Tunisie : pour que la crise n’accable pas davantage les classes moyennes  

Dans la crise économique sévissant actuellement en Tunisie, non seulement la minorité aisée continue de capter une part croissante de la richesse nationale, mais ce sont les classes moyennes qui se trouvent condamnées par ce système inégalitaire à subir les conséquences de la crise économique mondiale. Cette situation explosive nécessite des réajustements urgents.

Par Amine Ben Gamra *

Nous traversons indéniablement en Tunisie une période inattendue: une économie marquée par une pandémie sans précédent et des tensions géopolitiques nées notamment par la crise de l’énergie provoquée par la guerre en Ukraine. Une crise venant s’ajouter à une autre, ravageant des vies humaines, ralentissant la croissance et poussant l’inflation à la hausse.

En fait, la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie pèse lourdement sur le budget des ménages dans le monde entier. Le durcissement des conditions financières accentue les pressions sur les pays, les entreprises et les familles très endettés.

Réduction de la masse salariale dans un contexte d’inflation galopante

Dans cette situation, la Tunisie se trouve devant un dilemme inattendu: la réduction du volume de la masse salariale est la pierre angulaire dans ses négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), qui considère cette masse salariale parmi les plus élevées au monde par rapport au produit intérieur brut du pays et espère la voir réduite pour permettre le rétablissement de l’équilibre des finances publiques.

Dans le secteur privé et avec des entreprises dirigées dans l’intérêt exclusif des actionnaires, le problème se présente autrement. Le système libéral en place conduit à toujours plus de profits aux actionnaires, au détriment des salariés, et à des risques de plus en plus supportés par les travailleurs, mais sans la rémunération qui va avec. Ces risques sont l’inflation galopante, la hausse des prix, la baisse du pouvoir d’achat, le chômage, etc.

Résultat des courses : on est en train d’assister à l’avènement d’une génération de salariés pauvres qui ne pourront plus acheter une voiture personnelle ni, à plus forte raison, une maison. Cette classe moyenne paupérisée n’aura jamais les moyens de s’assurer contre les risques de l’existence. Elle ne fera que survivre au jour le jour, sans espoir et sans perspective. Et c’est dramatique.

Pour une meilleure distribution des fruits de la croissance

Le pire dans tout cela, c’est que l’économie continue d’être dominée, avec la complicité active de l’Etat, par un réseau serré de familles influentes dont le pouvoir économique s’étend des villes de la côte relativement prospères à l’arrière-pays pauvre et déshérité. Si l’on y ajoute la croissance rapide du secteur informel, qui ne paie pas d’impôts et ne participe donc pas à l’effort national en termes de financement des services publics (éducation, santé, transport…), le résultat est sans surprise : la classe moyenne continue de se rétrécir comme peau de chagrin laissant peu à peu la place à une classe pauvre de plus en plus importante et qui ne fait que survivre !

Non seulement la minorité aisée continue de capter une part croissante de la richesse créée, mais ce sont les classes moyennes qui sont condamnées par ce système inégalitaire à subir de plein fouet la détérioration de la situation économique dans le pays et dans le monde.

Inutile d’ajouter en conclusion que des réajustements doivent être mis en œuvre en urgence non pas vers plus de libéralisme effréné, comme le préconisent les réformes prévues par le gouvernement dans le cadre de ses négociations avec le FMI, mais vers une meilleure distribution des fruits de la croissance, surtout quand celle-ci est faible, comme c’est le cas aujourd’hui.   

* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.

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