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Tunisie : Kaïs Saïed et la stratégie du train direct

En présidant, samedi 9 avril 2022, le conseil hebdomadaire du gouvernement, le président de la république Kaïs Saïed a confirmé, une nouvelle fois, sa détermination à aller jusqu’au bout de son projet politique personnel, fondé sur une conception autoritaire de la démocratie directe, où il se réserve le rôle prépondérant d’un hyper-président entouré d’une d’une poignée de comparses et qui n’écoute que lui-même.

Par Imed Bahri

La réunion, qui a été consacrée à la discussion de 4 projets de décrets-lois et 7 décrets présidentiels, a coïncidé avec la commémoration du 84e anniversaire de la Journée des Martyrs, «qui avaient sacrifié leur vie pour la mise en place d’un parlement national», a déclaré le président de la république dans une vidéo diffusée par la présidence.

«Un parlement qui répond à la volonté du peuple et non un parlement qui enregistre des échanges d’injures», a-t-il ajouté, dans une limpide allusion à l’assemblée dont il a gelé les travaux, le 25 juillet dernier, avant de décider, il y a quelques jours, de la dissoudre, suite à la tenue d’une réunion à distance à l’initiative de son président déchu, le chef islamiste Rached Ghannouchi.

Vers l’exclusion de certains partis politiques

Tout en affirmant sa détermination à réaliser «les revendications des martyrs de 1938 et celles des martyrs et des blessés de la révolution du 17 décembre 2010», Saïed a ajouté : «L’histoire de la Tunisie est riche en idées clairvoyantes et celle d’un parlement a été soutenue par des nationalistes libres». Et de souligner que le prochain parlement, qui sera issu des législatives anticipées du 17 décembre prochain, «exprimera la volonté des Tunisiens avec la crédibilité requise», laissant entendre que celui qu’il vient de dissoudre n’avait ni la crédibilité ni la légitimité nécessaires, étant donné qu’il est le résultat d’un mode de scrutin qui fait la part belle aux partis et n’assure pas, selon lui, une représentativité réellement populaire.

«Les prochaines élections se tiendront conformément à un nouveau mode de scrutin qui s’inspirera des résultats de la consultation nationale», a ajouté le chef de l’Etat, qui semble déterminé à imposer sa propre vision des réformes politiques à mettre en œuvre, et qui se fondent sur l’exclusion de certains partis politiques, les plus importants du pays, notamment le Parti destourien libre (PDL) et le parti islamiste Ennahdha, qui sont clairement dans son collimateur depuis l’annonce des mesures exceptionnelles, le 25 juillet dernier.

La stratégie du train direct que rien n’arrête

En ce qui concerne le dialogue national, le président de la république a souligné qu’il se poursuivra durant les prochains jours mais qu’il ne se tiendra qu’avec ceux qu’il qualifie d’«honnêtes et patriotes», se réservant, au passage, le droit exclusif de décider qui l’est et qui ne l’est pas.

Le dialogue national, on l’imagine bien, se transformera bientôt en un simple monologue de Kaïs Saïed, puisque ce dernier ne semble disposé à discuter qu’avec ceux qui sont d’accord avec lui. C’est ce qu’on peut appeler la stratégie du train direct que rien n’arrête, chère aux autocrates et qui ne semble pas déranger outre mesure les nombreux partisans du président de la république.

Ainsi va la «démocrature» tunisienne, dans sa version saïedienne, idéaliste, messianique et populiste.

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