Le casse en col blanc du siècle 

Il fut un temps où la banque protégeait les commerçants contre les bandits. Aujourd’hui, elle fait plus que tous les bandits de la planète réunis : c’est elle qui contrôle, filtre et conditionne les échanges. Entre la disparition de l’or en 1971 et l’essor de la monnaie numérique, s’est joué le plus grand vol silencieux de l’Histoire.

Hakim Tounsi 

Au commencement, il y avait les marchands. Voyager avec des pièces d’or pour payer ses achats, c’était risquer sa vie à chaque détour de route. Alors, on confia l’or à un notable respecté, qui remit en échange une attestation de dépôt. Ce document circulait comme monnaie : ainsi naquirent la banque et les premiers effets bancaires. Le banquier n’était qu’un gardien, un garant de sécurité.

Puis vint la tentation. Pourquoi se contenter de garder l’or, quand les papiers circulaient déjà comme s’ils en étaient ? Peu à peu, le gardien se fit créateur de monnaie. L’or tangible céda la place au papier, et le dépositaire d’hier devint maître du jeu.

L’histoire connut une rupture décisive en 1971. Richard Nixon mit fin à la convertibilité du dollar en or, brisant d’un trait de plume le principe fondateur du système monétaire international. Tout reposait sur cette promesse : qu’un billet représentait une quantité d’or. Du jour au lendemain, cette garantie disparut. Où est parti l’or ? Était-ce le plus grand «casse en col blanc» de tous les temps ? Depuis, le papier n’est plus qu’une promesse sans ancrage, un signe abstrait contrôlé par ceux qui l’émettent.

Une cage invisible

Et voici le glissement : le banquier, hier serviteur, se fit surveillant, policier, censeur. Il ne se contente plus de gérer des dépôts. Il exige désormais de savoir d’où vient l’argent, ce qu’on en fait, et décide parfois avec qui il est permis de commercer. Au nom de la «conformité», il ferme des portes, bloque des transactions, trace chaque geste financier. Celui qui devait libérer les échanges les enferme dans une cage invisible devenue une véritable arme de guerre. 

Aujourd’hui, cette logique atteint son paroxysme. Les sanctions économiques imposées à des pays entiers ne passent plus seulement par les armes mais par les banques : exclusion du système Swift, gel des avoirs, interdiction de transactions. Demain, avec les monnaies numériques de banque centrale, chaque dépense pourra être tracée en temps réel, chaque don enregistré, chaque geste conditionné. Le contrôle sera total, sans échappatoire possible.

Un nouvel asservissement

La banque, née comme refuge contre les bandits de grands chemins, est devenue un poste de contrôle permanent aux mains des maîtres du monde. Elle ne protège plus la liberté : elle la conditionne, la limite, parfois l’étouffe.

La question est simple, brutale : jusqu’où accepterons-nous que l’argent n’appartienne plus vraiment à ceux qui le gagnent, mais qu’il dépende du droit que le banquier leur accorde à l’utiliser ? Ou bien est-ce le signe d’un nouvel asservissement irréversible des peuples par les plus puissants ?

* Dirigeant fondateur du TO Authentique Voyages à Paris.

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