Attendu depuis 20 ans, ‘‘Zizou’’, le nouveau film de Ferid Boughedir donne à réfléchir sur une révolution qui, 5 ans après son déclenchement, fait rire.
Par Fawz Ben Ali
Après ‘‘Halfaouine, l’enfant des terrasses’’ (1990) et ‘‘Un été à la Goulette’’ (1996), qui avaient battu tous les records d’entrées en Tunisie, de nominations et de prix, Ferid Boughedir, l’un des maîtres incontestables du cinéma tunisien, signe son retour derrière la caméra avec le film événement ‘‘Zizou’’, qu’on attend depuis déjà 20 ans.
Un Candide des temps modernes
Cette longue absence, le cinéaste l’explique par le besoin de consacrer son temps pour militer pour le développement du cinéma en Tunisie et en Afrique, quitte à ne pas réaliser des films, car il se considère avant tout comme un éternel cinéphile, un critique et un historien de cinéma.
Sorti en France en avril 2016, sous le nom ‘‘Parfum de printemps’’, par allusion à la révolution tunisienne de janvier 2011, qui a déclenché le fameux «printemps arabe», le film a reçu un accueil plutôt positif auprès du public et des critiques. Il a d’ailleurs été sélectionné dans de nombreux festivals (Vérone, Le Caire, Fameck …) et a fait l’ouverture du Festival international du film de Washington. De tels échos ne peuvent qu’aiguiser une impatiente curiosité de découvrir la dernière partie de la trilogie de Boughedir, la suite indirecte de ‘‘L’enfant des terrasses’’ et de ‘‘Un été à la Goulette’’.
‘‘Zizou’’, qui débarquera dans nos salles tunisiennes à partir du 26 septembre, a été projeté en avant-première ce mercredi à l’auditorium de l’Institut français de Tunisie (IFT), en présence du réalisateur et de l’équipe du film.
Le film s’ouvre sur un désert au milieu duquel se tient un jeune homme portant un chapeau de pailles à la tête et une grande valise à la main. Il s’agit d’Aziz, surnommé Zizou (incarné par Zied Ayadi), un jeune diplômé qui décide de quitter son village natale pour la capitale, en quête d’un travail, à l’image d’un grand nombre de jeunes tunisiens.
C’est à son arrivée à Tunis, à quelques mois de la révolution, que les aventures ou plutôt les mésaventures commencent pour notre héros, dont la candeur, l’entraînera dans de terribles magouilles.
Wajiha Jendoubi, Fatma Ben Saidane, Sara Hanachi, Ferid Boughedir et Zied Ayadi.
Une comédie sociale et politique
Embauché comme installateur de paraboles, Zizou arpente tous les milieux, des plus riches aux plus pauvres, et croise toutes sortes de gens. La multitude de personnages constitue le fond de cette comédie qui prend, au fur et à mesure que l’histoire avance, une dimension sociale et politique. Le Souk Moncef Bey devient un panorama de citoyens entre partisans du régime despotique, islamistes et même communistes. Mais ce qui capte le plus dans ce joyeux foutoir, ce sont les dialogues sur lesquels reposent toute la légèreté et l’humour du film. Ces dialogues signés Taoufik Jebali ne sont pas étrangers à l’univers de Boughedir qui, en vue d’un cinéma grand-public, s’abstient des discours et réflexions élitistes.
Au cours de ses déplacements, depuis l’une des terrasses de Sidi Bou Saïd, Zizou aperçoit Aïcha (jouée par Sara Hanachi), une jeune fille séquestrée par un groupe de mafieux, proches du pouvoir. Se croyant dans un conte des mille et une nuits, il tente par tous les moyens de la sauver, au moment même où éclatent les prémices de la Révolution. Notre héros va à contre-courant des événements et semble ne rien comprendre à cette révolution, qui présente l’objet de dérision du film.
Entre revendications sociales, montée de l’intégrisme et clash des idéologies, Ferid Boughedir nous dresse un portrait burlesque de la nouvelle Tunisie, sans jugement ni leçon de morale, mais sous un regard plutôt espiègle. Car selon les dires du cinéaste, 5 ans après le déclenchement de la révolution, on ne peut qu’en rire.
Si le naturel et le jeu sans artifice de Zied Ayadi, qui fait sa première apparition à l’écran, ou encore la présence toujours magistrale de Fatma Ben Saïdane ou de Jamel Sassi, habitués du cinéma de Boughedir, sauvent le film de l’agacement, le thème de la révolution superficiellement traité, les clichés, et l’amourette que le cinéaste semble avoir tirée d’un roman poussiéreux, n’ont néanmoins pas joué en faveur de ce film attendu depuis tout de même 20 ans.
Le cinéma tunisien aura finalement brillé cette année du côté des jeunes cinéastes comme Mohamed Ben Attia, Leïla Bouzid ou Fares Naânaâ, plutôt que celui de l’ancienne école de Mohamed Zran ou de Ferid Boughedir.
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