Le monde retient son souffle. Alors que personne ne connaît le timing des frappes israéliennes sur l’Iran et que les Israéliens n’ont pas écarté de cibler les installations pétrolières iraniennes, les marchés redoutent un choc pétrolier qui n’épargnera aucune économie. Les pays développés subiront une forte inflation et les pays en voie de développement non seulement subiront l’inflation mais en plus verront leurs finances publiques se dégrader et leur endettement exploser. Oxford Economics prévoit que les prix du pétrole augmenteront jusqu’à 130 dollars le baril et que l’économie mondiale entrera en récession.
Imed Bahri
Les inquiétudes grandissent quant à l’impact de l’escalade guerrière au Moyen-Orient sur la stabilité des marchés mondiaux. Les tensions ont entraîné des fluctuations des prix du pétrole et des matières premières et la poursuite du conflit pourrait avoir des répercussions à long terme sur l’économie mondiale ce qui appelle une plus grande attention internationale.
Peter S. Goodman affirme dans une enquête publiée par le New York Times que les répercussions du conflit au Moyen-Orient suscitent de plus en plus d’inquiétudes dans le monde entier soulignant que le pire scénario serait un glissement généralisé conduisant à un choc dans les approvisionnements mondiaux en pétrole.
La hausse des prix de l’essence, du carburant et d’autres produits pétroliers tels que le plastiques, les produits chimiques et les engrais entraînera à son tour une baisse des investissements, de l’emploi et des projets commerciaux et menacera la stagnation de nombreuses économies. Cela inclut les pays européens et les pays qui dépendent des importations en particulier les pays africains pauvres selon ce que l’auteur a mentionné.
Scénarios qui sortent de l’ordinaire
Il estime que la possibilité de telles répercussions est devenue évidente ces derniers jours à la lumière des discussions sur les projets israéliens de réplique à l’attaque iranienne qui l’a visé la semaine dernière.
Une frappe israélienne contre des installations pétrolières iraniennes pourrait inciter Téhéran à cibler les raffineries du Golfe ce qui rappelle l’attaque des Houthis contre des installations pétrolières saoudiennes en 2019.
L’Iran pourrait également menacer le passage des pétroliers dans le détroit d’Ormuz, la voie navigable vitale par laquelle passe le pétrole du Golfe Persique et une telle mesure pourrait entraîner un conflit avec la marine américaine stationnée dans la région.
L’auteur a expliqué que ces possibilités, même si elles semblent impensables à l’heure actuelle, pourraient devenir une réalité tangible car les troubles dont la région a été témoin ces derniers mois ont conduit à s’attendre à des scénarios qui sortent de l’ordinaire.
Il estime que l’escalade de la guerre au Moyen-Orient ajoute un nouveau fardeau à l’économie mondiale déjà affectée par la guerre en Ukraine, le conflit commercial entre les deux plus grandes économies du monde et la menace de provocations continues de la part de la Corée du Nord.
L’auteur cite l’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international et actuel professeur à l’Université Harvard Kenneth S. Rogoff qui a déclaré: «La situation mondiale est inhabituellement turbulente. Le monde traverse probablement la période la plus instable depuis la guerre froide et les choses pourraient empirer rapidement ce qui aura certainement un impact majeur sur l’économie mondiale.»
Les prix du pétrole ont augmenté de plus de 4% jeudi 3 octobre dernier après que le président Biden a déclaré que son administration discutait de la possibilité de soutenir une frappe israélienne sur les installations pétrolières iraniennes et que le prix du brut Brent a dépassé 77 dollars le baril alors qu’il était de 71 dollars avant que l’Iran ne lance ses missiles vers Israël. Le lendemain, Biden a cherché à apaiser les craintes soulignant que les Israéliens «doivent envisager des alternatives autres que la frappe des installations pétrolières».
L’auteur cite un certain nombre d’experts selon lesquels une attaque israélienne contre les installations pétrolières iraniennes ne suffirait peut-être pas à elle seule à compromettre la stabilité des marchés pétroliers car l’Iran produit environ 4 millions de barils par jour soit environ 4% de la production mondiale totale. Les pays du Golfe comme l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis pourraient parer à ce manque en augmentant leur production pour compenser une éventuelle pénurie et ainsi réduire la pression sur les prix mondiaux.
