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La diplomatie française en Méditerranée et au Moyen-Orient sous François Hollande

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A l’issue de la semaine des ambassadeurs 2016, quel bilan de la diplomatie française en Méditerranée et au Moyen-Orient durant le quinquennat d’Hollande ?

Par Roland Lombardi *

La dernière édition de la Semaine des ambassadeurs vient de s’achever (29 août – 2 septembre). Ce dernier rendez-vous de François Hollande avec ses diplomates n’aura pas, une nouvelle fois, brillé par son originalité et encore moins, par l’accouchement, même tardif, de nouvelles et d’ambitieuses orientations pour la politiques étrangère de la France.

Si certains déclarent de nouveau, et veulent surtout s’en auto-persuader, que la France est encore une grande voix, la réalité est bien différente. Comme je le répète souvent, la méthode Coué en relations internationales n’a que peu d’effet…

Mais alors, quel est le véritable bilan diplomatique français du quinquennat du Président Hollande ?

Ere Sarkozy, ère Hollande : une rupture ?

D’abord, par rapport à l’ère Sarkozy, nous pouvons assurément dire qu’il y a bien eu, du moins sur la forme, une véritable rupture. Car, que nous l’apprécions ou pas, il serait toutefois malhonnête de ne pas reconnaître que le Président Sarkozy possédait un certain charisme, une réelle stature d’homme d’Etat et enfin, un véritable dynamisme à l’international. Nous n’avons malheureusement pas retrouvé ces qualités chez le Président Hollande. Loin de là… Mais, il aurait été souhaitable que l’actuel locataire de l’Elysée fasse au moins preuve de plus de réalisme, de sérieux et surtout, de moins d’indolence sur les questions internationales.

Par ailleurs, sous l’ère Sarkozy, la France avait été, à tort ou à raison, à l’origine de plusieurs initiatives diplomatiques importantes. Nous pouvons même évoquer un certain leadership de la France avec, il est vrai, des succès et des échecs, notamment sur les questions européennes, méditerranéennes (l’Union pour la Méditerranée), durant la crise financière de 2008 ou encore, lors de la crise russo-géorgienne de l’été 2008. Certes, et je l’ai fortement critiquée à l’époque, l’intervention occidentale de 2011 en Libye, sous l’impulsion française, fut une grave erreur. Comme d’ailleurs, les dangereuses prises de position de la diplomatie française lors du début de la crise syrienne. Sur ces deux dossiers, l’ancien Président fut, à l’évidence, très mal inspiré… et très mal conseillé !

Et ici, pour le coup, oui, nous pouvons dire qu’il y a, de la part de son successeur, une certaine continuité… dans l’erreur. Les responsables socialistes n’ont alors fait que suivre les conseils d’islamologues ou d’«éminents spécialistes» français (du moins présentés comme tels par la doxa dominante), qui annonçaient par exemple «la chute prochaine» du régime syrien… tous les quinze jours !

Certes, sous l’ère Hollande, la France a renoué des liens distendus avec des pays comme le Maroc, l’Algérie ou l’Egypte (depuis que Sissi décida l’achat de Rafale français…) et, dans une moindre mesure, l’Iran. Elle a aussi consolidé sa position stratégique en Afrique, grâce notamment à nos interventions militaires, nécessaires et réussies, au Mali et en Centrafrique. Enfin, de nombreux succès commerciaux, particulièrement dans le domaine de l’armement, sont aussi à rappeler. D’ailleurs, ces réussites sont en grande partie dues au ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui, finalement, par sa maîtrise des dossiers et son activisme, peut être considéré comme le meilleur joueur d’une mauvaise équipe.

Pour autant, le bilan de la politique étrangère de la France sous François Hollande peut être considérée globalement comme très décevant.

Dans les faits, l’image internationale de la France s’est grandement ternie depuis 2012. Par des choix bassement idéologiques, de ses conseillers et de son entourage, et à mille lieux pourtant des réalités géopolitiques, le Président français reste (on l’a encore vu dans son dernier discours devant les diplomates), encore et toujours, par exemple, arc-bouté sur un départ d’Assad. Sur la Russie, même si nous pouvons noter, dans son discours, une légère inflexion positive du Président français, on sent encore des réticences à nouer des liens solides avec une nation devenue pourtant incontournable dans le règlement des crises au Proche-Orient. Quant aux relations avec les Etats-Unis, la diplomatie française n’a jamais été autant «suiviste» que depuis 2012 (Syrie, Ukraine, sanctions économiques contre Moscou…). En Europe, le Président français semble n’avoir fait que de la figuration, spécialement lors de la crise grecque ou du Brexit. Parfois, il a même totalement été transparent. Par exemple, face à la crise des migrants ou, plus grave, lors des négociations entre l’Europe et la Turquie à propos de la gestion de ces mêmes réfugiés, c’est l’Allemagne qui a, pour le meilleur et surtout le pire, mené la danse. Le Président français a piteusement laissé la Chancelière allemande décider seule pour toute l’Europe ! Avec les conséquences que l’on sait…

