Souvent réduits dans l’imaginaire collectif au rond de cuir absentéiste et borné qui rechigne à servir les citoyens, la majorité des cadres de l’Administration tunisienne travaillent au-delà de leur horaire officiel, aussi bien dans leur bureau que lorsqu’ils rentrent chez eux et sont sollicités 24h/24h par téléphone ou par courrier électronique pour répondre à leur hiérarchie.
Par Sémia Zouari *
En Tunisie, les fonctionnaires de l’Etat ont toujours eu bon dos surtout lorsqu’il s’agit de cadres supérieurs.
C’est si facile de leur trouver des poux dans la tête, de les salir par des inspections à charge, de pinailler sur des questions administratives procédurales sournoisement épinglées comme des malversations par des inspecteurs félons, désireux de complaire à une hiérarchie persécutrice. Si facile de porter contre eux des dénonciations calomnieuses via de faux lanceurs d’alerte qui sont souvent, eux, les véritables corrompus et qui, craignant de voir dénoncer leurs propres turpitudes, s’empressent de devancer ceux qui pourraient les mettre à jour.
La lâche tentation de la fausse accusation
Mais quand on veut la tête d’un serviteur de l’Etat, tous les moyens sont bons. C’est si tentant de céder à la lâcheté de la fausse accusation.
En toute période de crise, «le système doit trouver» des victimes expiatoires à jeter en pâture à la vindicte populaire, un procédé banal de pseudos purges de salubrité publique, doublement «productif», aussi bien pour briser les carrières des concurrents, que pour neutraliser des esprits et des voix libres, des contestataires qui osent manifester leur désaccord et critiquer l’ordre établi.
Et en attendant que justice soit rendue (s’il y a une justice intègre et indépendante, fondement d’un État de droit) les véritables victimes ce sont ces cadres supérieurs et hauts fonctionnaires traînés dans la boue sur la place publique, muselés par leur obligation de réserve et la nécessité de respecter le secret de l’instruction.
Ils porteront, le restant de leur vie, le regret d’avoir choisi ou subi une carrière dans la fonction publique où, c’est bien connu, «un homme d’honneur ne peut pas réussir dans l’Administration», comme le disait Denis Tillinac, l’écrivain français et ancien représentant personnel du président Jacques Chirac auprès de l’Organisation de la Francophonie.
Devant la tentation totalitaire de se livrer à de tels massacres dans l’Administration, il faudrait raison garder et réfléchir à deux fois avant de lâcher les chiens sur l’honneur des fonctionnaires, stigmatisés régulièrement sur la place publique comme s’ils étaient des parasites profiteurs et opportunistes dans un amalgame dévastateur avec les emplois fictifs des milliers de recrues postrévolutionnaires, aux faux diplômes et aux parcours de victimisation suspects.
Ces voitures de fonction, parlons-en !
Et toute cette stigmatisation pourquoi ? Pour des salaires moins que convenables, quelques bons d’essence-compléments de salaire et des voitures de fonction souvent vétustes et délabrées, dont les chiffres sont régulièrement surestimés puisqu’ils comptabilisent même les véhicules immobilisés sous forme d’épaves.
Hormis quelques ministères réputés utiliser un grand nombre de voitures pour la couverture de leurs activités régionales, la plupart des ministères ne sont pas dotés d’un parc automobile important, à telle enseigne que nos partenaires étrangers nous proposent souvent des dons en véhicules pour palier des carences criantes et nous aider à assurer une représentation correcte et les moyens logistiques de supervision de projets de coopération.
Et pour finir, n’oublions pas qu’en économie, la valeur ajoutée de l’Administration c’est le salaire des fonctionnaires. Son injection régulière dans les circuits économiques est un facteur de dynamisation de la consommation, de l’épargne, de stimulation de la production et des échanges commerciaux. Alors cessons de stigmatiser les fonctionnaires de l’Etat, réduits dans l’imaginaire collectif au rond de cuir absentéiste et borné qui rechigne à servir les citoyens.
Heureusement que dans l’Administration tunisienne, la majorité des cadres travaillent au-delà de leur horaire officiel, aussi bien dans leur bureau que lorsqu’ils rentrent chez eux et sont sollicités 24h/24h par téléphone ou par courrier électronique pour répondre à leur hiérarchie.
A bon entendeur….
* Diplomate.
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