Plusieurs milliers de Tunisiens se sont rassemblés, aujourd’hui, à l’avenue Habib Bourguiba, à Tunis, pour avertir contre tout laxisme dans la gestion des affaires terroristes.
Par Zohra Abid
Ni la pluie ni le grand froid qui se sont abattus ce dimanche 8 janvier 2017 sur la Tunisie n’ont dissuadé les 6000 à 7000 citoyens (chiffres avancés par les organisateurs) de se rassembler au centre-ville de Tunis, pour crier leur colère contre la montée de l’extrémisme religieux et avertir les responsables politiques, notamment les islamistes d’Ennahdha, membres de la coalition gouvernementale, contre tout laxisme dans la gestion des affaires terroristes.
La responsabilité de Ghannouchi et des islamistes
Le rassemblement, qui a duré plus de 2 heures, sous une très haute sécurité, a commencé sous la statue d’Ibn Khaldoun, devant l’ambassade de France. La foule s’est déplacée ensuite au pied du Théâtre municipal. Les manifestants, hommes et femmes de tous les âges, ont investi progressivement l’artère principale de Tunis jusqu’au bâtiment du ministère de l’Intérieur, brandissant des pancartes et des banderoles dénonçant les parties (ou plutôt les partis) qui ont encouragé les jeunes à aller combattre aux côtés de l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daech), en Libye, en Syrie, en Irak, et ailleurs et financé en sous-main les mouvements jihadistes ayant essaimé dans le pays.
Parmi les manifestants, il y avait de nombreux artistes, galeristes, écrivains, chanteurs, musiciens, hommes d’affaires, journalistes et députés de l’opposition, ainsi que des activistes de la société civile, qui ont scandé leur colère contre le parti islamiste Ennahdha et son président Rached Ghannouchi, qualifié de «saffah» (assassin), par allusion au rôle joué par les islamistes, quand ils ont conduit la coalition gouvernementale, de janvier 2012 à janvier 2014, dans la montée de l’extrémisme religieux et des groupes terroristes.
«Les enfants de Ghannouchi ne sont pas les nôtres», scandaient les manifestants, par allusion à la déclaration de ce dernier qualifiant les salafistes jihadistes de «nos enfants qui cherchent à promouvoir une nouvelle culture» et qui «représentent l’islam en colère», dans ce qui peut être assimilé à une justification de la violence et du terrorisme.
D’autres manifestants ont dénoncé «les forces étrangères qui soutiennent le terrorisme», par allusion au Qatar, à l’Arabie saoudite et à la Turquie, qui ont soutenu et financé les mouvements jihadistes dans toute la région, et notamment en Tunisie.
«Le gouvernement et la justice sont appelés à assumer leur responsabilité dans la conduite des affaires terroristes. Il y a eu beaucoup de laisser-aller et de laxisme, voire de la complaisance. Nous voulons seulement vivre en paix. Et les terroristes doivent payer pour tous les crimes qu’ils ont commis. La Tunisie qui était longtemps un havre de paix est devenue, par la grâce des islamistes, un pays infréquentable et boudé par ses anciens amis. Pas de circonstances atténuantes pour les ennemis de la paix et de la stabilité», nous a confié Kamel, un homme de plus de 70 ans, qui ne reconnaît plus la Tunisie dans ce qu’elle est devenue depuis l’arrivée des islamistes au pouvoir. «Tous ceux qui ont utilisé les minbars des mosquées pour appeler au jihad et invité des prédicateurs wahhabites à faire des prêches incendiaires en Tunisie, et dont certains étaient des dirigeants d’Ennahdha et ses représentants à l’Assemblée nationale constituante (ANC), doivent être poursuivis en justice. Car ils ont joué un grand rôle dans la montée de l’extrémisme religieux et du terrorisme», a-t-il ajouté, par allusion, notamment, à Sadok Chourou et Habib Ellouze.
Solidarité sans faille avec les sécuritaires
Selon Adnane Belhajamor, responsable de la Coordination civile contre le terrorisme, cette manifestation exprime «la volonté citoyenne de contribuer, dans le cadre de la légalité, à l’effort des forces de sécurité dans la lutte contre le terrorisme». Et d’ajouter: «La société a le droit de se constituer partie civile dans les procès relatifs aux affaires terroristes».
Plusieurs autres manifestations sont prévues dans les prochaines semaines pour mettre la pression sur les autorités publiques et les responsables des partis politiques afin qu’ils restent mobilisés et fermement engagés dans la lutte antiterroriste. Aucun relâchement n’est acceptable. Et aucune indulgence à l’égard des terroristes revenant des fronts du jihad. Ceux qui appellent à faire promulguer une loi du repentir ou du pardon pour garantir l’impunité aux tueurs doivent comprendre que les Tunisiens ne comptent pas se laisser faire.
Pour maintenir cette mobilisation, le Collectif des Citoyens de Tunisie, constitué de 21 associations, a déjà prévu des rencontres avec des responsables politiques, notamment le chef du gouvernement et les membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), pour les appeler à arrêter une politique ferme vis-à-vis des terroristes, leurs commanditaires et leurs relais dans la classe politique, dont la complaisance voire la complicité active ont permis aux groupes terroristes de se constituer et de se renforcer en Tunisie au cours des dernières années.
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