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Tunisie : Qu’est-ce qui fait courir Nadia Akacha ?

L’affaire des enregistrements fuités attribués à Nadia Akacha, l’ex-directrice de cabinet du président de la république Kaïs Saïed, a pris une telle ampleur dans les médias et une telle importance politique que nous nous sommes sentis obligés d’exprimer notre point de vue sur le sujet et de verser, nous aussi, notre pièce au dossier.

Par Ridha Kéfi

Nous nous sommes bien gardés jusque-là de nous engouffrer dans la brèche politico-médiatique ouverte par les fameux enregistrements fuités attribués à Nadia Akacha, et où l’ex-directrice de cabinet du président de la république Kaïs Saïed raconte des vertes et des pas mûres sur son ex-mentor.

Notre hésitation s’explique par notre souci de ne pas donner crédit à des enregistrements dont on ne connaît ni les circonstances ni l’authenticité ni les motivations, d’autant que leurs auteurs, les interlocuteurs de Mme Akacha, ont pris soin d’effacer leurs voix de la bande visiblement enregistrée à l’insu de la concernée.

C’est à la justice, qui vient d’être saisie de l’affaire, de dire son mot, en authentifiant ou pas les documents sonores (sachant que les techniques de manipulation des voix se sont beaucoup développées grâce à l’intelligence artificielle) et en prenant les décisions qui s’imposent pour sanctionner les abus, si abus il y a eu, et leurs auteurs.

Cependant, l’affaire ayant pris une telle ampleur dans les médias et une telle dimension politique que nous sommes sentis obligés d’exprimer notre point de vue sur le sujet et de verser, nous aussi, notre pièce au dossier.

La «vice-présidente» n’entend pas se faire oublier

D’abord, nous avons été parmi les rares médias de la place à avoir attiré l’attention de l’opinion publique, dès les premiers mois du mandat du président Saïed, sur la personnalité toxique de sa directrice de cabinet et sur le rôle très nuisible qu’elle jouait au palais de Carthage.

Mme Akacha, une illustre inconnue avant d’être nommée dans un poste aussi important dans l’Etat, était une enseignante de droit que M. Saïed avait croisée dans une vie antérieure, et qui, comme lui, n’avait aucune expérience politique. S’étant trouvée par un pur hasard propulsée à un poste aussi important, elle a cru pouvoir pousser son avantage en faisant le vide autour du président. En quelques mois seulement, son tableau de chasse a compté de nombreux ministres, diplomates, conseillers à la présidence, tous remerciés sans ménagement par le président Saïed, qui prêtait alors une oreille trop attentive à sa directrice de cabinet. La plupart furent poussés vers la porte mais certains d’entre eux ont été brutalement limogés, parfois quelques semaines après leur nomination.

Nous avions, à l’époque, rendu compte de cette purge qui dénotait un grave dysfonctionnement à la tête de l’Etat, et même accolé le surnom de «vice-présidente» à Mme Akacha, qui prenait alors une dimension sans commune mesure avec ses compétences réelles et qui croyait pouvoir donner des ordres directs aux membres du gouvernement ou à leurs principaux collaborateurs, qui plus est, à leur insu et dans leur dos.

Il a donc fallu longtemps, trop longtemps, pour que le président de la république se rende compte de l’ampleur des dégâts que cette femme a causés au palais de Carthage. Mais narcissique comme il est, et buté, il ne voulait pas reconnaître son erreur de casting et la réparer en se séparant de son encombrante collaboratrice. Et c’est elle qui, finalement, se sentant écartée au profit de Taoufik Charfeddine, le ministre de l’Intérieur qu’elle n’avait pas adoubé et qui s’était montré peu coopératif, a préféré annoncer sa démission… dans un post publié sur sa page Facebook, geste cavalier qui en dit long sur les pratiques peu respectueuses des normes républicaines de cette dame qui n’aurait jamais dû mettre les pieds au palais de Carthage.

Par ailleurs, le fait que Mme Akacha soit partie à l’étranger peu de temps après sa démission, d’abord en France, puis à Dubaï ou à Doha, comme le colportent les rumeurs sur les réseaux sociaux, prouve s’il en est besoin qu’elle a des choses à se reprocher et qu’elle craint sérieusement de nouvelles poursuites judiciaires, en plus de celles déjà en cours.

Quoi qu’il en soit, et bien avant les enregistrements fuités, Mme Akacha a montré qu’elle ne comptait pas se faire oublier de sitôt en renouant avec sa vie d’avant et l’anonymat duquel elle n’aurait jamais dû sortir, mais qu’elle cherche à peser sur le cours des événements, en publiant notamment des postes sur sa page Facebook où elle critique sinon le président de la république, du moins ses collaborateurs, dans une évidente volonté de se venger.

Une opération «boule puante»

Pour revenir aux enregistrements fuités qui sont attribués à Mme Akacha, et pour ne pas leur donner plus de crédit qu’il n’en ont en réalité, nous pensons que même dans le cas où ils sont authentifiés, ils ne doivent pas être surinterprétés. Et pour cause : la volonté de nuire de la concernée étant évidente, on ne peut écarter l’hypothèse qu’elle se soit laissée aller à de fausses révélations ou que ses propos soient manipulés et montés de telle manière à faire accréditer des faits inexacts et à brouiller l’image du président de la république dans l’opinion publique.

Sur un autre plan, il apparaît clairement que les enregistrements, qu’ils soient authentiques ou pas, ont été réalisés à l’insu de la concernée. Et c’est la partie qui les a réalisés et qui les a balancés dans les réseaux sociaux qui doit être au centre de l’enquête judiciaire, car la manœuvre politique nous semble cousue de fil blanc et ses commanditaires, autant que ses auteurs directs, doivent être démasqués et leurs motivations dévoilées à l’opinion. Car cet acte ne doit pas rester impuni au risque de voir ce genre d’opérations «boules puantes» se multiplier à l’avenir et alourdir une atmosphère générale déjà pesante dans le pays.  

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