Parallèlement, lorsque le Président américain s’est rendu dernièrement sur le Vieux continent, il est passé par Berlin mais sans daigner faire un passage par Paris ! C’est tristement révélateur…

Malheureusement, la mort de plus de 250 de nos compatriotes, victimes des attentats qui ont touché le pays depuis 18 mois, n’aura pas été un électrochoc salvateur. Que cela soit en politique interne, contre notamment le terrorisme, comme en politique extérieure, il semblerait que les maîtres mots de nos responsables actuels soient, depuis 2012, mais encore et toujours aujourd’hui, l’hésitation, la tergiversation et la passivité… C’est tout de même assez inquiétant pour les dirigeants d’un pays «en guerre» !

Laurent Fabius, la diplomatie économique et la diplomatie de l’émotionnel
Laurent Fabius, l’ancien ministre des Affaires étrangères, restera dans l’Histoire comme l’homme qui déclara qu’Assad ne méritait pas de vivre ou encore, qu’Al-Nosra faisait du bon boulot! Ainsi, les deux axes majeurs de la politique de Laurent Fabius furent la diplomatie économique et la diplomatie de l’émotionnel.

Mais à sa décharge, il faut rappeler que la diplomatie économique de la France est bien antérieure à l’arrivée de Fabius au Quai d’Orsay. Dès la fin de la guerre d’Algérie, c’est avec des personnages comme le général Catroux et surtout, Maurice Couve de Murville, les deux principaux conseillers de De Gaulle pour le monde arabe, que, sous couvert d’une nouvelle «politique arabe» française, cette «diplomatie des contrats commerciaux» s’est véritablement développée et a perduré jusqu’à nous. Souvent au prix de concessions humiliantes et d’une perte notable d’influence dans la région. Pour preuve, rappelons l’exclusion de la France dans la résolution du conflit libanais lors des accords de Taëf en 1989 (alors que le Liban était pourtant le symbole même de l’influence française au Levant) ou encore, l’absence de la France lors du processus de paix israélo-arabe du début des années 1990.

De plus, depuis quelques décennies, nous avons par ailleurs doublé cette «diplomatie économique» d’une «diplomatie de l’émotionnel». Diplomatie de l’émotionnel toutefois à géométrie variable, puisque pour quelques marchés, justement, nous cessons alors nos leçons de morale et fermons les yeux, par exemple, sur les régimes des pays du Golfe, qui sont pourtant loin d’être des paradis démocratiques ! Pire, nos positions hasardeuses sur la Syrie ou le Liban, par exemple, sont aussi le fruit amer de nos liens commerciaux avec nos clients des monarchies du Golfe. Ce n’est pas sérieux… et surtout, très dangereux !

Au final, notre diplomatie économique et de l’émotionnel s’entrechoquent parfois et notre pays, dans le monde arabe, est souvent considéré comme une petite puissance hautaine et moralisatrice mais qui dans les faits, n’est qu’une marchande de canons (4e exportateur d’armes dans le monde), prisonnière de ses riches clients du Golfe.
Pourtant, faire de juteuses affaires est possible tout en ayant une politique indépendante et surtout, pour les seuls intérêts et la sécurité des Français. Nous y gagnerions d’ailleurs même en crédibilité. Regardons la Russie. Son principale «adversaire» politique dans la région est l’Arabie saoudite. Et bien, beaucoup seraient surpris par le nombre de contrats signés entre les deux pays! Alors certains évoqueront le fait que la Russie, grande productrice de pétrole et de gaz, est beaucoup plus indépendante vis-à-vis des hydrocarbures du Golfe. Il serait alors peut-être temps et judicieux de diversifier nos sources d’approvisionnement…

Relire Sun Tzu…

Aujourd’hui, sur le dossier syrien, nous sommes devenus inaudibles et la France est hors jeu. Au Liban, alignés sur les positions saoudiennes, nous ne sommes plus écoutés. En Libye, nous ne savons plus qui soutenir, Sarraj ou le général Haftar. Enfin, concernant le conflit israélo-palestinien, si l’initiative de Paris pour une grande conférence de paix peut paraître plus que louable, il n’en reste pas moins que cet appel, aussi grandiloquent soit-il, n’a que peu de chance d’être efficace…

