La Tunisie doit-elle ouvrir totalement ses frontières à partir du 27 juin courant, en emboîtant le pas à ses voisins du nord de la Méditerranée, dont la gestion de la pandémie du Covid-19 a été plutôt calamiteuse, ou doit-elle suivre l’exemple des pays asiatiques, beaucoup plus prudents ? Le débat est ouvert…
Par Dr Alaeddine Sahnoun*
La Tunisie démocratique et transparente s’est classée, grâce à ses compétences, parmi les rares pays ayant presque vaincu l’épidémie de coronavirus et où les cas enregistrés actuellement sont importés et testés chez des personnes soumises à l’isolement obligatoire, lequel isolement, entre autres mesures, a été à l’origine du succès de la stratégie tunisienne.
La situation sanitaire de notre pays n’a pas de semblable dans le bassin méditerranéen, car les pays voisins n’ont réussi qu’à freiner l’épidémie et sont obligés de vivre encore avec le virus. C’est pour cette raison que la Tunisie n’a aucun intérêt à suivre leurs stratégies même si on les classe parmi les pays «développés».
On doit regarder du côté des pays du sud-est asiatique
Pour trouver des pays semblables à la Tunisie, il faut regarder du côté du sud-est asiatique, là où les dragons émergents ont pu maîtriser le virus et l’éradiquer de leurs territoires. Ces pays n’envisagent ni la reprise du tourisme ni la levée de la quarantaine obligatoire pour sitôt. Ils attendent qu’on trouve un vaccin ou un traitement efficace à la Covid-19.
Ainsi Taïwan a incité ces chômeurs des secteurs industriel et des services à se reconvertir, même pour une durée de 6 mois, en fermiers, livreurs, enseignants de langues… et ce pour ne pas avoir à ouvrir ses frontières de façon précipitée et risquer ainsi de réintroduire le virus dans le pays. On suit la même stratégie à Singapour, au Vietnam et en Corée du Sud.
Au pays des jasmin, le succès réalisé dans la lutte contre cette maladie nous a mis dans une situation embarrassante: une situation sanitaire locale stable qui permet la levée de toute restriction à la reprise d’une vie normale d’une part et d’autre part, un modèle économique vétuste qui se base sur les échanges extérieurs et le tourisme de masse, ou «bas de gamme» et ce modèle éculé résiste aux changements malgré les enseignements de la pandémie du Covid-19.
Le bras-de-fer entre le monde médical et celui des affaires
Ainsi lors de la réunion tenue lundi 1er juin 2020 avec le chef du gouvernement, les membres du Comité scientifique en charge de la pandémie du Covid-19 ont proposé une sortie à la manière asiatique qui a fait ses preuves : un confinement obligatoire de 7 jours avec deux analyses l’une avant l’arrivée sur le territoire national et l’autre après les 7 jours de confinement, et ceci pour toute personne souhaitant entrer en Tunisie après le 27 juin quelle que soit sa nationalité.
Or le communiqué de la présidence du gouvernement publié à l’issue de la réunion est resté vague, car il annonce seulement la date de l’ouverture des frontières et ne s’attarde pas sur les modalités. C’est, en toute vraisemblance, pour gagner du temps, jauger la réaction des Tunisiens et lancer un débat à ce sujet, vu qu’il y a une grande pression des lobbys économiques et un bras-de-fer se joue aujourd’hui entre le monde médical et celui des affaires, dont l’issue sera connue lors de la conférence de presse du chef du gouvernement de ce mercredi 3 juin.
Pourvu qu’on emprunte le chemin des dragons de l’Asie et non celui des coqs du nord de la Méditerranée.
* Médecin et syndicaliste.
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