Le poème du dimanche : «Eté» de Edouard Glissant


Né en 1928, en Martinique, Edouard Glissant est, certainement, l’un des écrivains antillais les plus influents, qui marque la littérature contemporaine par l’apport de concepts nouveaux, comme le Tout-monde ou la Créolisation du monde, inventant les espaces, entremêlant les cultures, dans une fraternité universelle.

Poète, romancier, philosophe, théoricien, intellectuel engagé, son œuvre est porteuse d’une écriture exigeante de la modernité, enracinée et ouverte, rappelant la mobilité des Antilles, ses racines caribéennes, son Histoire lointaine, par rapport aux origines africaines. Elle a fait l’objet de nombreux colloques internationaux, hommages et autres célébrations.

Il décède en 2011, en laissant de nombreux essais, romans et recueils.

« Poèmes complets : Le Sang rivé; Un champ d’îles; La terre inquiète; Les Indes; Le Sel noir; Boises; Pays rêvé, pays réel« ; Gallimard, 1994.

Tahar Bekri

Ce n’était pas une paume ouverte avec ses lignes,
La plaine offerte à qui voudrait la prendre.
Nous, nous ne pouvions pas accepter la gageure
D’enfermer dans nos mains le peu d’air qui passait
Sur la roche avancée,
Et d’aller pour l’offrir, craintifs, à pas légers,
Aux oiseaux diurnes des sous-bois,
Aux trous d’eau au fond des grottes.
L’alouette oubliée dans les livres d’école
A fait famille ici pour siffler par dizaines,
Pour monter sur la lande et les chaumes brûlants
Et c’est profit pour nous, pour tes yeux, pour ta joie.
Autrefois quand l’automne Etait sève pesante et comme un corps coupé
Dont le sang lentement partait par les sous-bois,
Quand les corbeaux criaient sur les terres labourées,
Pressentant une fête à l’horizon,
Oh ! Je t’ai appelée, suscitée dans les airs.
Et la fête est venue
Plus tard et de très loin
Avec ton corps.
A qui dira-t-il
Comme il aime le lierre,
Qu’il en cherche au bois
Une grande épaisseur
Pour hiverner.

« Poèmes complets« , Gallimard, 1994.

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