Nous discuterons, dans ce texte, de 3 affirmations du chroniqueur Yassine Essid à propos du nouveau président de la république Kaïs Saïed, développées dans son article «Les élections et après : Ennahdha a tranché, Vox populi, Vox dei» avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord.
Par Jamila Ben Mustapha *
Le nouveau président a été qualifié d’autiste comme si c’était un fait évident. Or, seul un neurologue ou un psychiatre peut révéler un tel diagnostic, et encore, car ce dernier est tenu par le secret professionnel. Par ailleurs, l’autisme étant une maladie, s’il était confirmé, le mot n’aurait pas à être lancé à la tête de quelqu’un – fût-il président de la république – comme s’il s’agissait d’une insulte.
La condamnation par Kaïs Saïed de la normalisation avec l’Etat d’Israël, qu’il a exprimée avec conviction et colère et donc, loin de toute démagogie comme l’a affirmé l’auteur de l’article, a été développée au cours du débat pour les élections présidentielles qui l’a mis face à son concurrent, Nabil Karoui. Ce dernier avait fait appel à un lobbyiste israélien pour assurer sa promotion politique sur le plan international. Son adversaire a tenu à se démarquer de lui à son avantage, ce qui est de bonne guerre.
Qualifier enfin Kaïs Saïed d’«oiseau rare» d’Ennahdha, n’est-ce pas aller un peu vite en besogne ? Une nuance de taille est à faire – et c’est une évidence – entre être pieux et conservateur et se voir qualifié, comme s’il s’agissait d’une conséquence inévitable, d’homme proche des islamistes. Le futur nous éclairera d’ailleurs sur ce point. Le mandat du nouveau président de la république ne fait que commencer; il sera jugé sur sa pratique et seul, l’avenir nous instruira sur son comportement politique effectif.
Et ce n’est parce que le parti islamiste le soutient après coup en instrumentalisant son large succès pour en profiter et s’en couvrir, qu’on peut réduire Kaïs Saïed, qui a bénéficié du suffrage des sensibilités politiques les plus opposées, à n’être qu’une marionnette entre les mains de ce mouvement.
Il va de soi aussi qu’on n’a pas à confondre la critique, même virulente, avec le jugement exagéré, hasardeux et sans nuance, rappelant quelque peu celui dont Samia Abbou a souvent «gratifié» ses adversaires dans l’enceinte du parlement, tout au long de son mandat de députée, les accablant de ses invectives.
Ceci dit, nous ne partageons avec le nouveau président, ni sa position traditionnelle sur l’inégalité dans l’héritage entre l’homme et la femme, ni son maintien de la nécessité de la peine de mort, ni son refus de la dépénalisation de l’homosexualité. Cela ne nous empêchera pas de lui souhaiter bonne chance car les petits pas qu’il réaliserait, notamment dans la lutte contre la corruption, s’ils se produisaient, seraient à inscrire au bénéfice du pays.
* Universitaire et écrivaine.
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