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Tunisie : A propos des démolitions de constructions anarchiques à Sousse

Monsieur René Trabelsi, vous avez perdu l’occasion de vous taire… Vous avez pris, sans discernement, fait et cause, ce matin 8 avril 02022, sur une radio privée tunisienne (par téléphone, à partir de l’étranger), pour les hôteliers dont des constructions illégales sur le littoral de Sousse ont été démolis, le plus légalement du monde, par les autorités.

Par Samir Gharbi

En tant qu’ancien ministre tunisien du Tourisme, en tant qu’homme d’affaires opérant toujours dans le secteur, vous n’aviez pas à vous solidariser avec les gros bonnets du tourisme local. Et surtout à ne pas travestir les faits.

Je vous ai entendu dire que les «constructions» datent d’avant la loi sur la protection du littoral tunisien (1995). Ce n’est pas vrai. Depuis la funeste «prise du pouvoir par les islamo-libéraux-gauchistes» (2011), le pays est parti à la dérive, notamment pour les constructions anarchiques sur le littoral, les trottoirs et ailleurs. Les autorités ont été bien incapables d’empêcher ces abus et même d’en punir les auteurs. Les gros bonnets étaient au-dessus de la loi.

Sur les plages de Sousse, que je connais bien et sur lesquelles des démolitions ont enfin pu être opérées, les «hôteliers», toujours avides de place et d’argent, ont accaparé partiellement et parfois totalement la plage. Dans certains lieux, les baigneurs et les promeneurs n’avaient plus le droit de passer ou de mettre les pieds sur ses «plages» privatisées…

Autre mensonge, M. Trabelsi, les pelleteuses ne sont pas intervenues sans respecter les procédures légales en la matière… Des avis préalables ont bien été délivrés. Des demandes d’autodémolition réclamées. Mais les gros bonnets n’en avaient cure. Ils se croyaient éternellement au-dessus de la loi.

Donc, M. Trabelsi, on vous a induit en erreur : 1. Les bâtis illégaux ont été construits bien après 1995; 2. Les avis de démolition sont précédés par des courriers préalables… 3. Le secteur touristique n’est pas sacré. 4. Cette pratique de démolition des bâtis illégaux ne peut faire l’objet de compromis – genre une «location» longue durée (30 ans, vous dites), ni de compromission… Le secteur touristique doit, comme tous, respecter la loi.

Enfin, rappelons à M. Trabelsi, qu’en France, où il réside, sur le littoral, l’Etat, à travers les autorités locales, fait détruire systématiquement les bâtis anarchiques, commerces et restaurants. Qu’il ose désavouer ce qui se déroule sur les côtes françaises… sans craindre le ridicule !

P-S : Les gros bonnets du tourisme tunisien se sont largement «sucrés» sur les terrains que l’Etat leur avait cédés au dinar symbolique dans les années soixante au prix d’expropriations injustes et douloureuses. Ce qui avait été fait a été fait. Mais depuis quelques années, les «terrains touristiques» ont été démembrés par les gros bonnets qui ont gardé le côté «plage» et ont transformé le côté «route» en exploitations commerciales et immobilières. Dans les années 60, les terrains octroyés étaient démesurément immenses. Leur démembrement aurait dû se faire selon la valeur actualisée. L’Etat et les municipalités auraient gagné en ressources fiscales et on aurait même pu envisager de rétrocéder une partie de la plus-value aux ex-propriétaires terriens spoliés. Or, l’opération de découpage s’est faite au seul profit des gros bonnets. Pour voir l’ampleur de cette grosse injustice, il n’y a qu’à parcourir, par exemple, la route touristique de Sousse. Sur tout le côté «route», des complexes hôteliers a été rebâti en commerces… Des parcelles, sortie du complexe hôtelier, ont mêmes été délimitées en attendant transformation… Etat, où es-tu ?

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