet de toute la saison. En fait la Confédération africaine de football (CAF) et l’Union arabe de football (UAF) sont désormais à jour, et la FTF en est avisée. Ainsi par exemple, le championnat passera rapidement à la vitesse supérieure à partir de la 6e journée avec CSS-EST (22-23 octobre), EST-ESS (7e journée; 1er-3 novembre), le derby EST-CA (9e journée, 22-24 novembre), ESS-CSS (10e journée ; 29 novembre-30 novembre), CA-CSS (12e journée ; 13-15 décembre) et ESS-CA (13e journée ; 27-29 décembre).
Le calendrier va chevaucher sur les épreuves africaines, alors que l’on pouvait décaler le championnat d’une ou de deux semaines pour éviter justement la concurrence. Avec un tel chevauchement, le calendrier ne sera jamais respecté et il y aura toujours des reports comme la saison dernière, qui ont nécessité un marathon unique de 10 mois de compétition pour boucler 26 journées de championnat et 4 tours de Coupe de Tunisie.
Un championnat pour quelle compétition ?
Les fréquents bouleversements dus à un calendrier fédéral à géométrie variable, sans cadence appropriée, avec à la fois une succession de creux et de marathons insupportables, des journées chevauchant les unes sur les autres, finissent par «vider» les clubs et handicaper notamment ceux engagés en coupes africaines.
Cette désorganisation ne permet jamais une préparation rationnelle ni sur le plan foncier ni encore celui technique. Elle n’encourage pas les clubs formateurs, elle freine l’éclosion de nouvelles valeurs qui ont besoin de constance, d’émulation et de motivation pour pouvoir emmagasiner du vécu. Elle perturbe les recettes déjà faibles.
Ainsi, la FTF ne rend pas service aux clubs en leur servant un semblant de calendrier, qui les empêche même d’opérer à moyen terme. L’équité, l’une des bases de la compétition sportive, est bafouée.
Cette grosse anomalie se répercute sur la qualité de la compétition et par ricochet sur la concurrence entre les clubs. Elle donne lieu à un championnat monotone, avec des «chocs» sans saveur et souvent émaillés d’incidents graves, suivis de sanctions et de huis clos.
À quoi sert un championnat sans spectacle, s’il ne produit pas des joueurs de qualité, des jeunes au fort potentiel pouvant exercer dans une compétition crédible ? À quoi sert un championnat s’il n’est pas le véritable vivier de la sélection avant de chercher des «renforts» ailleurs ? À quoi sert un championnat, s’il n’est pas un «produit» attirant et suivi avec intérêt et n’assure pas des recettes régulières ? Quelle est la valeur d’une compétition si 99% des enceintes sportives sont dans un état lamentable, si 4 ou 5 clubs de Ligue 1 ne disposent pas de stades ? Quel est son intérêt si la rivalité sportive, signe de bonne santé, s’estompe très vite et se limite, au meilleur des cas, à une lutte pour la seconde place, avec des écarts gonflés entre le 3e ou le 4e au classement et le leader du tableau, sélectionné au terme de la phase aller ?
L’Espérance continue de creuser l’écart
Le cas du champion sortant, l’Espérance sportive de Tunis (EST), encore et toujours l’équipe à battre et forte d’une stabilité et d’une constance supérieures au reste des concurrents directs : 3 titres à son actif lors des 3 derniers exercices, 8 championnats remportés sur les 11 dernières saisons. Le Club Africain, l’Etoile sportive du Sahel et le Club sportif sfaxien font exception avec un titre chacun depuis 2009.
L’EST est encore une fois l’équipe la plus sollicitée, avec un calendrier super chargé qui peut aller jusqu’à 60 matches : Championnat et Coupe de Tunisie, Ligue des champions, Coupe du monde des clubs, Coupe arabe et deux Super coupes d’Afrique et de Tunisie. Elle semble armée pour lutter avec ses «concurrents» et confirmer son ascendant local (20 matches d’affilée sans concéder le moindre revers la saison dernière) et continental (2 ligues de champions 2018 et 2019, et une édition 2019 sans aucune défaite).
Plusieurs clubs rêvent de jouer les premiers rôles. Mais généralement les signes d’un changement restent rares. Au vu de la préparation d’intersaison et les difficultés financières, le panorama laisse à désirer. Sauf les deux écuries les plus riches, l’EST et l’ESS, qui ont fait cavalier seul sur le mercato, mettant la barre très haut devant leurs adversaires. Par conséquent ce sera un duel EST-ESS, comme la saison dernière, même si le tenant, malgré plusieurs départs, reste le favori à sa propre succession.
Les Etoilés ont mis eux aussi le paquet pour essayer de mettre fin à l’hégémonie «sang et or». Ils ont engagé Faouzi Benzarti, un technicien réputé un grand meneur d’hommes, ont recruté dans tous les compartiments, avec toutefois un peu moins de qualité dans le secteur offensif.
Le CSS et le CA ont perdu du terrain, surtout les Clubistes qui sont occupés à régler leurs litiges avec la Fifa. Le CSS, lui, tente la meilleure transition possible. Sa victoire en Coupe de Tunisie devrait apporter une motivation supplémentaire à un groupe confié à un nouvel entraineur, le Monténégrin Nebodja Jovovic.
Tout compte fait, un championnat avec les mêmes problèmes, les mêmes attentes, la même routine et plus inquiétant, le manque de bons joueurs. Ce serait un miracle si le tableau change.
La vague algérienne
Les clubs de Ligue 1 ont bien puisé dans le vivier algérien. L’espérance en est le principal bénéficiaire avec l’arrivée de Bilal Bensaha, Abdelkader Badran, Abdel Raouf Ben Ghaith, et l’arrière gauche Elyes Chetti.
Le CSS a signé avec trois Algériens, le défenseur Mohamed Asefane de l’Olympique de Marseille, Abdul Karim Khashmar de l’Olympique de Marseille, ainsi que l’attaquant Mohamed Islam Bakir.
L’ESS a fait venir les Algériens Yannis Tafer et Slim Boukhenchouch, aux côtés de Karim Laribi, arrivé la saison dernière.
D’autres équipes se sont également rendues sur le marché algérien, dont l’Union sportive de Tataouine, qui s’est renforcée avec 4 Algériens : Moulay Abdelaziz Abdelkader, Haitham Gharib, Youssef El Eidoudi et Jilali Ben Channan qui ont signé pour trois saisons.
La vague algérienne offre une solution immédiate, mais à quoi sert de jouer avec 6 joueurs algériens (qui ne sont pas les meilleurs), sans compter les étrangers ? N’a-t-on pas pensé aux jeunes qui n’arrivent plus à obtenir une place même dans des clubs de bas du tableau ? Un championnat qui appuie la sélection, c’est un championnat où les clubs sont à l’aise et peuvent tenir leurs finances. C’est un championnat qui doit, à notre avis, «imposer» aux clubs un quota de jeunes formés dans la liste des joueurs qualifiés.
Beaucoup à faire si l’on veut soutenir le premier vivier de la sélection. Veut-on le faire ? la réalité montre le contraire.
Donnez votre avis