Tunisie – Guerre des boulangers : l’Etat choisit son camp  

Le ministère du Commerce et du Développement des exportations a annoncé, jeudi 3 juin 2023, la décision d’interrompre l’approvisionnement en farine et semoule des boulangeries dites «non classées». (Illustration: le pain à 200 millimes, une porte ouverte au gaspi).

Cette décision intervient suite à l’annonce faite par le Groupement professionnel des boulangeries modernes relevant de la Confédération nationale des entreprises de Tunisie (Conect) de suspendre, à partir du 1er août 2023, la fabrication du pain, dans toutes les régions de la république, explique le ministère dans un communiqué. Et de souligner que la décision d’arrêter l’approvisionnement de ces boulangeries est conforme aux dispositions légales en vigueur et s’inscrit dans le cadre de ses prérogatives visant à réguler le marché.

Le ministère a ajouté que cette mesure sera appliquée à toutes les boulangeries qui ont recours aux produits subventionnés, sans exception, faisant observer qu’«il est question de préserver les produits subventionnés contre toute tentative de détournement».

Ce que le ministère ne dit pas dans son communiqué, c’est que le détournement qui permet aux spéculateurs de faire des plus-values en un tour de main et sans grand effort, ce sont les boulangeries dites «classés» qui s’en rendent coupables. Ce sont  elles qui ont le privilège de bénéficier de la farine subventionnée et qui, mieux encore, sont protégées par l’Etat et mis à l’abri de la concurrence.

Et dire que le président de la république affirme vouloir lutter contre la spéculation, la corruption, les groupes d’intérêts, les cartels et les rentes de situation ! N’est-ce pas là l’exemple même de parti-pris de l’Etat en faveur d’un cartel qui ne dit pas son nom, celui des boulangeries classées ? Et d’entorse aux règles de la liberté d’entreprise et de la concurrence saine, qui condamne des centaines de boulangeries «non classées» à la fermeture et des centaines sinon des milliers d’employés au chômage?

En réalité, l’Etat s’entête à ne pas faire face au véritable problème, qui est le système même des subventions mis en place depuis les années 1970 dans des conditions économiques désormais révolues, et qui ne cesse de creuser les déficits publics et de créer des dysfonctionnements en série dans une économie à bout de souffle et qui ne crée plus la richesse. Par une telle décision, l’Etat ne règle pas les problèmes, il les aggrave et en reporte la solution aux calendes grecques. Qui plus est, pour de vains calculs électoralistes…

I. B.

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