Génocide à Gaza │La complicité active de l’Occident

«L’Occident a épuisé son capital moral», affirmait Emmanuel Todd. À l’heure où Gaza gît sous les décombres, soumis aux incessants bombardement d’Israël, surarmé par ce même Occident, cette phrase prend une résonance tragique. Plus de dix-neuf mois de guerre, plus de 160 000 morts et blessés côté palestinien, des hôpitaux bombardés, des enfants mutilés, des familles décimées — et toujours pas l’ombre d’une sanction, d’un embargo, d’une action salvatrice. Rien. Le silence. L’Occident a tombé le masque. Définitivement.

Khémaïs Gharbi

Le silence : cette complicité passive (et parfois même active, par les livraisons d’armes à l’agresseur israélien), cette abdication morale, cette reddition devant l’arbitraire. Où sont passés les grands discours ? Où est cette fameuse «communauté internationale», prompte à condamner, à exclure, à diaboliser quand cela sert ses intérêts ?

Témoin des grandes joutes oratoires, combien de fois ai-je entendu les dirigeants occidentaux affirmer, d’un ton ferme : «Le droit international est sacré ! La démocratie est sacrée». Ces mots frappaient mes tympans, vibraient dans mon casque d’interprète. Ils semblaient porteurs d’une vérité universelle.

Mais aujourd’hui, ces mots me blessent. Ils sonnent faux. Creux. Hypocrites.

Des mots qui sonnent faux

Car le droit international, ce prétendu rempart de la civilisation, est devenu un chiffon que l’on piétine à volonté. Il est brandi pour punir les faibles, jamais pour rappeler à l’ordre les puissants ou leurs alliés. Gaza en est la preuve accablante.

Ce n’est pas une guerre. C’est une extermination à huis clos. Un génocide sous caméras, mais sans écho. Une tragédie suivie en direct et tolérée en silence.

Et pourtant, l’Occident continue de bomber le torse, de se faire donneur de leçons, d’exiger de nos dirigeants une démocratie exemplaire, des institutions «transparentes», une liberté de presse «comme chez eux» (copier-coller) — alors que leur propre presse est muselée par l’argent, leur parole verrouillée par la peur de déplaire aux lobbies. Leur démocratie invisible. Qu’ont-ils à nous apprendre? Leur indignation est sélective, leur morale à géométrie variable.

Une morale à géométrie variable

Nous avons longtemps cru qu’il nous manquait quelque chose : la rigueur, la modernité, un peu de démocratie, la maturité politique. Mais nous réalisons aujourd’hui que l’arène internationale n’est pas un lieu de justice, mais de rapports de force. Ce n’est pas notre «retard» qui nous écrase, mais leur cynisme, leur hypocrisie.

Il faut cesser de se culpabiliser. Nos peuples, nos dirigeants, malgré leurs erreurs, ont agi souvent avec courage. Ce ne sont pas des «échecs civilisationnels»; ce sont des résistances asphyxiées, des volontés brisées par un ordre mondial profondément injuste.

Alors, cessons de nous quereller entre nous. Cessons de nous flageller par des critiques sans fin. Ne cherchons plus dans nos origines des raisons de nous diviser : Berbères, Arabes, Africains, Méditerranéens… Encore moins dans nos sensibilités politiques ou philosophiques : gauche, droite, centre, extrêmes, modernistes, opportunistes… Nous sommes tous tunisiens, un seul peuple, aux racines diverses mais au destin commun. Nous soutenons nos dirigeants et ne les saboterons jamais. Nous nous exprimerons à leur égard uniquement dans l’isoloir des bureaux de vote. Dans les intervalles nos critiques seront toujours mesurées et constructives.

Il est temps de redresser la tête, d’unir nos forces, de bâtir une parole souveraine et indépendante. Il est temps d’agir, de penser, de créer hors du regard de ceux qui nous méprisent.

La dignité ne se négocie pas

Ne demandons plus de reconnaissance à ceux qui nous ignorent. Cessons de quémander des droits que nous devons prendre. La dignité ne se négocie pas. Elle se conquiert.

Et que ceux qui nous traitent encore comme des élèves indisciplinés entendent ceci : nous avons cessé d’attendre leurs félicitations. Nous écrivons désormais notre histoire, avec notre encre, sur notre papier, selon nos priorités.

Le temps de la soumission à l’étranger est révolu.

* Ecrivain et traducteur.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!