«L’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule», écrivait Albert Schweitzer. Kaïs Saïed, élu président de la Tunisie, vient d’en apporter une nouvelle fois la preuve. Homme intègre, de droit et de confiance.
Par Ali Bouaziz *
Méconnu par une bonne majorité des Tunisiens, le professeur Kaïs Saïed a su, avec brio, s’adresser à un public bariolé lors du débat télévisé du 11 octobre 2019, la veille du silence électoral : il a gagné la confiance d’une majorité de ses compatriotes, grâce au sentiment de sincérité et de sérénité qu’il inspirait; au scrutin couperet d’hier, 13 octobre, il a été plébiscité président pour un quinquennat plein d’incertitude. Le pays a besoin d’un leader aussi charismatique pour tenir le cap, qui a de l’aura nécessaire pour le mener vers l’avant, lui donner du tonus et l’aide à avoir confiance en lui-même; cela est très important dans ces moments d’incertitude que traverse le pays.
Avant que ne se pose le problème de la quadrature du cercle concernant la formation du gouvernement issu des élections législatives du 6 octobre, savourons ces moments de communion populaire qui ne se répètent qu’une fois par génération, et encore. Les jeunes, et spécialement les étudiants et les jeunes en général, devront êtres fiers des résultats qu’ils ont grandement participé à y réaliser.
Maintenant, oublions toutes les animosités issues des élections législatives et du premier tour des élections présidentielles, ni jubilation ni abattement; le pays tout entier a gagné. Après des joutes électorales saines, grosso modo, il a un Président garant de la continuité de l’État et une Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui va bientôt être mise en place.
Élite dite-vous !
Néanmoins, une remarque doit être dite : il faut finir avec les réflexes hautains distillés par quelques spécimens imbus de leur personnalité, se croyant les prophètes des temps modernes ayant pour mission de mener le peuple égaré vers le droit chemin; ce sont les stars cathodiques, les délirants facebookeurs écoulant des brèves de comptoir à longueur de journée en guise de prophéties ou d’oracles sibyllins, tout aussi les que les coqs des mosquées dont le savoir, même religieux, ne dépasse pas le stade d’untel a dit, l’autre a ajouté, et que beaucoup ne savent même pas lire correctement le Coran.
Un mouvement de fond traverse aujourd’hui la société tunisienne, il se résume en ces mots : «Vous l’élite téléportée, mi-fiel, mi-raison, vous nous enquiquinez par vos balivernes quotidiennes, nos problèmes sont autres : sécurité, cherté de la vie, santé, enseignement, chômage et manque de visibilité touchant à l’avenir de nos enfants; alors que vous nous parliez de problèmes qui n’ont jamais effleuré notre pauvre entendement.»
L’élite défendant bec et ongles un système défraîchi, qui, après soixante ans d’indépendance ayant montré ses limites, a essuyé la revanche du peuple. Elle doit, inéluctablement, mettre en question ses paradigmes, ses réflexes et ses modes de pensée; elle doit analyser profondément la situation qu’elle-même a participé à mettre en place et qu’elle entend lui garantir une certaine pérennité. La superstructure du pays aux niveaux politique, syndical et associatif va devoir être repensée. Et, surtout, corrigée.
Le peuple est souverain
Le peuple est souverain, phrase qui trouve en Tunisie, finalement, le 13 octobre 2019, tout son noble sens. Le peuple a choisi son principal représentant. Lui dire qu’il est stupide ou qu’il ne sait pas choisir, c’est le rabaisser au niveau de l’impotent grabataire qui demande assistanat sous perfusion continue, ce qui est faux et humiliant. Tous ceux qui rapetissent les choix de la majorité et déplorent son abrutissement, hurlant à tue-tête leur haine contre ces petites gens qui tracent leurs propres chemins hors des balises plantées pour jalonner leur route, sont, en dernière analyse, des fachos qui s’ignorent. Tout compte fait, ces faux démocrates font, en réalité, partie de la fachosphère locale.
Le peuple, quand on lui donne l’occasion de choisir librement, fait souvent les bons choix à un moment T, qui peuvent se confirmer ou s’infirmer dans d’autres instants T. Preuve : l’émiettement des voix se reportant sur les choix des députés à l’Assemblée législative, étant tel qu’il n’a pas donné la majorité de gouvernement à aucune formation politique, et le peuple des lecteurs a plébiscité Kaïs Saïed par les trois quarts des voix exprimées. Le peuple souverain a immédiatement flairé les qualités intrinsèques de son nouveau président, son adoption devient inéluctable.
Le sens de l’histoire
Comme il l’a dit, il est le président de tous les Tunisiens, des nantis, des petits bourgeois en dégringolade économique, tout aussi que des parents pauvres du pays quels qu’ils soient, même les quelques égarés arborant des drapeaux noirs qu’on ne peut tous jeter en prison ou à la mer, après les avoir longtemps enfouis sous la paillasse. Tout problème non résolu, inexorablement, refait surface.
Le rôle du peuple dans l’Histoire est maintenant prouvé par le peuple tunisien. Le rôle du leader dans l’Histoire, c’est ce que Kaïs Saïed va s’atteler à le prouver. Imbu de la notion d’homme historique, il trouvera les mots et les actes pour exhausser et son serment et les attentes des Tunisiens.
L’élection présidentielle, rencontre d’un homme et d’un peuple, a été rééditée dans le Monde arabe, en Tunisie, après la France du temps de De Gaulle. Donnons à notre président un préjugé favorable. Wait and see; s’il dévie de nos attentes, nous serons les premiers à le corriger.
J’aime finir mes billets, quand le cadre l’accepte, par cette maxime d’Albert Schweitzer : «L’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule». Mon vœu est qu’elle soit partagée par tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir en Tunisie, elle permet d’accéder un jour à la plus haute magistrature, n’est-ce pas.
* Directeur du site Ibn Khaldoun.
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