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Le poème du dimanche : «Promenade du soldat inconnu» de Moncef Mezghani

Né en 1954 à Sfax, en Tunisie, le poète Moncef Mezghani a été enseignant dans le primaire puis a rejoint l’administration publique jusqu’à sa nomination à la tête de la Maison de la poésie, en 1995. Sa poésie, très présente dans le paysage littéraire, est portée par une langue où se mêlent langue arabe littérale et dialectal tunisien, calembours et jeux de mots, critique et ironie sociale, se veut à dimension politique, avec des références nationales, créant des situations quasi-surréalistes, où l’humour est provocateur et ne manque pas de sel.

Mezghani participe aux courants modernistes de la poésie arabe, ainsi qu’à l’art déclamatoire, cherchant une musicalité à l’écoute, nécessaire à la transmission de la poésie écrite… Son œuvre est couronnée de distinctions.

Il a publié des recueils de poésie (en arabe) parmi lesquels: Grappes de la joie creuse, 1981; Ayyach (Le survivant), 1982; L’arc des vents, 1989 ; Handhala al-’Ali, 1989; Grains, 1992; Mahabbâts (amours), 2003; Ici la Tunisie, 2012; Sentiments et autres poèmes, 2017.

Tahar Bekri

1

Une lune a ensoleillé le casque d’un soldat

Des places d’ombre ont glissé sur sa poitrine

Un vent traversa sa statue

Des araignées ont couvert ses paupières

Un automne a réveillé l’invasion de l’escargot

sur son pantalon

«Un été… passa

Et un froid… passa»

La guerre -aussi- est passée

Mais le peuple est étrange cette nuit

La nuit : tirs de balles

Comme le nez les désirait odeur de victoire

Et la nuit est lourde de fête

Peut-être cette nuit quelque chose… se produirait

2

L’aiguille par-dessus l’aiguille est haute

L’heure sur la place indique la lune qui apparaît

La jambe par-dessus la jambe montre les boites de nuit bondées

Sur la Place de la libération jusqu’à ce qu’il soit las

La statue est lasse des boites de nuit en face

Cette nuit est commémorative

Quand paraît-elle?

«Pourquoi ne vois-je pas le spectacle»

Il décida de sortir

De sa statue

Pour rendre visite à ses enfants

«Nul doute le temps a changé»

«Et le peuple est généreux après la guerre»

3

Il arrêta quelques voitures

Et les voitures coulent des bars

«Est-ce que ma guerre est passée en paix»

«De l’arrière était la fumée des voitures

(Ce qui est à l’inverse des chars)»

Il arrêta au marchandage d’autres voitures

(Sans espoir)

Sur le point d’être las

Une roue a failli rendre ses enfants orphelins

«Le peuple semble vil après la guerre»

La voiture de son général apparut en trombe

Il se mit à saluer les voitures

Et chanter :

«Que vienne ma guerre ordre

Et sa salutation ivresse»

Jusqu’à ce que

Le verre du désespoir déborde

A l’arrêt de l’une des voitures

«Bonjour»,

En secret il dit

«Il y a du bien dans le monde»

«Le peuple est beau en effet»

«Salut» dit-il

Mais la voiture répondit :

Enfin.

« Te voilà

«Où étais-tu

«A cause de toi j’ai passé la nuit à patrouiller

«Est-ce qu’un soldat fuit sa statue?!!»

«De toute façon

Comment va

Et…»

Ne demande pas à un soldat comment il va…

La lune s’en est allée vers la mer

L’aiguille

Près de l’aiguille est en relâche

L’heure sur la place indique le soldat inconnu

Dans l’une des voitures connues…

On l’emmenait vers sa statue

Pour exécuter un calendrier de ses tâches:

«Au matin une activité fiévreuse

Un peuple viendra sur une voiture cette fois-ci

Afin de tirer la leçon et s’instruire de sa statue»

Habbât (Grains), Dar al-Adâb, 1992. Trad. de l’arabe par Tahar Bekri

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