Certes, Jean-Marc Ayrault, le successeur de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, a redonné une légère touche de prudence et de raison à notre diplomatie. Loin d’être un fin connaisseur des arcanes moyen-orientales, il est toutefois connu pour être travailleur et a dû effectivement bien travailler ses dossiers. Ainsi, plus sage et réaliste que son prédécesseur, Ayrault a abandonné la menace irresponsable de Fabius quant à reconnaître l’État palestinien en cas d’échec de la conférence évoquée plus haut. Dernièrement, sur le dossier libyen, il a aussi appelé à un compromis entre Sarraj et Haftar…

C’est bien. Mais c’est d’une révolution copernicienne de notre diplomatie, de nos perceptions de la région tout autant que de nos mentalités que la France a besoin pour de nouveau être prise au sérieux et écoutée. Depuis les années 1960, la France ne comprend plus le monde arabe. De plus, nous avons laissé s’abattre une véritable chape de plomb idéologique et de partis pris (tiers-mondisme, anticolonialisme, antisionisme primaire puis un gauchisme résolument anti-occidental et aujourd’hui parfois pro-islamiste) sur la recherche portant sur le monde arabo-musulman. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la plupart des analyses françaises sur les «printemps arabes» se sont révélées complètement erronées.

En relations internationales, tout n’est pas qu’une question de parts de marché à conquérir, ou pire, d’idéologie. C’est souvent, surtout, une question de psychologie.

De plus, au sud de la Méditerranée, comme au Moyen-Orient, on vit de dignité personnelle. Les peuples qui y vivent, sont des gens fiers qui méprisent, plus que tout, ceux qui s’humilient ou ceux qui renient leurs propres croyances, valeurs ou principes, d’autant plus pour des histoires d’achats de pétrole ou de ventes d’armes. Plus qu’ailleurs, pour être adopté dans le monde arabe comme un partenaire à part entière, il faut être respecté.

La Méditerranée est notre frontière la plus importante. D’autant que nous devons faire face à d’immenses défis comme le terrorisme, l’islam politique, la démographie explosive du Sud, et enfin, la crise des migrants qui est, au-delà d’une crise humanitaire, la plus grave crise géopolitique que l’Europe est en train de connaître.
Sun Tzu a écrit : «On n’entreprend jamais une action qui ne répond pas aux intérêts du pays».

Ainsi, alors que politique interne et géopolitique s’imbriquent et se confondent désormais, il faut que nos dirigeants prennent rapidement conscience que l’angélisme, le sentimentalisme idéologique et les demi-mesures au sujet du terrorisme ou des réfugiés sont suicidaires. Ce que nous considérons comme de la tolérance, de la solidarité ou de la charité universelle…est, au contraire, le plus souvent perçu comme de la faiblesse. Et en projetant une image de faiblesse, nous récoltons et récolterons encore de la violence. Pour cela, nous devons rapidement nous forger une âme d’acier et bannir l’autoflagellation permanente et notre sentiment de culpabilité, typique de nos sociétés européennes actuelles. Il faut abandonner notre «irréalpolitik» (Védrine) et se rapprocher de la Russie et, comme elle, définir et adopter expressément une politique ambitieuse, claire et cohérente en Méditerranée et au Moyen-Orient, basée non plus sur nos seuls profits commerciaux mais sur une lutte impitoyable contre l’islam radical et politique (dans notre intérêt et celui des musulmans). Revenir aussi à une véritable politique de protection des chrétiens d’Orient, vecteurs de progrès et sincères relais d’influence.

Enfin, arrêtons de voir le monde arabe comme nous aimerions qu’il soit mais plutôt tel qu’il est ! Des idéologies archaïques ont instauré une forme de dictature intellectuelle basée sur un «ethnomorphisme» ou un ethnocentrisme qui nous impose de juger les normes morales d’une société avec les nôtres. C’est une grave erreur. Revenons à un relativisme culturel et respectons les cultures, les différences et les spécificités de chacune des sociétés du Sud. Ce que le maréchal Lyautey appelait les «hiérarchies naturelles». Cessons nos discours moralisateurs, notre ingérence politique, notre «fondamentalisme démocratique et droit-de-l’hommiste» hypocrite pour lui préférer peut-être «une ingérence de la coopération ou du co-développement» et des valeurs comme le courage, le sens de l’honneur, de la fidélité et de la parole donnée, qui auront certainement beaucoup plus d’impact dans cette partie du monde…

* Consultant indépendant, associé au groupe d’analyse de JFC Conseil.

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