Un scénario similaire s’est produit il y a 5 ans après qu’une attaque de drone contre des installations pétrolières en Arabie Saoudite ait entraîné l’arrêt de près de la moitié de la production du pays. Les prix du pétrole ont augmenté d’un cinquième mais ont rapidement diminué par la suite, l’Arabie saoudite ayant libéré un pourcentage de sa production placée en stocks de réserve.
Le pétrole à 130 dollars le baril ?
La question principale demeure, selon l’auteur: comment Israël réagira-t-il à la récente attaque de missiles de l’Iran? Que va-t-il se passer ensuite?
Selon une analyse menée par Oxford Economics, en cas de guerre régionale impliquant Israël et l’Iran, les prix du pétrole augmenteraient jusqu’à 130 dollars le baril et la croissance économique mondiale diminuerait de 0,4%.
À l’heure où les banques centrales des États-Unis et d’Europe annoncent une baisse des taux d’inflation et des taux d’intérêt et où les attentes de reprise des investissements, de l’emploi et de la croissance économique, un choc pétrolier pourrait contrecarrer tout cet élan.
Le think tank ajoute que malgré les mesures sérieuses prises pour s’appuyer sur les sources d’énergie renouvelables, la demande mondiale d’énergie a augmenté rapidement renforçant la position du pétrole en tant que produit mondial vital.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, la part du pétrole dans les réserves énergétiques mondiales totales a diminué de 44% à 31% entre 1971 et 2010 mais dans les années suivantes, ce pourcentage est resté constant malgré l’augmentation des sources d’énergie renouvelable en raison de l’augmentation de la demande des économies à croissance rapide comme l’Inde, l’Indonésie et le Brésil.
L’auteur estime que la crise de l’approvisionnement en pétrole renforcera la nécessité pour les gouvernements de réduire leur dépendance aux combustibles fossiles en développant les sources d’énergie renouvelables même si cela ne répondra pas aux menaces actuelles qui pèsent sur l’économie mondiale.
Il a souligné que les conséquences les plus douloureuses du choc de l’offre pétrolière seront évidentes dans les pays à faible revenu et qui sont endettés comme la Zambie, le Mozambique, la Tanzanie et l’Angola car les gouvernements de ces pays ont réduit leurs dépenses en matière de santé publique, d’éducation et autres services pour éviter le défaut de paiement tandis que les coûts augmenteront.
L’auteur confirme également que la hausse des prix du pétrole exercera une pression sur l’économie chinoise qui importe plus de 90% des exportations pétrolières iraniennes soit environ les trois quarts de la consommation pétrolière du pays.
Le gouvernement chinois s’est efforcé de réduire les risques liés à la crise des prix du pétrole en soutenant l’utilisation de voitures électriques et en augmentant ses réserves de pétrole. Cependant, la facture énergétique élevée constituera un défi supplémentaire à un moment où l’économie chinoise est confrontée à un ralentissement de la croissance dû aux énormes pertes dans le secteur immobilier.
L’Europe semble elle aussi vulnérable à une crise majeure car elle a longtemps dépendu des approvisionnements russes à bas prix qui ont cessé après la guerre russo-ukrainienne et ont contraint de nombreux pays à rechercher des alternatives et à réduire leur consommation. C’est pour cela que la hausse des prix du pétrole constituera une crise supplémentaire.
Qu’en est-il de l’Amérique et de la Russie?
L’auteur estime que les États-Unis semblent mieux placés pour absorber le choc. Les sociétés pétrolières américaines bénéficieront de la pénurie mondiale d’approvisionnement et de la hausse des prix mais l’impact du ralentissement de la croissance économique mondiale gênera les autres sociétés américaines en particulier celles qui exportent leurs produits.
L’auteur cite Jacob Funk Kierkegaard du Peterson Institute for International Economics à Washington qui a déclaré: «Ce qui va se produire en Europe, c’est un état de stagflation (situation d’une économie qui souffre simultanément d’une forte inflation et d’une faible croissance, Ndlr)», ajoutant que le plus grand bénéficiaire de la hausse des prix du pétrole sera la Russie car elle fournira à Poutine plus d’argent pour intensifier sa guerre contre l’Ukraine.
Kirkegaard a souligné que le rapprochement russo-iranien pourrait limiter la capacité d’Israël à risquer une escalade du conflit mais si Israël cible l’Iran et que cela conduit à la destruction des installations énergétiques de la région et à une augmentation des prix du pétrole, cela fournira à la Russie davantage de revenus.
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