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Sfax : La science massacrée au nom des libertés «académiques»

Une thèse présentée par une étudiante à la faculté des sciences de Sfax fait polémique. Et pour cause : elle prétend que la terre est plate et ne tourne pas autour du soleil !

Par Abderrazek Krimi

Cette affaire a été déclenchée, le weekend dernier, par Hafedh Ateb, professeur universitaire de mathématique appliquée à l’Ecole supérieurs des télécommunications (Sup Telecom), premier astronome amateur tunisien depuis 1965 et président fondateur de la Société astronomique de Tunisie (SAT), qui a publié un post sur sa page Facebook où il a reproduit en intégralité la conclusion de ladite «thèse».

Remettant en cause un savoir devenu irréfutable depuis plusieurs siècles et que même les élèves de l’école primaire connaissent, la «thésarde», Amira Kharroubi, se fondant sur le texte du Coran (sic !), prétend pouvoir démontrer que la terre est plate, finie, fixe et située au centre de l’univers, en dehors de toute forme de gravitation.

Ce qui représente un réel scandale dans cette affaire, ce n’est pas tant le fait qu’une étudiante ait exprimé une opinion, car chacun est libre de penser comme il veut, mais que cette opinion soit présentée comme le fruit d’une recherche scientifique, qui plus est, financée par le contribuable, dans le cadre d’un établissement universitaire, et, pis encore, qu’elle soit acceptée par la commission scientifique des thèses pour être soutenue dans les prochains jours.

L’affaire, on l’imagine, n’a pas tardé à faire le buzz dans les réseaux sociaux. Et la réaction des universitaires n’a pas tardé.

Chokri Mamoughli, maître de conférences et chercheur en économie et gestion, a exprimé, dans un post Facebook, son indignation face à la décadence et à la dégradation de l’état de la recherche scientifique en Tunisie. Selon lui, la présentation d’une pareille thèse fait honte à l’ensemble des professeurs universitaires et chercheurs. Elle remet en cause la crédibilité des diplômes délivrés par l’université tunisienne et compromet les chances de recrutement des jeunes chercheurs dans les laboratoires étrangers.

Pour sa part, Raja Ben Slama, universitaire et directeur général de la Bibliothèque nationale, a rappelé, dans un post Facebook, que la thésarde «défend une théorie que la science a démentie depuis des siècles».

En réaction à l’indignation générale de ses collègues, le directeur de ladite «thèse», Jamel Touir, ancien membre de l’Assemblée nationale constituante (ANC), élu sur une liste d’Ettakattol, et actuellement membre du Harak Tounes Al-Irada de l’ex-président provisoire Moncef Marzouki, a ajouté à l’ignorance la médiocrité et l’indignité, en menaçant Hafedh Ateb, qui était à l’origine de la révélation de ce scandale, de poursuite judiciaire pour avoir… rendu public un document interne (sic !).

La réaction du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ne s’est pas fait attendre, elle aussi. Son chargé de communication, Idriss Sayeh, a annoncé aux médias qu’un courrier officiel sera envoyé, aujourd’hui, lundi 3 avril 2017, à la faculté des sciences de Sfax pour demander des explications sur cette affaire, sans préciser les mesures que le département pourrait prendre à l’encontre aussi bien de l’étudiante que de son encadrant ou même de la commission scientifique qui a accepté un tel sujet de thèse.

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