La majorité des partis ne voteront pas la confiance au gouvernement Habib Essid, qui en avait fait officiellement la demande à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Le bureau de l’Assemblée a donné son accord jeudi pour tenir une séance plénière le 30 juillet pour examiner cette demande. Hatem Ferjani, député de Nidaa Tounes, a déclaré que son groupe parlementaire «ne renouvellera pas la confiance», estimant que cette position est aussi celle des partis ayant signé le document de Carthage et qui représentent 85% des sièges au parlement. «La majorité des partis ne renouvellera pas la confiance au gouvernement Essid même si un des partis pourrait s’abstenir lors du vote», a estimé M. Ferjani dans une déclaration à l’agence Tap.
La solitude du Premier ministre
M. Ferjani a qualifié de «dangereuses» les déclarations du chef du gouvernement dans un entretien, mercredi soir, avec la chaîne Attessia, sur les menaces et les humiliations dont il a fait l’objet pour le pousser à démissionner. «L’attaque de sa personne et son humiliation en tant que chef du gouvernement et de représentant de l’Etat est une atteinte au prestige de l’Etat et aux trois pouvoirs» (présidence, gouvernement et assemblée, Ndlr), a-t-il souligné, ajoutant que «les députés demanderont, lors de la plénière prévue la semaine dernière de faire la vérité sur ces révélations».
De son côté, Oussama Sghaier, député d’Ennahdha, a précisé que le bloc parlementaire de son parti a tenu mercredi une réunion sous la présidence du président Rached Ghannouchi, en présence des membres du bureau politique. «La réunion a porté sur les concertations entre les institutions du parti pour fixer une position sur le projet de loi sur la réconciliation économique et financière, le processus de formation d’un gouvernement d’union nationale et le vote de confiance au gouvernement Essid», a-t-il indiqué, en précisant que le mouvement Ennahdha s’est engagé sur un consensus des partis au pouvoir et une position commune sur le gouvernement d’union nationale et sur le vote de confiance du gouvernement Essid, qui a demandé un vote de confiance du parlement.
«La décision prise mercredi de concert avec les dirigeants du parti s’inscrit dans le cadre de la recherche des meilleures solutions et l’approbation de la position du chef du gouvernement qui a préféré passer par l’ARP conformément à l’article 98 de la constitution», a indiqué M. Sghaier, esquivant ainsi la réponse directe, dans une volonté évidente de ménager M. Essid. Il est clair, cependant, qu’Ennahdha – ou, en tout cas, une majorité de ses députés – ne va pas voter la confiance à ce dernier. Et pour cause : l’alliance stratégique du parti islamique avec Nidaa Tounes, qui veut la peau d’Essid, vaut bien le sacrifice d’un Premier ministre soumis auquel les islamistes étaient, jusqu’à récemment, très attachés.
Pour sa part, le secrétaire général d’Afek Tounes, Faouzi Abderrahmane, a indiqué que son parti va bientôt fixer sa position sur la question du vote de confiance, précisant que ses camarades sont favorables à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, «mais la position officielle sera prise lors de sa prochaine réunion du parti mardi prochain». Cette position a, néanmoins déjà été exprimée par le leader du parti, Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, qui a estimé que la démission de M. Essid aurait été la meilleure solution pour dépasser la crise actuelle.
Zied Lakhdar, membre de l’ARP du Front populaire, a déclaré à l’agence Tap que ce front de gauche «n’avait pas voté pour l’investiture du gouvernement Habib Essid, prédisait son échec, n’y avait pas fait partie, et de ce fait, il est fort improbable qu’il change cette fois de position». «La décision sera prise par le conseil central du Front», a-t-il cependant ajouté.
L’échec de Nidaa Tounes
Ghazi Chaouachi, président du Courant démocratique, a affirmé que son parti votera contre le renouvellement de la confiance au gouvernement Essid étant donné qu’il n’avait pas voté son investiture l’année dernière. «La procédure à laquelle a eu recours le chef du gouvernement, celle prévue par l’article 98 de la constitution pour un renouvellement de la confiance, est une pratique des Etats démocratiques pour soutenir le gouvernement et gagner les voix des partis qui ne l’avaient pas soutenu auparavant», a-t-il fait remarquer. «Essid sait qu’il n’obtiendra un vote de confiance, mais a eu recours au parlement pour ne pas se soumettre aux pressions et ne pas assumer l’échec tout seul», a-t-il ajouté, estimant que «le parti Nidaa Tounes, qui avait investi Habib Essid, est celui qui assume l’échec, car le fait de retirer la confiance à son gouvernement signifie clairement que ce parti reconnait son échec dans la direction des affaires de l’Etat».
Pour sa part, l’Union patriotique libre (UPL) avait appelé, par la voix de son président Slim Riahi, le chef du gouvernement à démissionner.
Huit partis ont signé le document de Carthage fixant les priorités du gouvernement d’union nationale avec trois organisations nationales. Il s’agit d’Ennahdha, de Nidaa Tounes, de l’UPL, d’Afek Tounes, du Parti Républicain, de la Voie démocratique et sociale, du Mouvement Echaab, de l’Initiative destourienne, ainsi que de l’UGTT (syndicat), l’Utica (partonat) et l’Utap (union des agriculteurs).
I. B. (avec Tap).
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