La Tunisie, le pot de terre et le pot de fer  

La Tunisie, dans cette phase critique de son histoire contemporaine et des relations internationales, se doit de peser sereinement les avantages et les inconvénients de tout rapprochement ou alignement sur les positions de ses voisins.

Elyes Kasri *

Le vent de changement, qui menace le monde et en particulier le triangle Europe-Afrique-Moyen Orient, met de nombreux pays, dont la Tunisie, face à un dilemme du mondialisme (et son pendant régionaliste) ou le souverainisme, qui semble connaître un attrait grandissant chez les grandes et moyennes puissances, en plus de nombreux pays africains semblant prendre conscience que les groupements régionaux ne sont en fin de compte que des relais néocoloniaux.

Avec une Europe en détresse identitaire et géostratégique et un Moyen-Orient qui ne cache plus son statut de paysage politique néocolonial susceptible d’être reconfiguré à la guise de des concepteurs coloniaux, la sous-région maghrébine accentue sa descente aux enfers tant par sa gestion calamiteuse de son semblant d’indépendance que son échec patent à faire œuvre utile de ses richesses naturelles et des avantages que lui confère sa situation géographique entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, lequel est qualifié par les stratèges héritiers du colonialisme anglo-saxon d’Asie occidentale.

Alors que les pays qui entourent la Tunisie semblent s’apprêter à payer, à l’intérieur et à l’international, le prix de décennies d’activisme qualifié par de nombreux stratèges occidentaux d’aventurisme et de velléités hégémoniques, notre pays se doit, dans cette phase critique de son histoire contemporaine et des relations internationales, de peser sereinement les avantages et les inconvénients de tout rapprochement ou alignement sur les positions que certains qualifient de contradictoires de ces pays voisins.

Compte tenu de la présente situation de la Tunisie, fragilisée par une fin de règne éprouvante de Ben Ali, suivie par une quinzaine d’années d’expérimentations politico-socio-économiques qui tardent à donner des résultats probants, l’intérêt national doit primer sur toute considération altruiste ou tout élan émotionnel, car plus que jamais la fable du pot de terre et du pot de fer de Jean de La Fontaine est d’actualité.

Il faut reconnaître que La Fontaine n’a pas le monopole du réalisme et de la sagesse car un vieux proverbe arabe dit: «عاش من عرف قدره و جلس دونه» (Vivra mieux celui qui aura connu sa juste place et s’en sera contenté).**

* Ancien ambassadeur.

** La morale de cette fable est la suivante : «Mesurons-nous à nos égaux, sinon nous risquerions de nous perdre».

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!