Accusée par la justice militaire algérienne d’«atteinte à l’autorité de l’armée» et «complot contre l’autorité de l’État», la dirigeante de gauche Louisa Hanoune retrouve la liberté après avoir purgé 9 mois de prison. Faisant face aux mêmes accusations, les généraux Tartag et Toufik, et Saïd Bouteflika restent en prison.
Par Hassen Zenati
La seule femme chef de parti en Algérie, Louisa Hanoune, 66 ans, secrétaire générale du Parti des Travailleurs (gauche), a quitté la prison hier, lundi 10 février 2020, après avoir purgé la peine de trois ans, dont 9 mois fermes, à laquelle elle a été condamnée en appel par le tribunal militaire de Blida. En première instance, elle avait été condamnée à 15 ans de prison fermes, en même temps que Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président déchu, et les généraux Mohammed Médiène, dit Taoufik, chef du service de renseignement pendant 25 ans, et son successeur Athmane Tartag, dit Bachir. Ils étaient tous poursuivis pour «atteinte à l’autorité de l’armée» et «complot contre l’autorité de l’État».
Un «complot» présumé et des coupables tout indiqué
Mais en appel, le procureur militaire n’avait pas cité Louisa Hanoune parmi les auteurs du «complot» présumé, qui visait, selon l’accusation, la destitution du chef d’état-major en exercice, le général Ahmed Gaïd Salah (terrassé depuis d’une crise cardiaque), et de faire appel au général Liamine Zeroual pour assurer un intérim à la tête de l’Etat, en qualité de Premier ministre avec des prérogatives étendues. Le général Zéroual, qui s’était retiré à Batna (est), sa ville natale, depuis sa démission soudaine en septembre 1998, avait rejeté l’offre.
Les avocats de Louisa Hanoune ont plaidé la relaxe de cette accusation. Ils ont expliqué que leur mandante était dans son rôle d’acteur politique reconnu de prendre contact avec des «décideurs» à la recherche d’une solution à la profonde crise ouverte par la décision du président Abdelaziz Bouteflika, gravement malade, de se présenter pour un cinquième mandat, qu’elle n’était pas au courant de la décision de faire appel au général Liamine Zeroual pour assurer un intérim, et qu’elle était, ainsi que son parti, en faveur d’une transition politique dirigée par des personnalités consensuelles à coopter, et l’élection d’une Assemblée constituante pour refonder la constitution présidentialiste en vigueur.
La gauche dénonce la «criminalisation de l’action politique»
Louisa Hanoune a finalement été condamnée pour «non-dénonciation de crime» à 3 ans de prison, dont 9 mois fermes, alors que le Procureur militaire avait réclamé l’aggravation de sa peine de première instance, en la portant de 15 à 20 ans de prison ferme. Placée sous mandat de dépôt en mai 2019, elle a ainsi pu quitter la prison après avoir accompli la peine réduite qui l’a frappée. Il lui reste cependant à purger son sursis et ne pourra pas de ce fait reprendre la direction de son parti, qui s’est mobilisé pour sa libération, en dénonçant la «criminalisation de l’action politique» par le tribunal militaire. «La place de Louisa Hanoune n’est pas en prison, mais parmi les militants», ont scandé de semaine en semaine ses partisans au sein du Hirak, à l’occasion de leurs marches hebdomadaires.
Le Tribunal miliaire a en même temps confirmé en appel la condamnation à 15 ans de prison ferme des généraux Tartag et Medienne, ainsi que celle de Saïd Bouteflika. Le Procureur miliaire s’est longuement employé à établir que l’accusation de «complot» était constituée. Les audiences se sont déroulées en l’absence du général Tartag qui a refusé de se présenter devant les juges. Selon les avocats, les trois condamnés n’excluent pas un pourvoi en cassation.
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