Fatima Sissani, figure incontournable du cinéma documentaire en Méditerranée

Le 19ᵉ édition du festival Films Femmes Méditerranée (FFM), qui se tient du 29 novembre au 6 décembre 2024 à Marseille, a consacré un focus à Fatima Sissani, réalisatrice et journaliste franco-algérienne, une figure incontournable du cinéma documentaire. Trois de ses films ont été projetés au Cinéma Variété, offrant au public un regard engagé sur des thèmes universels comme la mémoire, l’identité et la résistance.

Djamal Guettala

La première projection, ‘‘Les Gracieuses’’ (2014), suit un groupe de jeunes femmes issues de la banlieue parisienne : Myriam, Sihem, Khadija, Kenza, Rokia et Leïla. Entre 21 et 28 ans, elles revendiquent leur indépendance et leur droit à la singularité dans un environnement souvent stigmatisé. À travers leurs discussions sur des sujets variés – religion, sexualité, politique – Sissani dresse un portrait sincère et nuancé de la banlieue. Ce film dévoile des femmes modernes qui naviguent entre tradition et émancipation, brisant les stéréotypes et redéfinissant leur identité dans une société qui les a souvent marginalisées.

Le deuxième film, ‘‘La Langue de Zahra’’ (2011), aborde la transmission de la langue et de la culture kabyles à travers l’histoire de Zahra, une femme profondément attachée à sa langue maternelle. Sissani capte l’essence de cette oralité ancestrale, porteuse d’une richesse poétique et symbolique.

La langue kabyle, loin d’être un simple outil de communication, devient un vecteur de mémoire et de résistance, surtout dans le contexte de l’immigration où elle est souvent négligée. À travers sa propre mère, la réalisatrice montre comment cette langue, héritée de générations passées, est un dernier rempart face à l’exil et un moyen de préserver l’identité dans un ailleurs souvent hostile.

Enfin, ‘‘Résistantes – Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans’’ (2017) propose le regard croisé de trois femmes engagées aux côtés du FLN dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie : Eveline, Zoulikha et Alice. Ces trois résistantes, qui ont connu la clandestinité, la prison, la torture et même l’hôpital psychiatrique, choisissent de témoigner au crépuscule de leur vie, après des décennies de silence. Avec clarté et pudeur, elles racontent l’Algérie coloniale, marquée par la ségrégation, le racisme et l’antisémitisme, mais aussi par la solidarité, la lutte pour la liberté et l’espoir. Elles évoquent les violences qu’elles ont subies, mais aussi les instants de réconfort apportés par la nature, les paysages apaisants, la musique et la poésie, qui leur ont permis de s’évader, même dans les moments les plus sombres. Ce film offre une place importante à des voix longtemps ignorées, en mettant en lumière l’engagement des femmes dans la guerre d’indépendance algérienne.

À travers ces trois films, Fatima Sissani démontre son talent pour capturer des récits intimes tout en abordant des enjeux collectifs universels. Ce focus au festival confirme sa place parmi les réalisatrices les plus engagées de sa génération, donnant une voix aux invisibles et explorant des thématiques profondément humaines.

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